Que cela soit clair : je suis une anticolonialiste radicale. Je suis anticolonialiste avant d'être anticapitaliste, parce que le capitalisme n'est qu'une émanation du colonialisme.

Que cela soit clair : quand les esclaves d'Haïti se sont révoltés et ont massacrés les colons esclavagistes, femmes et enfants compris, ce ne sont pas les esclaves qui ont ce sang sur leurs mains, mais l'entité française.

Que cela soit clair : quand le Hamas tue des "innocents", ce ne sont pas eux qui ont leur sang sur leurs mains, mais l'entité israélienne, prétendument juive. Si le Hamas tue des français qui sont venus pour "juste faire la fête", ils tuent des criminels de guerre qui sont venus danser sur le corps exsangue de leur société pillée et violée depuis plus de 75 ans. Les enfants israéliens qui meurent d'un tir de roquette du Hamas sont tués par l'entité sioniste, car celle-ci a mécaniquement invité cette violence avec la Nakba et le reste de ses exactions. Les seuls martyrs (c'est-à-dire les "témoins de l'injustice") sont les palestiniens. Qui avant que les sionistes ne leur volent leur terre, leur âme, leur moyens de subsistence, avaient commencé à acceuillir les réfugiés juifs des camps de la Bête immonde. Tout les israéliens sont des traîtres et des criminels contre l'humanité. S'ils ne veulent pas l'être, il leur suffit de quitter ces terres, ou de se battre contre l'entité sioniste, ou d'abandonner leurs privilèges d'israéliens. Si ce n'est pas un état d'apartheid, il n'y a pas de problème à se désolidariser de la nationalité d'un état en pleine épuration ethnique, et accusé de génocide, non ? Que les parents israéliens sauvent leurs enfants de cette violence, et abandonnent Israël. Mais je ne crois pas au libre-arbitre et ce qui devait arriver arrivera. Mécaniquement.

Si tu sautes d'une fenêtre du trentième étage pour ressentir le rush de la chute, ne t'étonnes pas de te transformer en un ballon de sang et de chair lorsque tu touches le sol.

Que cela soit clair : nous, citoyens du coeur impérial, sommes tout autant coupables.

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Je me suis définie comme un anticolonialiste radicale (non, je ne fais pas de fautes d'accord), mais j'ai sciemment laissé de côté plusieurs catégories auxquelles je pourrais également m'associer. Je suis une anarchiste à tendance utopiste et une philosophe amatrice, intéressé dans l'étude de l'annihilation du concept du libre-arbitre ainsi que celle de la vertu éthique dans un projet émancipatoire. C'est du charabia, je vais essayer d'expliquer.

Le premier point important est d'établir mon axiome principal : le libre-arbitre n'existe pas. C’est-à-dire que nous n'avons jamais aucun contrôle sur notre comportement, nos pensées, ou l'environnement dans lequel nous évoluons. Nous ne contrôlons pas notre apparence physique, nous ne contrôlons pas nos pulsions, qui sont en réalité une catégorie illusoire de pensée. Notre être entier n'est qu'une machine, imbriqué avec d'autres machines, elles-même imbriquées dans l'univers (qui est bien entendu une machine entièrement déterminée). Il est toujours possible de détricoter tout ce que nous appelons un choix jusqu'à notre conception.

D'autant plus que le concept même de libre-arbitre est un non-sens. C'est un oxymore. Car un arbitrage est l'action de prendre une décision de manière raisonnée après délibération des facteurs déterminants, afin d'optimiser cette décision pour un but donné. Par exemple, je dois prendre le bus dans quinze minutes, mais j'ai très envie de faire caca. Est-ce que je fais caca avant de partir, sachant par expérience que le bus est souvent en retard, que l'arrêt est à cinq minutes en marche rapide, et que j'ai mes règles (ce qui fait que le caca est souvent assez difficile à faire sortir, qu'il va falloir remettre une serviette, qu'il va sans doute falloir passer sous la douche parce que le caca constipé pendant les règles, c'est un film d'horreur, etc.), ou est-ce que je tente le coup, avec des conséquences qui peuvent se révéler désastreuses ? Dans ce cas, je vais évaluer tout un tas de facteurs, comme la nécessité réelle de prendre ce bus là (est-ce que je vais louper mon vol d'avion ou est-ce que je voulais juste faire des petites courses ?), ma diligence avec mes exercices de Kegel, ce que j'ai mangé les deux derniers jours, etc. Appliquons maintenant le concept de liberté à l'arbitrage. Ce n'est bien entendu pas une liberté totale, ou divine, ou rien ne m'affecte, car je dois prendre une décision avec énormément de facteurs qui la déterminent. Bien, mais j'ai quand même un choix, oui ? Je fais caca, ou je tente le diable. Vraiment ? Mais quel est le chemin qui m'a mené à faire ce choix ? Quel a été l'arbitrage pris passé, la décision passée, qui m'a fait prendre mon billet d'avion pour cette date-là ? Quel a été l'arbitrage passé qui a fait que maintenant, je me retrouve affamée sans même une carotte dans mon frigo ? Cet arbitrage là a lui aussi été déterminé par les circonstances et par d'autres arbitrages passés, tous contraints par d'autres arbitrages et par le déroulement de la machine, jusqu'à ma conception. Jusqu'à la conception de mes parents, de leurs ancêtres, etc. Et tout ces arbitrages sont nécessairement contraints par les circonstances pour être des arbitrages. Sans contrainte, aucune décision n'est nécessaire, ou possible : on est libre. La liberté ne peut exister que sans pensée, et la volonté ne peut exister que sans liberté.

