La petite mer a connu bien des remous avant de pouvoir arborer l’hippocampe, symbole du Parc naturel régional. Entre le lancement du projet en 1994 et 2014, année de la labellisation, les débats ont été au choix, animés, houleux ou homériques pour reprendre les comptes rendus du Télégramme de l’époque. Deux camps s’opposent alors : les pros-parc et les anti-parc. Dans ce que le journal Le Point ira même jusqu’à baptiser « la guerre du golfe ».
Porte-voix des premiers, Joël Labbé, alors maire écolo de Saint-Nolff et conseiller général d’opposition. De l’autre côté, le libéral François Goulard, maire de Vannes (de 2001 à 2004 et de 2006 à 2011), président de l’agglomération et du conseil départemental (2011-2021).
Le premier milite pour cet outil visant à protéger la biodiversité, limiter le grignotage des espaces naturels et inventorier les richesses patrimoniales du territoire. Le second s’était ainsi exprimé en 2011 : « L‘ idée initiale était bonne, mais elle a abouti à un projet médiocre et dangereux qui bloquait le développement des communes. »
Le débat d’idées s’incarne dans une opposition de personnalités. En 2008, l’élection de Joël Labbé face à François Goulard à la présidence du syndicat mixte (SIAGM) a exacerbé les tensions. « Le climat était délétère. Ce conflit a été anormalement dur. J’ai connu des nuits blanches, confie désormais, avec des années de recul, Joël Labbé. Mais l’un et l’autre, on était tellement différents avec des approches tellement différentes… ». « Il était bien trop passionné et n’a pas su sortir de la politique politicienne », estime pour sa part Jo Oillic, qui fut le premier président du SIAGM. François Goulard, lui, ne souhaite pas revenir sur cet épisode, conservant la règle qu’il s’est fixée depuis qu’il a laissé derrière lui les affaires locales : le silence.
Fin 2010, début 2011, les collectivités doivent s’exprimer sur leur adhésion future. L’agglo présidée par François Goulard ne met pas le sujet au vote, entraînant 23 communes dans cette décision. La région stoppe alors le projet. « Il y a eu des moments où l’on a pensé que ça n’aboutirait pas », confie aujourd’hui Monique Cassé, alors directrice du SIAGM. « Ils n’étaient sans doute pas en opposition totale sur le projet, analyse-t-elle. Mais il y avait une différence de vision, avec d’un côté la volonté d’une politique plus ouverte au développement, sur fond d’enjeux financiers et fonciers ».
La carte Lappartient
Joël Labbé, devenu sénateur, démissionne de la présidence du projet. « Dès l’instant où je me suis écarté, les choses sont devenues plus faciles ». David Lappartient lui succède. Avant de jouer les conciliateurs au comité national olympique et sportif français, il a revêtu cette casquette pour le parc. « C’était plus que tendu », relate-t-il aujourd’hui. Il fallait pacifier le climat ». Cela passe par des entretiens avec François Goulard. « C’était un peu froid », confie-t-il au sujet d’une rencontre, organisée avec Joël Labbé et Luc Foucault. « On a eu quelques discussions musclées ». Leur teneur reste, plus de dix ans après, encore secrète.
« Ça n’a tenu qu’à un cheveu »
David Lappartient reprend les 140 pages de la charte et retravaille l’écriture : « J‘ai fait un travail très fin, non pas de réécriture, parce que l’enquête publique avait eu lieu. Donc, on n‘ a pas renié nos ambitions, mais on va dire qu’on les a bien écrites ».
Le temps presse. Les conseils municipaux doivent se prononcer avant la fin 2013. « Soit on franchit l’étape maintenant, soit il n’y aura pas de PNR », martèle alors le président du SIAGM. Arzon vote sur le gong, le 26 décembre à 18 h « ça n’a tenu qu’à un cheveu cette affaire », estime dix ans après le désormais président du Conseil départemental. Le 2 octobre 2014, un décret ministériel est publié. Le PNR est créé.