Au parlement, la critique du réseau d’Elon Musk est frontale. Petit florilège non exhaustif: «univers de non-droit», «plateforme construite par et pour l’extrême droite», «un spectacle d’horreur». Dans un style plus feutré, la Commission fédérale des médias s’est inquiétée cette semaine de l’influence négative que peuvent avoir moteurs de recherche, agrégateurs d’informations, réseaux sociaux et services de partage de vidéos sur le fonctionnement de notre démocratie. Elle plaide pour de nouvelles règles.
Tout cela semble partir de bonnes intentions, mais face à tant d’indignation plus ou moins feinte, face à la fièvre régulatrice qui ne manquera pas d’atteindre les officines bernoises, le Conseil fédéral doit garder son sang-froid! Plutôt que de se jeter sur la réglementation de l’Union européenne, une solution sur mesure doit être élaborée. Définir des règles et limiter les risques d’abus de pouvoir de ces géants de la tech va de soi. Que cela ne devienne pas des zones de non-droit ouvertes aux menaces, au harcèlement, aux incitations à la haine, à la pédophilie, etc. tombe sous le sens. Mais dans notre démocratie directe, débats musclés et controverses sont essentiels. Il faut trouver ce point d’équilibre.
On entend aujourd’hui cette petite musique qui vise à définir les débats «convenables», ceux où il ne faut «pas d’amalgames», où l’accusation infamante «d’extrême droite» n’est jamais bien loin, voire le recours au bon vieux «facho». Quand des élus jouent ce jeu, cela accrédite la thèse d’un establishment qui se protège et s’emmure au lieu de faire face.
Beat Jans va-t-il quitter X? «Une réflexion est en cours», précise le DFJP
Pourtant les réseaux sociaux enrichissent aussi les débats publics, multipliant les sources, les intervenants, les angles, etc. Ils permettent d’ouvrir des brèches en osant aborder des sujets parfois tabous dans les rédactions. Des choses qu’on veut ou n’aime pas voir. Une sorte de contre-pouvoir parfois désagréable, mais salutaire.
On ne peut qu’espérer que le conseiller fédéral Beat Jans ne quitte pas ce qu’il qualifie de «dépotoir». «Une réflexion est en cours», précise le DFJP. Penser que des algorithmes ou des campagnes politiques à coups de millions peuvent menacer ou acheter un vote en Suisse, c’est bien mal connaître la maturité démocratique de notre pays.
Trier et vérifier les informations, choisir des sources crédibles, les multiplier: nos compatriotes sont rompus à cet exercice dans un système de participation unique au monde. Voir des responsables politiques déserter certains espaces démocratiques est d’autant plus incompréhensible. Faire confiance aux citoyens, plutôt qu’être pris d’une fièvre régulatrice, est un impératif.