Quelle vision horrible, hein ?

Vraiment ?

Pourquoi ?

Si vous avez été convaincu·e par mes aventures scatologiques, qu'est-ce qui a changé dans votre vie ? Rien, à part peut-être un petit sentiment de malaise et la sensation que cela devrait être faux parce que vous n'avez pas l'impression d'être sous la contrainte quand vous choisissez de faire quelque chose ou pas. Y'a pas de flic qui vous tabasse, vous forçant à vous protéger la tête de sa brutalité.

En général, les philosophes du libre-arbitre trouvent deux points où il y a rejet pour la plupart des gens : la peur d'être prévisible, et la notion de justice. Pour la prévisibilité, je vous rassure, c'est impossible, car pour simuler vos arbitrages (vos décisions), il faudrait également simuler toutes leur contraintes et circonstances, donc simuler tout les autres arbitrages, conséquences, etc. jusqu'à l'infini. L'univers est déterminé, mais fondamentalement imprévisible. Ce qui est quelque part tout aussi flippant, mais carpe diem.

Pour la justice, c'est plus compliqué, et c'est à partir de là que je vais commencer à lier tout ce tas de théorie dégoulinant avec mon brûlot. Si personne n'a de libre-arbitre, si celui-ci est effectivement inexistant, si personne n'a aucun contrôle sur aucune de ses actions ou de ses pensées, si tout est déterminé par la circonstance ou par l'inné, comment récompenser et punir de manière appropriée ? Qui mérite quel traitement ? La réponse émancipatoire est : personne ne mérite quoi que ce soit, que cela soit des louanges et des punitions. Pour quelque action que ce soit. Je fais une pause ici, parce que le paragraphe suivant va être un peu polémique.

Einstein ne méritait pas son Prix Nobel ou quelque autre accolade. Aucun des nazis condamné à mort à Nuremberg ne méritait cette peine, ou une autre punition. Aucune personne trans ne mérite de regretter de ne pas avoir transitionner plus tôt. Aucun violeur ne mérite la prison. Alexander Fleming, l'homme ayant découvert la péniciline, ne mérite aucune louange. Un tueur ne mérite même pas une pichenette sur le nez pour le punir. Aucune de ces personnes ne mérite quoi que ce soit, car aucune d'entre elle n'a jamais eu aucun contrôle sur aucune de ses actions.

L'entièreté du système carcéral est une gigantesque farce tragique. Toute hiérarchie, où l'on élève certains et en en rabaissant d'autres est une horreur sans nom. La méritocratie est un mythe absurde qui me donne envie de hurler.

