Avec des amis comme les Américains, l’Europe n’a définitivement pas besoin d’ennemis. Le problème est qu’elle a aussi des ennemis, y compris en son sein, qui répercutent les coups de boutoir de la Russie, sapant de l’intérieur les fondements de l’Union ou rêvant de le faire. La Hongrie bien sûr qui tente depuis des années de faire vaciller l’axe démocratique qui tenait l’ensemble pour imposer une norme nationale-populiste autoritaire, mais aussi les Pays-Bas, la Slovaquie, l’Italie en attendant l’Autriche de Kickl, ce qui commence à faire du monde.
À ces forces centrifuges d’extrême droite qui prospèrent partout, au péril hybride que fait planer la Russie, à l’ingérence d’États corrupteurs comme le Qatar, ou à celle de la Chine, viennent désormais s’ajouter les menaces de la future administration américaine. Les États-Unis, le grand ami historique, l’allié, sont aujourd’hui devenus des adversaires. Et d’adversaire à ennemi, il n’y a jamais loin.
Comment voir autre chose dans les fulminations de Donald Trump qui un jour promet une guerre commerciale avec l’UE et le lendemain d’envahir le territoire de l’un de ses États membres. Comment donner un autre sens à l’immixtion dans les affaires intérieures allemandes d’Elon Musk, futur membre de l’administration US, accessoirement homme le plus riche de la planète parti en croisade idéologique. Comment ne pas voir que les changements de règles de X et désormais de Meta ne sont rien d’autre qu’une volonté de renversement des valeurs.
Face à la violente poussée de cette « nouvelle internationale réactionnaire » et libertarienne dénoncée par Emmanuel Macron, l’Europe est catatonique. Sans personne pour porter sa voix alors que c’est maintenant qu’il lui faut réagir, s’affirmer, dissuader, exister.
S’il doit y avoir un moment européen, cinq ans après la crise Covid, il est là, devant nous. L’Europe ne peut pas continuer à afficher à ce point sa faiblesse. Pas dans ce monde où se réaffirme dans des proportions inédites depuis un siècle la loi du plus fort, où la seule règle est de dévorer le plus faible.