Revenir sur Boutcha : désinformer la guerre en Ukraine avec l’OSINT

by grappe_de_raisin_

4 comments
  1. Critique (assez longue mais digeste) sur un aspect particulier de la propagande médiatique en temps de guerre : l’usage des documents publics, notamment les photos et vidéos.

  2. L’article n’est pas complet, pourrais tu le partager ? Merci

  3. # Revenir sur Boutcha : désinformer la guerre en Ukraine avec l’OSINT

    Par [Allan Deneuville](https://aoc.media/auteur/allan-deneuvilleaoc-media/)

    Chercheur en sciences de l’information et de la communication

    L’investigation en sources ouvertes (OSINT) a permis de révéler des crimes de guerre sur de nombreux théâtres d’opération. Une « grammaire de la véridiction » s’est comme imposée pour faire surgir la vérité des images numériques, mais celle-ci joue parfois sur des effets de réels qui font risquer des surinterprétations. Partant, l’OSINT a tout intérêt a davantage réfléchir sur ses propres méthodes, à ouvrir ses propres boîtes noires, pour donner plus de force à ses démonstrations.

    L’année dernière [dans les pages d’AOC](https://aoc.media/analyse/2023/06/05/quelques-impenses-de-lopen-source-intelligence/), je proposais de revenir sur ce que j’avais appelé « quelques impensés de l’OSINT », en interrogeant une certaine forme de techno-déterminisme des enquêtes en sources ouvertes, à partir de l’exemple de l’une d’entre elles, réalisée par la *BBC*, portant sur la mort de plusieurs dizaines d’exilés à la frontière européano-marrocaine de Melilla. L’OSINT, comme l’écrit également dans AOC Hugo Estecahandy, est l’« acronyme accrocheur d’*Open Source INTelligence »* (« Renseignement en sources ouvertes », en français), ce terme fourre-tout désigne un ensemble de méthodes et techniques d’investigation appuyées sur des ressources numériques. Dans le contexte du conflit en Ukraine, l’OSINT est souvent associé au décryptage d’images de combats ou encore photographies satellites de la ligne front, permettant de localiser des mouvements de troupes ou encore d’[identifier certains types d’armement.](https://aoc.media/analyse/2023/02/13/osint-ou-linvestigation-a-lere-numerique/)

    Dans ce nouvel article, je désire justement me concentrer sur des enquêtes portant sur des évènements survenus en Ukraine après son invasion par la Fédération russe. Cependant, je ne me focaliserai pas comme précédemment sur la méthodologie de l’enquête mais j’étudierai certains codes graphiques et visuels utilisés lors des restitutions vidéo de ces investigations. Pour ce faire, je m’appuierai à la fois sur une série d’enquêtes réalisées par le quotidien étatsunien *New York Times* autour de ce qui été appelé « le Massacre de Boutcha », et j’aborderai également la critique et la récupération de ces formes visuelles OSINT au sein d’« enquêtes » négationnistes et pro-russes à propose même évènement.

    J’entends ainsi démontrer que ces formes visuelles constituent, comme toutes formes visuelles médiatiques, un contenant dans lequel n’importe quel discours peut être coulé. Les formes visuelles de l’OSINT ont la spécificité de jouer sur un sentiment d’objectivité et d’adéquation avec la réalité factuelle, grâce à l’utilisation de schèmes graphiques précis. Je propose de nommer cet ensemble de schèmes visuels une « grammaire visuelle de la véridiction » (GVV). C’est-à-dire un ensemble de codes graphiques qui, par eux-mêmes, prétendent énoncer le vrai. L’utilisation de cette GVV nous renvoie alors à cette ère connectée où tout un chacun peut mener des enquêtes ou des contre-enquêtes OSINT[[1]](https://aoc.media/analyse/2024/05/12/revenir-sur-boutcha-desinformer-la-guerre-en-ukraine-avec-losint/#_ftn1), mais elle nous oblige également à nous interroger sur le *design* de l’information des services d’investigations visuelles des grandes rédactions de presse, ainsi qu’à ses effets sur la vidéosphère[[2]](https://aoc.media/analyse/2024/05/12/revenir-sur-boutcha-desinformer-la-guerre-en-ukraine-avec-losint/#_ftn2).

    Bien évidemment, toutes les enquêtes OSINT ne sont pas reconstituées sous forme vidéo, et d’ailleurs l’OSINT en tant que tel n’appelle pas forcément de manière générale une restitution publique. Cet article n’a donc pas pour but d’unifier le champ de l’OSINT – une tâche d’ailleurs ardue tant une méthodologie peut difficilement permettre d’unir différents groupes aux aspirations parfois radicalement opposées. Il consiste plutôt en une analyse de certaines formes que prennent les enquêtes journalistiques ainsi que de la circulation de ces formes. Cet objectif, certes modeste, semble pourtant aujourd’hui indispensable à mener.

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