Depuis le 7 octobre, des voix juives de gauche en ébullition

by ManuMacs

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  1. **Pris dans l’ouragan répressif contre le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et la multiplication des actes antisémites, les groupes militants juifs de gauche se reprochent mutuellement de « mal » lutter contre l’antisémitisme ou de faillir à prendre part au combat en soutien du peuple palestinien.**

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    *« Il faut aller en manifestation pour la Palestine ! Je n’aime pas les appels à la résistance mais les mobilisations ne s’y réduisent pas et, nous-mêmes, Israéliens, y parlons des otages et n’avons jamais eu de problème »*, interpelle, au micro, une femme venue écouter le meeting coorganisé à Paris, le 23 mai, par les *« Juifs et Juives révolutionnaires »* (JJR), le *« Réseau d’action contre l’antisémitisme et tous les racismes »* (Raar) et le *« collectif Golem »*, qui exigent que la gauche réinscrive la lutte contre l’antisémitisme à son agenda. 

    Une partie de la salle, comble de 500 personnes, applaudit chaleureusement ces mots de Yaël Lerer, qui se voit invitée à *« conclure rapidement »*, par les modérateurs, lorsqu’elle demande que soit *« dénoncée la parole de certains juifs médiatiques, comme Meyer Habib ou le Crif *[Conseil représentatif des institutions juives de France – ndlr], *qui interviennent comme des ambassadeurs d’Israël »*. 

    Israélienne installée à Paris, Yaël Lerer, soutenue par La France insoumise, s’est présentée aux élections législatives de 2022 face à Meyer Habib. Depuis des mois, elle défile derrière la banderole *« Pour la vie, la justice et l’égalité de la mer au Jourdain »*. Mais jeudi soir, à la tribune, la formule a été condamnée par Martine Leibovici, militante du Raar.

    Depuis le 7 octobre, les juifs et juives de gauche peinent parfois à se comprendre et à dialoguer. Analyse de l’antisémitisme, de son instrumentalisation et de ses moteurs, rapport au sionisme et à l’antisionisme, auto-organisation, internationalisme, antiracisme et anticolonialisme : l’agitation qui traverse ces petits groupes de quelques centaines de militant·es concentre des questionnements politiques historiques de la gauche.

    Venue assister à l’événement *« pour le geste et parce que le fil est en train de se rompre entre les juifs et la gauche »*, la députée Raquel Garrido réfléchit, *« plus généralement »*, sur le rapport de la gauche à la lutte contre le racisme. La présence de l’Insoumise crée un esclandre. *« C’est scandaleux que LFI soit là ! »*, crie un participant. *« Nous nous félicitons de cette présence. C’est important que les responsables politiques nous entendent »*, réplique Alice Timsit, depuis la tribune. L’élue Les Écologistes du XIXe arrondissement représente le collectif Golem. La tension dure plusieurs minutes dans les travées de la salle Hénaff de la Bourse du travail, se transformant presque en échauffourée que le service d’ordre parvient, finalement, à apaiser.

    Sur le trottoir parisien, les discussions se poursuivent longtemps. Un homme se dit soulagé de *« voir enfin soulevés des débats qui mettent à l’ordre du jour la politisation de [leurs] judéités »*. Une militante féministe est un peu déboussolée par une phrase prononcée par un militant de Golem à la tribune : *« Les juifs ont le droit de se dire sionistes sans craindre de représailles. »* Elle rejette tout usage de la violence mais, aussi, la réduction de l’antisionisme à de l’antisémitisme : *« En tant que juifs, notre positionnement sur le sujet est légitime et être juif ne devrait pas nous exempter d’être responsables de nos choix politiques. »*

    Des meetings contre l’antisémitisme, un *« bloc juif »* dans les manifestations pour un cessez-le-feu à Gaza, des communiqués qui fusent sur Instagram et X, des projections de films suivies de débats, des actions symboliques à proximité de l’ambassade d’Israël, une journée internationale de rencontres *« diasporiques »* ou encore des fêtes juives célébrées en plein air *« contre le génocide à Gaza »* : depuis l’attaque contre des civils du Hamas du 7 octobre et la guerre très meurtrière que mène, depuis, Israël à Gaza, les voix juives de gauche se multiplient et s’affirment. 

    Mais pris dans l’ouragan répressif contre le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et la multiplication des actes antisémites, ces groupes se reprochent mutuellement de « mal » lutter contre l’antisémitisme ou de faillir à prendre part au combat anticolonialiste. 

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