Rien de tout cela n'empêche néanmoins de chercher l'épanouissement du plus grand nombre. Le plus gros bénéfice de cette manière de voir le monde au niveau de l'individu est qu'elle permet l'abandon de la culpabilité, si on a la chance de réussir à s'en convaincre. Pourquoi est-ce que je me sentirais coupable de quoi que ce soit, puisque je n'ai aucun contrôle sur mes actions ? Malheureusement, cela n’est bénéfique que sur une population pro-sociale. Comment empêcher la création de millions, voire de milliards de psychopathes avec zéro sens de culpabilité ? Et bien déjà, nous sommes bien entendu déterminé·es par notre évolution. Nous sommes des créatures profondément sociales où l’aide envers son prochain a été inscrite dans notre patrimoine génétique et culturel depuis bien avant l’existence du genre Homo (new gender just dropped). Ensuite, si cette théorie est relativement facile à intégrer de manière intellectuelle, il est difficile de la vivre pleinement, c’est-à-dire intellectuellement, émotionnellement, et spirituellement. Enfin, et c’est purement anecdotique, mais la majorité des personnes qui ont l’air de se convaincre de cette théorie ont l’air de l’utiliser en vue de rendre possible l’épanouissement de leur camarades humains et non-humains. Un peu comme avec le Défenseur des droits en France, je pense qu’il est possible de créer des institutions et des modes de pensées qui poussent la société dans une direction pro-sociale plutôt qu’anti, comme celles qui caractérisent la majorité de notre technologie socio-politique du moment. En réalité, j’en suis convaincu. Mais comment ? C’est simple ! La manipulation la propagande L’enseignement ! C’est là que vient s’insérer l’utilisation de certains concepts du mouvement philosophique de la vertu éthique. Comment créer des personnes vertueuses ? En les y habituant, en les y contraignant, par la manufacture d’arbitrages biaisés qui les forcent au fur et à mesure à se comporter de manière de plus en plus pro-sociale. En somme, en construisant de manière délibérée et assumée une société tendant à l’utopie plutôt qu’à la dystopie. Mais que faire des personnes qui ont malgré tout eu un comportement anti-social ? Avoir une société pro-sociale ne va pas éliminer les meurtres, les viols, et les crimes de manière générale, tout comme notre dystopie n’élimine pas complètement nos capacités d’empathie. Une société pro-sociale, par définition, va tendre à l’aplatissement des inégalités, ainsi qu’à la direction des ressources disponibles envers les personnes les plus démunies—et je pense qu’il est possible de dire que les personnes anti-sociales vivent une forme d’invalidité dans une société pro-sociale, c’est-à-dire une déconnexion et un manque d’adaptation à leur environnement. Mais une société pro-sociale, plutôt que de les exclure, comme on le fait maintenant avec les personnes handicapées, va tendre à les inclure et donc à allouer des ressources (temps, argent, labeur) envers leur réintégration pleine dans la société. Les réhabituer à voir les autres animaux humains (et à terme, les animaux non-humains) comme pleinement dignes de camaraderie, d’entraide, et de respect mutuel. Pour cela, il faut mobiliser les personnes ayant la chance d’avoir une énorme patience, une énorme capacité empathique, et une énorme aptitude au pardon, et à l’enseignement par l’exemple. Au début, la tâche va être difficile, car il nous faut transitionner (new gender just dropped) d’une société anti-sociale vers une société pro-sociale, mais plus celle-ci se développera, plus les humains avec ces capacités auront la possibilité de s’épanouir, et donc de créer un cercle vertueux.

Rééxaminons donc mon brûlot qui m’a forcé à écrire ce long pavé sous l’angle que je viens de développer :

Que cela soit clair : quand les esclaves d'Haïti se sont révoltés et ont massacrés les colons esclavagistes, femmes et enfants compris, ce ne sont pas les esclaves qui ont ce sang sur leurs mains, mais l'entité française.

Cela pourrait donner l’impression que je suis d’accord, ou pour, les violences perpétrées envers des enfants, des bébés. Mais ce n’est pas du tout mon point—je ne fais que reconnaître qu’une explosion de violence de ce type était inévitable, après le traitement des personnes esclavagisées. Elles ont été habituées à une violence de tout les instants, sur des générations, et les contraintes les entourant et les formant ont dicté cet arbitrage : le massacre de leurs oppresseurs. Je rappelle qu’il y a des indices indiquant que des femmes esclavagisées sur l’île Sainte-Dominique préféraient avorter plutôt que de soumettre leur progéniture à l’horreur de l’esclavage. Que les produits avec la plus-value la plus importante de cette économie était la femme (la fillette) esclave fertile, car elle pouvait re-produire des esclaves. Bien sûr que les esclaves sont allés jusqu’à massacrer des bébés. L’entité française, c’est-à-dire l’appareil socio-politico-technologique (ou société) de la France a construit un tonneau, l’a rempli de poudre, et a continué à jeter des allumettes flambantes dedans.

Que cela soit clair : quand le Hamas tue des "innocents", ce ne sont pas eux qui ont leur sang sur leurs mains, mais l'entité israélienne, prétendument juive.

Même concept. Ce ne sont pas les individus qui sont responsables, il n’y a pas de responsable, car aucun d’entre nous n’a aucun contrôle sur nos actions, mais l’environnement (ici résumé et circonscris comme entité israélienne) dans lequel le Hamas évolue a mécaniquement mené cette organisation à considérer le meurtre de civils acceptable dans la recherche de libération. Je ne condamne pas, je n’approuve pas, je constate.

Si le Hamas tue des français qui sont venus pour "juste faire la fête", ils tuent des criminels de guerre qui sont venus danser sur le corps exsangue de leur société pillée et violée depuis plus de 75 ans.

