“Nous avons élaboré une stratégie qui doit permettre de réduire l’impact de la criminalité organisée liée à la drogue à un niveau tel que notre sécurité et notre prospérité ne soient plus hypothéquées”, a-t-elle martelé. “Cette stratégie vise également à créer une société résiliente et résistante capable de former un bouclier durable et structurel contre les organisations criminelles.”

Lors de son audition avec deux collègues de travail, Ine Van Wymersch a regretté que l’impact de la criminalité organisée sur de nombreux secteurs, comme celui de l’immobilier, “n’est pas ou pas suffisamment cartographié”. Pour y arriver, le commissariat national aurait besoin non seulement des chiffres de la police et de la Justice (nombre de dossiers de blanchiment d’argent, nombre de sociétés frauduleuses dans le secteur immobilier qui ont été repérées par la police et la Justice), mais aussi de ceux du secteur immobilier lui-même, y compris des chiffres du monde notarial, du secteur bancaire et des administrations et autorités locales. “Si nous voulons être en mesure de prendre des mesures politiques efficaces et éviter que notre société ne soit envahie par la criminalité organisée, un suivi permanent de la menace réelle que représente la criminalité organisée dans tous ces domaines et secteurs est nécessaire. Ce monitoring permettra de traduire les propositions politiques en mesures concrètes et d’en mesurer l’impact.”

“Garantir la valeur des biens saisis”

Les organisations criminelles maîtrisent bien l’art d’effacer et de blanchir les avoirs acquis illégalement. Ils deviennent aussi de plus en plus inventifs dans ce domaine. Au moment où ils se font condamner, le produit du crime a souvent été blanchi depuis longtemps, convertis en biens immobiliers ou acheminés vers l’étranger.

D’où la proposition du CNDC de renforcer la chaîne “Follow, take and use the money”, soit l’identification des flux d’argent sale liés au trafic de drogue, mais aussi la saisie rapide des richesses des barons de la drogue et l’utilisation de ces fonds pour dédommager les victimes et réparer les dommages à la société.

“Pour identifier le patrimoine criminel, il faut des enquêteurs, des magistrats spécialisés, qui doivent disposer des bons outils”, a précisé Ine Van Wymersch. L’idée serait de leur permettre d’avoir recours à des “experts techniques”, par exemple des comptables spécialistes. Ce qui nécessite “un cadre légal”, selon la commissaire nationale.

“Si on est capable d’identifier le patrimoine, on doit faciliter sa saisie”, a encore précisé Ine Van Wymersch, pointant une charge administrative actuelle trop lourde. “On voudrait renforcer l’organe central pour la saisie et la confiscation (OCSC) jusqu’à ce qu’il devienne un organe de gestion du patrimoine criminel, pour soulager la magistrature et la police de tout ce travail administratif”, à l’image du AGRASC, en France. Mais aussi “pour garantir la valeur des biens saisis” et “qu’ils soient vendus à hauteur de leur valeur réelle”.

“Grâce aux avoirs criminels saisis, il faut d’abord dédommager les victimes pour restaurer la confiance en la justice et au monde politique”, a recommandé le commissariat national, en se basant sur l’expérience menée en Italie, en Espagne, en France ou encore aux États-Unis, où ce type de système de réaffectation existe déjà.

Le commissariat souhaiterait encore que l’argent sale soit réinvesti dans la prévention, l’enseignement, la lutte contre la pauvreté ou encore la santé publique. “Cela veut aussi dire que les criminels paient pour les dommages qu’ils causent à la société”, a conclu Ine Van Wymersch.

Centres logistiques mieux sécurisés: 22 projets innovants déjà mis en place

Le commissariat national aux drogues a pu convaincre le gouvernement fédéral belge d’octroyer un budget destiné à la mise en place de projets innovants permettant de renforcer la lutte contre la narcocriminalité. “Vingt-deux projets financés sont en plein développement à l’heure actuelle”, a déclaré Valérie Keuterickx, experte au commissariat national aux drogues, plaidant “pour la pérennité d’un tel financement complémentaire”. L’accent a été mis sur l’amélioration de la sécurité de centres logistiques avec l’achat de caméras ou de drones, le recrutement dans les Parquets concernés de criminologues et de juristes supplémentaires afin de garantir une politique de sécurité intégrale pour ces centres logistiques, un financement au niveau de la douane pour renforcer la sécurisation des transports des drogues saisies. ”Une menace pèse sur les personnes qui transportent ces substances et qui doivent les détruire par la suite”, a rappelé Valérie Keuterickx. Un projet visant à mieux comprendre la consommation de drogue et les pratiques des revendeurs lors des festivals. “On essaie de déterminer les mesures adéquates pour prévenir la consommation et avoir une meilleure cartographie de la situation.”

Parmi les projets réalisés, il y a eu l’inauguration d’un centre d’expertise médico-légale en matière de drogues au sein de l’INCC. Un project manager sera prochainement engagé en vue d’évaluer l’efficacité des projets financés.