Devant les députés européens, le 13 janvier, le secrétaire général de l’Otan, le néerlandais Mark Rutte, n’a repris à son compte le souhait du président américain [ré]élu, Donald Trump, de voir les pays membres de l’Alliance porter leurs dépenses militaires à 5 % de leur PIB. En revanche, le seuil des 2 % du PIB, qui constitue la norme actuellement, lui apparaît clairement insuffisant au regard du contexte sécuritaire.

Les alliés « devront dépenser davantage et un objectif de plus de 3 % [du PIB] semble probable », a estimé M. Rutte, insistant sur le fait que la « sécurité n’est pas gratuite » et que, à ce titre, « les députés jouent un rôle crucial dans les débats sur l’augmentation des dépenses ».

« D’une manière générale, dépenser plus pour la défense signifie dépenser moins pour d’autres priorités, mais cela peut faire une grande différence pour notre sécurité future », a aussi fait valooir le secrétaire général de l’Otan, avant de suggérer de « tailler » dans les prestations sociales pour financer la hausse des dépenses militares.

« En moyenne, les pays européens dépensent facilement jusqu’à un quart de leur revenu national pour les retraites, la santé et les systèmes de sécurité sociale, et nous n’avons besoin que d’une petite fraction de cet argent pour renforcer la défense », a-t-il en effet relevé. « Et si vous ne le faites pas, vous serez en sécurité maintenant, mais pas dans quatre ou cinq ans. Sinon, vous devriez par la suite suivre des cours de russe à la maison ou déménager en Nouvelle-Zélande », a-t-il asséné.

Au passage, M. Rutte a jeté un pavé dans la mare en remettant en cause la viabilité du concept d’autonomie stratégique européenne… et en rejetant l’idée d’écarter l’industrie américaine de l’armement du futur Programme pour l’industrie européenne de la défense [EDIP].

« C’est formidable d’avoir une sorte d’Otan européenne, mais alors oubliez les 2 %. Il faudra monter à 8, 9 ou 10 %. Si vous le voulez vraiment, vous devrez construire votre propre capacité nucléaire et cela prendra 15, 20 ans si vous voulez construire une Otan européenne sans les États-Unis », a fait valoir l’ancien Premier ministre néerlandais.

Quoi qu’il en soit, ce 17 janvier, à l’issue d’une séance du Conseil de défense de l’État, la Lituanie a indiqué qu’elle suivrait la Pologne en portant ses dépenses militaires à niveau bien au-delà des 3 % du PIB préconisés par M. Rutte.

« Lors de la réunion sur la défense de l’État, nous avons pris une décision véritablement historique […] concernant le financement durable de notre défense nationale. Nous sommes convenus que nous allouerions à la défense 5 à 6 % du PIB par an, au cours de la période 2026-2030 », a en effet déclaré Gitanas Nausėda, le président lituanien.

Selon les données de l’Otan, le budget militaire lituanien s’est élevé à 2,133 milliards d’euros en 2024, soit 2,85 % du PIB.

« La possibilité d’une agression militaire russe reste réelle, mais elle n’est pas inévitable. Nous devons augmenter considérablement nos efforts pour renforcer la défense et la dissuasion et y consacrer davantage de ressources », a justifié M. Nausėda.  »

« Notre sécurité est assurée par notre appartenance à l’Alliance [la Lituanie accueille un bataillon multinational et un détachement aérien de l’Otan, ndlr]. Mais elle ne sera efficace que si nous sommes prêts à nous défendre. Nos forces armées doivent disposer des armes, des équipements et du personnel adéquats. Tout cela doit être reçu en temps opportun. C’est seulement dans ce cas que les investissements dans la défense seront rentables et auront un effet dissuasif maximal », a-t-il ajouté.

Quant au financement de cet effort conséquent, le président lituanien a expliqué qu’il serait en partie assuré « en renonçant à des fonctions éventuellement inutiles dans d’autres domaines de la vie publique ».

« Il faut comprendre que l’ennemi [la Russie, ndlr] reconstruit et développe rapidement et efficacement ses capacités, nous observons une intensification des attaques hybrides. Il faut aussi agir », a, de son côté, affirmé Dovilė Šakalienė, la ministre lituanienne de la Défense. « Aujourd’hui, nous avons montré une volonté politique unie pour que, d’ici 2030, nous puissions disposer d’une division d’infanterie pleinement opérationnelle et intégrée aux plans de défense de l’Otan », s’est-elle félicitée.