« Il s’agit avant tout d’un sentiment de bonheur. Tout est calme ici. L’air est pur. Il faut aussi digérer le décalage horaire ».
Vous avez été arrêté à l’aéroport JFK de New York, le 4 janvier 2023, comment cela s’est-il passé ?
« J’étais parti fêter le Nouvel An, avec ma copine et deux couples d’amis. Au départ, à l’aéroport, alors que je prenais un escalator, j’ai vu quatre policiers qui m’attendaient. Ils ont couru vers moi, m’ont mis les menottes, et emmené dans leur voiture. À ce moment-là, je ne pensais pas que j’irai en prison. Mais après une heure d’interrogatoire, j’ai été placé dans une cellule. Puis, après un passage devant un juge, je suis resté dans une prison pendant un mois ».
Entre votre arrestation, ce mois de détention provisoire et six mois d’assignation à domicile, quel moment a été le plus difficile ?
« La première semaine en prison. Avec les restrictions covid, je suis resté dans une cellule de 7 m² sans pouvoir en sortir, en compagnie d’un autre détenu. Sans douche, sans téléphone, sans livre, il n’y avait rien à faire. Et, en l’absence de contact possible avec l’extérieur, je ne savais pas ce qu’il s’y passait ».
« Les acheteurs de NFT espèrent voir leur valeur augmenter au fil du temps. Pour des développeurs, comme nous, il existe deux types de revenus avec ces NFT. Le premier est celui de la vente initiale à des acheteurs (qui a rapporté 2,9 millions de dollars, NDLR). Ensuite, on prend un pourcentage sur toutes les reventes faites par les propriétaires des NFT. Notre but était donc qu’il y en ait le plus possible et que les prix montent. On voulait vraiment que ça marche. Le problème est que, dans le courant du mois de février 2022, le cours des NFT a chuté de 80 %. Notre projet étant trop petit, il a pris la vague, et les prix ont descendu ».
« Oui car les acheteurs ont reçu quelque chose de valeur ! Ce n’est pas comme si j’avais sorti une collection de NFT, pris tout l’argent, rien donné en échange et que j’étais parti, c’est cela qu’on appelle un rug pull. Les acheteurs ont reçu leur NFT et beaucoup ont fait un bénéfice en les vendant plus cher que le prix initial. On a ensuite cédé la collection à un tiers et on l’a accompagné pour continuer le projet, avec une deuxième collection prête à sortir ».
Aux yeux de la justice américaine, vous n’avez pas rempli tous vos engagements vis-à-vis des acheteurs de vos NFT. Ils comprenaient six avantages comme des dépenses marketing importantes pour faire monter leur valeur…
« Nous avons réalisé trois avantages sur les six promis, dont 500 000 dollars d’opérations marketing avant et 500 000 après la sortie du projet, avec des grosses stars du football américain, pour créer de l’engouement autour de la collection. Il restait trois avantages bien moins coûteux à concrétiser, comme une collection de merchandising, ce qu’a fait le repreneur de la collection… Au regard de la loi américaine, la fraude a débuté au moment où j’ai passé la propriété à une tierce personne sans avoir réalisé les trois derniers avantages, mais je l’ignorais à l’époque. Avant cela, tout le projet n’était pas du tout une fraude. Il n’y a jamais eu cette intention ».
(Lionel Le Saux/Le Télégramme)Pourquoi, alors, avoir plaidé coupable pour « intention de fraude » ?
« Tout cela a fait l’objet de négociations avec le procureur, dont la motivation principale était de vouloir faire un exemple. Elles ont eu lieu dans l’idée que si je ne plaidais pas coupable, un procès allait avoir lieu, peut-être dans quatre ou cinq ans, avec des frais d’avocat importants. La plupart des gens qui se font arrêter aux États-Unis, font de même, le système fonctionne comme cela là-bas ».
La juge semble avoir entendu vos arguments, c’est ce qui explique cette peine légère qui vous permet de repartir libre ?
« J’étais sûr de mes arguments depuis le début. Si j’avais vraiment voulu commettre une fraude, pourquoi aurais-je laissé mes coordonnées, e-mail et numéro de téléphone ? L’affaire est désormais classée. La juge a affirmé que le mois de détention provisoire réalisé était largement suffisant et que mon passeport devait m’être rapidement rendu pour rentrer immédiatement chez moi ».
Vous devez tout de même restituer 1,4 million de dollars. Iront-ils aux acheteurs qui s’estiment lésés ?
« Le procureur a demandé cette somme, arbitrairement, mais je n’ai pas nécessairement à la payer. (L’avocat d’Aurélien Michel lui a précisé qu’il s’agit d’une forme « d’avoir » qui pourrait être demandé s’il s’installait aux États-Unis, pour y travailler ou y habiter, NDLR). Par contre, j’ai reçu une amende de 15 000 euros et j’ai un mois pour la payer ».
Pourquoi d’autres personnes n’ont pas été inquiétées ? Vous n’étiez pourtant pas seul dans ce projet.
« Parce que je suis le seul à avoir été aux États-Unis, tout simplement ».
Le plus dur était pour ma famille, mes parents, ici.Que répondez-vous aux accusations d’implication dans d’autres supposées arnaques aux NFT avec les collections « Fashion Ape » et « Crazy Camels » ?
« Ce sont des projets NFT que j’ai créés, mais ce ne sont pas des « rug pulls ». La justice américaine avait pleinement connaissance de ces projets et elle n’a pas donné suite ».
Sur une conversation en ligne de votre communauté d’acheteurs, vous avez expliqué « n‘avoir pas prévu de faire un rug pull mais que la communauté était devenu trop toxique », c’est-à-dire ?
« Quand il y a eu le crash des NFT, en 2022, toutes les collections se sont effondrées en même temps. Lorsque ça gagne de la valeur, tout le monde est content, mais lorsque ça perd, c’est l’inverse. La communauté est devenue toxique ».
Estimez-vous que cette affaire a nui à votre famille, et notamment à l’image de votre père, ancien capitaine iconique de l’EAG ?
« Le plus dur était pour ma famille, mes parents, ici. Aux États-Unis, j’étais dans ma bulle. Et le soutien de tout mon entourage, de tous mes amis me suffisait. Les critiques et jugements des personnes que je ne connais pas, sans expertise des cryptos et de l’affaire, n’ont pas d’importance ».
Allez-vous retourner à Dubaï pour mener de nouveaux projets ?
« La vie que je menais avant me plaît. Ma passion, ce sont des projets collectifs. La semaine prochaine, je retourne à Dubaï, où sont tous mes amis. On y trouve des personnes avec un niveau de compétence très élevé pour lancer des projets. Aujourd’hui, je vends des formations en ligne et j’aimerais me servir de mon expérience pour accompagner des gens qui veulent se lancer et leur éviter certains pièges liés à des législations particulières ».
Humainement, pensez-vous avoir changé à la suite de cette histoire ?
« La leçon que je retiens le plus est qu’il faut travailler à garder des relations saines et soudées avec sa famille et ses amis, qui l’emportent sur l’argent et le business. À ce niveau, je n’ai été déçu par personne. Je pense aussi avoir mûri. Quand je suis arrivé à Dubaï, je n’avais que 20 ans, et toute cette extravagance, ce luxe, a été difficile à gérer. Depuis, j’ai eu le temps de bien réfléchir à ma vie et au sens que je veux lui donner ».