Tribunal correctionnel de Blois
Vers 1 h 40, les policiers de Blois remarquent une voiture grise qui roule à vive allure dans la rue Duguay-Trouin, le 13 octobre 2024. À un feu rouge, ils baissent leur vitre pour parler au conducteur : il leur répond en donnant son nom et prénom. Tout dérape lorsqu’ils lui demandent de s’arrêter : refus d’obtempérer, feux rouges grillés, cyclistes et trottinettistes évités de peu avant qu’un stop stick de la police lancé au sol ne parvienne à crever ses pneus, des kilomètres plus loin.
Rattrapé, l’homme a résisté aux policiers en leur donnant des coups, les a copieusement insultés et crié à « l’injustice » pour alerter les riverains. Un mois plus tard, le prévenu de 25 ans est resté flou face aux questions du tribunal, lundi 18 novembre 2024 : « Je voulais juste acheter des cigarettes. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête. »
« Vous n’avez pas un problème d’imagination ? »
Sans doute la crainte d’une nouvelle sanction après avoir « fumé un joint ». « J’ai eu peur, a-t-il répété du haut de ses treize condamnations. Je sors d’incarcération, c’était mon premier week-end où l’on m’enlevait mon bracelet… » À cela s’ajoute une conduite sans le moindre point sur son permis et un état de récidive légale pour une majorité des infractions, dont un quatrième refus d’obtempérer. « Je n’ai pas les mots, j’en ai marre. Je n’arrive pas à arrêter le cannabis, ça me bousille. À chaque incarcération, je fais du mal à ma famille. »
« Le dossier n’est quand même pas bon », a convenu l’avocat de la défense, Me Romain Profit, pas aidé par l’attitude de son client. Le barbu, en apprentissage dans le bâtiment, a nié les insultes et les violences. « J’ai pris des coups, ils m’ont fait mal et ce sont eux qui m’ont insulté », a-t-il assuré, malgré les déclarations contraires des policiers, un hématome sur le visage de l’un d’entre eux (entraînant cinq jours d’incapacité totale de travail) et l’exploitation des caméras-piéton.
« Vous n’avez pas un problème d’imagination ? », a ironisé l’avocate des policiers, Me Laurence Grenouilloux, indignée de ne pas avoir « entendu de regrets à l’égard des fonctionnaires. Ce n’est pas leur travail de mettre leur vie en danger pour empêcher quelqu’un qui a comportement inconscient de tuer une personne sur une trottinette dans la Zup. Il est le seul à avoir été violent, tout a été filmé. »
Bientôt en semi-liberté ?
Le vice-procureur, Jean Dematteis, n’a pas été plus tendre. « On ne peut pas prendre une voiture en sachant qu’on a fait usage de stupéfiants et se comporter comme un sauvage alors qu’on a été condamné il y a moins de six mois. » Ses réquisitions ont porté sur quatre ans de prison ferme et la révocation d’un sursis précédent de six mois. « La question n’est pas de savoir quand il va s’arrêter mais plutôt de savoir quand il reviendra pour être jugé. »
Des demandes « disproportionnées » pour la robe noire en défense, qui a plaidé pour « ne pas casser son élan de réinsertion avec le travail. Le problème d’addiction, on va le régler avec la détention ? Pourquoi ne pas avoir une semi-liberté, un travail de 7 h à 18 h et rentrer la nuit à la maison d’arrêt ? »
Des propos entendus par le tribunal, qui a condamné le prévenu à vingt-quatre mois de prison, dont la moitié avec un sursis probatoire et un maintien en détention. Les six mois d’un précédent sursis révoqué s’ajoutent à la peine de prison ferme. « Vous verrez dans quelques mois avec le juge d’application des peines si vous pouvez bénéficier d’un aménagement », a conclu le président du tribunal.