Dans cette missive adressée aux autorités du fédéral, de la Région et des communes d’Ixelles et Bruxelles, les trois patrons dénoncent “une augmentation inquiétante de personnes se livrant à des activités de consommation de drogues, à des tentatives de prostitution, à des actes d’exhibitionnisme à proximité de [leurs] bâtiments”.
Un tableau que ne contredit pas la pharmacienne, présente Porte de Namur depuis 1998. “Ça a toujours été compliqué. J’ai eu 8 braquages depuis que je suis ici”, pointe-t-elle. “Maintenant, ils savent qu’il n’y a plus d’argent, alors ils volent les produits. Ils les échangent ensuite contre des drogues.”


Yolande, pharmacienne à la Porte de Namur depuis 1998 ©Bernard Demoulin
Dans les boutiques, rares sont ceux qui brossent un portrait positif de la situation sécuritaire. “Un client s’est récemment fait attaquer pour sa montre”, soupire une vendeuse. “C’est pire qu’avant. En plein jour, on vient nous voler des vêtements. Ils entrent et repartent tout de suite. Que dois-je faire ? Leur courir après ? C’est dangereux. Il y a des toxicomanes en manque. La station de métro est un problème”
“Le soir, ça craint”
“La sécurité ? Il y a mieux franchement”, pointe Jérémy, venu faire du shopping. “Si j’avais un enfant, je ne viendrais pas avec, ici, Porte de Namur. Le soir, ça craint.”


“Si j’avais un enfant, je ne viendrais pas avec ici Porte de Namur”, commente Jérémy ©Bernard Demoulin
“Après 23h, je n’ose plus marcher ici. En journée ça va, parce que je suis souvent en trottinette. Mais pas quand il fait noir”, témoigne Fanny, jeune femme mangeant une gaufre avec une amie à l’abri de la pluie chaussée d’Ixelles.
Chez les plus jeunes, certains relativisent la situation. “Ce n’est pas pire qu’ailleurs. C’est général à Bruxelles”, commente Gaspard en attendant le 71. “C’est mal fréquenté parce qu’il y a beaucoup de misère. Des gens dans le besoin ne sont pas assez aidés.” Quant à Francesca, néo-bruxelloise arrivée du nord de l’Italie, elle trouve la situation, pour une grande ville, moins mauvaise qu’ailleurs. “Franchement, je me sens safe ici en comparaison avec d’autres quartiers à Padoue ou Milan.”


Venue d’Italie, Francesca se sent “safe” Porte de Namur, en comparaison avec Padoue ou Milan ©Bernard Demoulin
Géographiquement, le quartier de la Porte de Namur a ceci de particulier qu’il chevauche deux communes (Ixelles et Bruxelles), qu’il est bordé par un grand axe routier et qu’il compte une station de métro souterraine particulièrement fréquentée, car elle sert également de “raccourci” pour traverser la Petite Ceinture sans attendre aux feux rouges. Frontière entre le quartier de la place Royale et Matonge, la Porte de Namur draine, surtout en cette période, des milliers de passants. Selon hub.brussels, la chaussée d’Ixelles constitue la deuxième artère commerçante la plus fréquentée après la rue Neuve, avec 28.400 passages par jour.
Face à l’interpellation des trois sociétés bancaires, la police Bruxelles-Ixelles assure “participer régulièrement à des actions coordonnées dans ce secteur, menées sous l’initiative de la police fédérale, dans le cadre de la lutte contre les nuisances aux abords et dans les stations de métro”. “En parallèle, notre recherche locale accorde une attention particulière au secteur de la Porte de Namur, avec un focus spécifique sur les problématiques liées à la drogue et aux vols avec violence. Entre-temps, nos patrouilles restent pleinement mobilisées”, commente la porte-parole de la zone. Le nouveau bourgmestre d’Ixelles, Romain De Reusme (PS), informe qu’une invitation sera envoyée aux CEO pour une rencontre et qu'”un plan d’actions” sera prochainement proposé pour le secteur.
De son côté, avec nostalgie, la pharmacienne nous raconte ses souvenirs du quartier lorsqu’elle était étudiante : “C’était vraiment un quartier chic. Il y avait de belles adresses.” Malgré les changements depuis son adolescence et les délits, Yolande assure : “C’est mon business ici. Je ne vais pas partir à cause d’eux.”