**Pour planifier l’accès à la capitale cet été, la Préfecture de police a mêlé génie bureaucratique français et flicage olympique. Ici c’est Paris 2024.**
***
Avis aux nostalgiques de la pandémie de Covid, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris vont avoir un petit goût de revenez-y. Pendant l’événement, certains Parisiens et touristes vont devoir expérimenter le retour des QR Codes pour se déplacer. En 2021 et 2022, rappelez-vous, la présentation du passe sanitaire ou vaccinal était obligatoire pour entrer au restaurant ou au cinéma. À partir de la mi-juillet, il faudra présenter son téléphone pour rentrer chez soi si on réside près de la Seine, là où se déroulera la cérémonie d’ouverture, puis, à partir du début des compétitions, le 26 juillet, pour se déplacer en voiture dans certains lieux de la capitale. Pour obtenir son « Pass Jeux », il est nécessaire de se connecter sur le site mis en place par la Préfecture de police. Celui-ci est d’ores et déjà ouvert aux personnes qui souhaitent se rendre près de la Seine, et le sera bientôt pour les automobilistes qui voudront conduire dans Paris.
Déjà, les complotistes s’agitent. Figure des antivax et de la contestation contre le passe sanitaire, Florian Philippot veut faire parler de lui à cette occasion. Le président du groupuscule Les Patriotes appelle à *« boycotter ce fichage de grande ampleur »* sous *« prétexte de “sécurité” »* quand *« dans le même temps, on laisse circuler tranquillement des commandos lourdement armés qui tuent des agents pénitentiaires et sèment la terreur »* (ne cherchez pas, il n’y a pas de rapport). Pour déminer tout mouvement de protestation, Laurent Nuñez, le Préfet de police de Paris, dénonce une *« manipulation polémique et politique »* de la part de ceux *« qui assimilent »* Pass Jeux et passe sanitaire. *« On peut lire sur les sites complotistes qu’on ne pourra pas marcher dans Paris, c’est faux »*, s’est insurgé le haut fonctionnaire. Pourtant, si on regarde dans le détail les règles mises au point par ses services, il faut bien admettre que la nécessité de sécuriser les Jeux a bon dos et que, depuis la série d’attentats de 2015, la prévention du terrorisme pendant les grands événements sert bien à normaliser une diminution des libertés et un flicage de la population.
Pour Paris 2024, la Préfecture de police a établi des règles à partir d’un code couleurs évolutif assez complexe – la carte interactive est ici. Le premier concerne les déplacements pendant les épreuves. Pendant les quinze jours des JO, du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre (pendant les Jeux paralympiques), la capitale sera divisée en zones bleues, rouges, noires et grises. Les grises et noires concernent les lieux accessibles aux seuls organisateurs et spectateurs et sont donc interdites à toute circulation (sauf véhicules d’urgence). Les bleues permettent un accès libre aux piétons et cyclistes… et aux automobilistes, à condition de présenter un « justificatif libre », c’est-à-dire, précise le site de la Préfecture, d’avoir *« un intérêt légitime à se rendre dans cette zone »*. Pas besoin donc de demander un Pass Jeux en amont, mais l’autorisation de circuler sera donc soumise à l’appréciation des policiers ou agents de la circulation sur place. Enfin, il y a les zones rouges, ouvertes aux piétons et aux cyclistes, mais interdites aux véhicules du matin au soir, à moins d’avoir obtenu un laissez-passer numérique. Et là, cela se corse. Les conditions fixées pour obtenir le Pass Jeux sont décrites dans un document qui fait ressortir le génie bureaucratique français.
###Les déménageurs auront accès à la zone rouge « si le déménagement ne peut être reporté ». Il suffira de justifier de son « caractère impératif »…
Pour chaque site, seuls les riverains et certains professionnels seront autorisés à accéder à la zone rouge. Ainsi, pourront circuler les *« véhicules de professionnels juridiques réglementés (huissiers, avocats…) »*, ceux des personnes assurant *« les soins à domicile »*, les ambulanciers, les opérateurs de réseaux, les *« résidents justifiant d’un abonnement résidentiel dans la zone concernée »* ou d’un *« abonnement dans un parking public »*, les véhicules transportant des *« personnes handicapées »*… Dans certains cas, les autorisations sont partielles. Ainsi, les *« véhicules des auto-écoles »* ayant *« un parking »* dans la zone rouge pourront uniquement *« quitter le parking avant activité et y revenir en fin »* mais il ne sera pas possible d’exercer la profession de moniteur d’auto-école à l’intérieur de la zone. Mais toutes les catégories ne sont pas aussi précises. Exemple : la Préfecture autorise en zone rouge les *« véhicules des personnes exerçant leur activité dans le secteur et ne pouvant se déplacer autrement »*. Seule condition : disposer d’un parking. Mais rien n’est dit sur la manière dont il faut justifier qu’on ne peut pas utiliser un autre moyen de transport.
Un beau millefeuille administratif pour décourager la plupart des gens à être là, et puis permettre une application arbitraire le moment venu. Très kafkaïen.