Je ne vais pas répéter l’argument, mais je souhaite indiquer pourquoi est-ce que j’utilise ici le terme de criminel de guerre. J’essaie avec ce texte de manipuler le lecteur afin de le convaincre. Il m’est donc nécessaire de créer une réaction émotionnelle, un instant de surprise, afin d’engager pleinement ses capacités cognitives et participer à la formation mémorielle. C’est une utilisation du principe de l’énergie libre, une théorie sur l’utilité évolutionniste de la conscience, qui, intuitivement, me semble plus juste que fausse. Je tiens à préciser que je n’ai pas de formation neuroscientifique, je trouve simplement le concept très convaincant. Ainsi, en utilisant le terme criminel de guerre, ou en écrivant un brûlot concis et violent, ou bien en utilisant l’envie d’aller à la selle comme exemple, j’essaie de vous mobiliser, afin de vous convaincre, afin d’essayer d’ajuster votre capacité d’arbitrage vers une direction pro-sociale.

Que devrait-on donc faire des véritables criminels de guerre ? Des Bibis, des Rav Aluf Herzi Halevi, des soldats de Tsahal qui violent et torturent des enfants ? On les traite comme on aurait dû traiter les criminels de Nuremberg : avec une compassion totale. Peut-être que certains mourront dans l’effort de libération palestinien, il faudra laisser à leurs familles le droit de faire leur deuil. Peut-être sera-t-il nécessaire de les isoler afin qu’ils et elles (non, je n’utiliserais pas iel, le pronom est trop moche) ne causent pas plus de dégâts, au reste de la société ou à eux-mêmes. Peut-être sera-t-il nécessaire de consacrer énormément de ressources envers leur réintégration, de laisser des personnes spécialistes de la déradicalisation passer des décennies pour les reformer en humains pro-sociaux. J’ai la conviction que dans une société véritablement pro-sociale, il serait possible d’accomplir cette tâche gargantuesque et de soutenir les palestiniens, de les aider à se restaurer dans leur dignité humaine, de les soutenir dans leurs efforts de reconstruction, de reconstitution et de redécouverte de leur société.

Que cela soit clair : nous, citoyens du coeur impérial, sommes tout autant coupables.

Et pour nous autres, qui sommes tout autant coupables et participatifs dans les exactions commises envers tout les opprimé·es du globe ? Soit parce que vous aimez un peu trop le goût chimique du Big Mac, ou si comme moi, vous avez été une basic bitch l’automne dernier et vous êtes goinfrée de Pumpkin Spice Latte ? Ayons de la compassion pour nous-mêmes, absolvons-nous de culpabilité, après tout, ce n’est pas comme si nous avions eu un choix en la matière.

Je n’ai bien entendu aucun mérite (cela va de soit) dans cette réflexion, je n’ai fait que de la mise en page et des blagues scatologiques. J’ai découvert ce concept philosophique avec cet épisode de What’s Left of Philosophy (anglais), un excellent podcast pro-social de philosophie.

Et n’oubliez pas de lacérer les pneus des SUV, ou de leur donner un petit coup de clé au passage. Contraignez les anti-sociaux utilisant ces véhicules dans leurs arbitrages. Ajoutez de la friction dans leur vies.

by CritterThatIs

4 comments
  1. u/cerank, u/Dctreu, u/Monsieur_KamouX, u/Oisifalagriserobe.

  2. Dans ta logique, si un terroriste commet un attentat au nom de l’Islam, c’est l’entité « musulman » qui est en cause?
    Derrière ton vocabulaire se cache en fait un discours bien anti social et non pas pro.

    🫥 « On les traite comme on aurait du traiter les criminels de Nuremberg : avec une compassion totale », parler de Nuremberg pour évoquer Israël c’est un procédé un peu limite. Qui sert la provocation mais pas tellement ton discours.

    Ensuite, je ne suis pas pro, et en effet la situation n’est pas rose, mais tu sembles te voiler la face sur une partie de l’histoire pour en tirer les conclusions qui t’arrangent. Considérer qu’il existe une entité colonisatrice, une entité victime des circonstances (donc toutes ses actions, même les pires, sont justifiées, puisqu’au final ce sont les gentils, tes gentils), puis faire des liens avec Haïti, Nuremberg, l’esclavage, c’est une vision un peu enfantine, et indigeste. Qui créé plus une polarisation, qu’un rassemblement derrière ce que tu dis. En bref, tu vas conforter les gens dans des logiques de camps. Tu ne vas convaincre personne (ce que tu affirmes être ton objectif) si ce n’est les personnes déjà en accord avec toi. Ce qui est compliqué vu le nombre de points que tu soulèves. Tu finis par parler des SUV, dont il faudrait crever les pneus, franchement, en quoi cela est lié, si ce n’est dans ton imaginaire, en quoi cela est sérieux, et en quoi est-ce un discours fédérateur?

  3. Imbitable = incompréhensible, je pense que tu voulais dire insupportable. Je n’édite rien, sauf mettre tout le début dans un premier message, auquel tu as répondu. Je crois vraiment que tu as du vocabulaire mais tu ne maitrises pas le sens des mots.

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