par Gram Slattery
En dépit des
promesses de campagne de Donald Trump, qui retrouvera lundi la
Maison blanche, les conseillers du président-élu américain
admettent désormais que la guerre en Ukraine durera encore
plusieurs mois, voire davantage.
Durant sa campagne, l’homme d’affaires assurait qu’il
mettrait fin “dès le premier jour” au conflit qui oppose Kyiv à
Moscou. Deux de ses conseillers admettent aujourd’hui qu’il
s’agissait là de rodomontades de campagne dont il s’est toujours
montré friand et que Donald Trump n’avait sans doute pas
apprécié la situation dans sa globalité.
Ces assertions font écho aux remarques de l’émissaire
désigné par Donald Trump pour la Russie et l’Ukraine, le général
de corps d’armée à la retraite Keith Kellogg, qui déclarait la
semaine dernière à Fox News qu’il aimerait avoir une “solution”
à la guerre dans les 100 jours, bien au-delà du calendrier
initial du président-élu.
Pour John Herbst, ancien ambassadeur des États-Unis en
Ukraine, qui travaille désormais au sein du groupe de réflexion
Atlantic Council à Washington, la centaine de jours avancée par
Keith Kellogg est elle-même bien trop optimiste.
“Pour que cela fonctionne, Trump doit persuader (le
président russe Vladimir) Poutine que son intransigeance est
nuisible”, a expliqué John Herbst.
Donald Trump répétait pourtant à longueur de meetings qu’un
accord entre la Russie et l’Ukraine était possible au premier
jour de son mandat, voire avant.
Fin octobre, toutefois, alors que la campagne électorale
touchait à sa fin, il a opéré un léger glissement sémantique
s’engageant alors à mettre fin “très rapidement” à la guerre.
Depuis le 5 novembre et sa victoire face à la
vice-présidente Kamala Harris, Donald Trump ne promet plus que
de “résoudre le conflit”, jetant aux orties l’ébauche de
calendrier qu’il avait esquissée tout en admettant qu’il serait
plus simple d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza qu’en Ukraine.
“Je pense que la situation entre la Russie et l’Ukraine va
se détériorer”, a-t-il observé, en répondant à une question sur
le conflit dans la bande de Gaza. “Je pense que c’est plus
difficile.”
De Moscou arrivent parallèlement des signaux contradictoires
sur l’hypothèse d’un accord de paix. On y salue l’idée de
pourparlers directs avec Donald Trump tout en écartant les
pistes avancées par les conseillers du président-élu, jugées
irréalistes.
“AUCUN INTÉRÊT”
Quant au Kremlin, il n’a jamais commenté le calendrier
actualisé de l’équipe Trump. Les représentants de la future
administration Trump et de l’ambassade d’Ukraine à Washington
n’ont pas répondu aux demandes de commentaires formulées par
Reuters.
Le pouvoir russe est d’ailleurs d’autant moins pressé de
s’asseoir à la table des négociations que son armée progresse
inexorablement en territoire ukrainien. De nombreux analystes
soulignent d’ailleurs que Vladimir Poutine a davantage intérêt à
amplifier les gains territoriaux malgré leur coût humain et
matériel élevé qu’à accélérer l’organisation de pourparlers.
John Herbst a sur ce point souligné les propos récemment
tenus par Vassili Nebenzia, l’ambassadeur de la Russie à l’Onu,
selon lequel les plans de paix évoqués par les conseillers de
Donald Trump ne présentaient “aucun intérêt”.
Si les contours exacts d’un plan de Donald Trump pour la
paix restent flous, ses conseillers s’accordent pour dire qu’il
devra exclure toute adhésion de l’Ukraine à l’Otan à court ou
moyen terme et instaurer un gel des lignes de front.
La plupart d’entre eux sont également favorables à ce que
soit octroyée à l’Ukraine une garantie matérielle de sécurité,
par exemple en créant une zone démilitarisée placée sous la
surveillance de soldats européens.
Jusqu’à présent, les propositions de Donald Trump et de ses
conseillers pour l’Ukraine se sont heurtées au désintérêt poli
du Kremlin, rappelant au président-élu qu’il aura bien du mal à
mettre ses promesses de paix à exécution.
(Reportage Gram Slattery; avec Jonathan Landay à Washington et
Tom Balmforth à Kyiv, version française Nicolas Delame)