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**Pour planifier l’accès à la capitale cet été, la Préfecture de police a mêlé génie bureaucratique français et flicage olympique. Ici c’est Paris 2024.**
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Avis aux nostalgiques de la pandémie de Covid, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris vont avoir un petit goût de revenez-y. Pendant l’événement, certains Parisiens et touristes vont devoir expérimenter le retour des QR Codes pour se déplacer. En 2021 et 2022, rappelez-vous, la présentation du passe sanitaire ou vaccinal était obligatoire pour entrer au restaurant ou au cinéma. À partir de la mi-juillet, il faudra présenter son téléphone pour rentrer chez soi si on réside près de la Seine, là où se déroulera la cérémonie d’ouverture, puis, à partir du début des compétitions, le 26 juillet, pour se déplacer en voiture dans certains lieux de la capitale. Pour obtenir son « Pass Jeux », il est nécessaire de se connecter sur le site mis en place par la Préfecture de police. Celui-ci est d’ores et déjà ouvert aux personnes qui souhaitent se rendre près de la Seine, et le sera bientôt pour les automobilistes qui voudront conduire dans Paris.
Déjà, les complotistes s’agitent. Figure des antivax et de la contestation contre le passe sanitaire, Florian Philippot veut faire parler de lui à cette occasion. Le président du groupuscule Les Patriotes appelle à *« boycotter ce fichage de grande ampleur »* sous *« prétexte de “sécurité” »* quand *« dans le même temps, on laisse circuler tranquillement des commandos lourdement armés qui tuent des agents pénitentiaires et sèment la terreur »* (ne cherchez pas, il n’y a pas de rapport). Pour déminer tout mouvement de protestation, Laurent Nuñez, le Préfet de police de Paris, dénonce une *« manipulation polémique et politique »* de la part de ceux *« qui assimilent »* Pass Jeux et passe sanitaire. *« On peut lire sur les sites complotistes qu’on ne pourra pas marcher dans Paris, c’est faux »*, s’est insurgé le haut fonctionnaire. Pourtant, si on regarde dans le détail les règles mises au point par ses services, il faut bien admettre que la nécessité de sécuriser les Jeux a bon dos et que, depuis la série d’attentats de 2015, la prévention du terrorisme pendant les grands événements sert bien à normaliser une diminution des libertés et un flicage de la population.
Pour Paris 2024, la Préfecture de police a établi des règles à partir d’un code couleurs évolutif assez complexe – la carte interactive est ici. Le premier concerne les déplacements pendant les épreuves. Pendant les quinze jours des JO, du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre (pendant les Jeux paralympiques), la capitale sera divisée en zones bleues, rouges, noires et grises. Les grises et noires concernent les lieux accessibles aux seuls organisateurs et spectateurs et sont donc interdites à toute circulation (sauf véhicules d’urgence). Les bleues permettent un accès libre aux piétons et cyclistes… et aux automobilistes, à condition de présenter un « justificatif libre », c’est-à-dire, précise le site de la Préfecture, d’avoir *« un intérêt légitime à se rendre dans cette zone »*. Pas besoin donc de demander un Pass Jeux en amont, mais l’autorisation de circuler sera donc soumise à l’appréciation des policiers ou agents de la circulation sur place. Enfin, il y a les zones rouges, ouvertes aux piétons et aux cyclistes, mais interdites aux véhicules du matin au soir, à moins d’avoir obtenu un laissez-passer numérique. Et là, cela se corse. Les conditions fixées pour obtenir le Pass Jeux sont décrites dans un document qui fait ressortir le génie bureaucratique français.
###Les déménageurs auront accès à la zone rouge « si le déménagement ne peut être reporté ». Il suffira de justifier de son « caractère impératif »…
Pour chaque site, seuls les riverains et certains professionnels seront autorisés à accéder à la zone rouge. Ainsi, pourront circuler les *« véhicules de professionnels juridiques réglementés (huissiers, avocats…) »*, ceux des personnes assurant *« les soins à domicile »*, les ambulanciers, les opérateurs de réseaux, les *« résidents justifiant d’un abonnement résidentiel dans la zone concernée »* ou d’un *« abonnement dans un parking public »*, les véhicules transportant des *« personnes handicapées »*… Dans certains cas, les autorisations sont partielles. Ainsi, les *« véhicules des auto-écoles »* ayant *« un parking »* dans la zone rouge pourront uniquement *« quitter le parking avant activité et y revenir en fin »* mais il ne sera pas possible d’exercer la profession de moniteur d’auto-école à l’intérieur de la zone. Mais toutes les catégories ne sont pas aussi précises. Exemple : la Préfecture autorise en zone rouge les *« véhicules des personnes exerçant leur activité dans le secteur et ne pouvant se déplacer autrement »*. Seule condition : disposer d’un parking. Mais rien n’est dit sur la manière dont il faut justifier qu’on ne peut pas utiliser un autre moyen de transport.
Un beau millefeuille administratif pour décourager la plupart des gens à être là, et puis permettre une application arbitraire le moment venu. Très kafkaïen.
Des fachos de merde