Le président promet un « projet réaliste et financé » dans un contexte de restriction budgétaire. La Joconde sera exposée dans des salles spécifiques et de nouveaux espaces d’accueil creusés sous la Cour carré.

La page de la restauration de Notre-Dame de Paris à peine tournée, Emmanuel Macron ouvre un nouveau chantier. Dans un discours prononcé au saint des saints du Louvre, dans la salle des États, pupitre monté devant La Joconde de Léonard de Vinci, le président a annoncé mardi après-midi qu’il lançait un grand projet de rénovation et d’extension du musée. « Musée unique au monde, le plus beau, le plus grand », le Louvre mérite de « penser grand », a-t-il assuré.

Le résultat de ces réflexions, menées depuis plusieurs mois, impose, a-t-il dit, «un Louvre repensé, restauré, agrandi». Premier volet du projet, une nouvelle grande entrée, sur la façade est, au pied de la colonnade de Perrault. Cet espace « permettra de replacer le Louvre au cœur de la ville », a-t-il précisé en saluant la collaboration avec la maire de Paris Anne Hidalgo. Cette entrée doit permettre de soulager celle de la pyramide, inaugurée en 1989 et conçue à l’époque pour accueillir quatre millions de visiteurs par an ; ils sont aujourd’hui plus de 8 millions.

À ce premier volet s’ajoute un ensemble de nouvelles salles d’accueil du public dans des conditions qui correspondent aux standards actuels. Dans l’esprit du projet de Laurence des Cars, ces salles sous-terraines, bâties sous la Cour carrée et dans les fossés creusés par André Malraux devant la façade, comporteront de « nouveaux espaces d’accueil et d’orientation », des salles d’expositions et de médiations. Cette nouvelle circulation impose de revoir les accrochages de plusieurs départements et notamment ceux des Antiquités orientales et égyptiennes. 

Sans préciser exactement où elle sera à l’avenir exposée, Emmanuel Macron a également annoncé que ce grand déménagement sera l’occasion de revoir les conditions d’exposition de La Joconde.  

Un concours d’architecte sera lancé d’ici la fin de l’année pour choisir le projet d’extension et Emmanuel Macron a fixé à « 2031 au plus tard ». « L’ambition ne se dilue pas dans le temps », martèle le président avec des accents qui rappellent ceux du chantier de Notre-Dame.

Si les annonces, dans leurs détails, ont soigneusement été tenues secrètes jusqu’à mardi, elles interviennent quelques jours après la fuite, dans la presse, d’une « note confidentielle » de la présidente du Louvre. Dans celle-ci, Laurence des Cars ne se contente pas de défendre, une nouvelle fois, ses projets de nouveaux espaces d’accueil du public, de nouvelle entrée pour décharger celle de la pyramide au bord de l’asphyxie ou de nouvelles salles consacrées spécifiquement à La JocondeCes dossiers sont déjà sur le bureau du président de la République depuis deux ans. Dans cette nouvelle note, Laurence des Cars alerte sur « l’urgence » de mener des travaux d’entretien et de restauration dans le palais qui s’étend sur plus de 24 hectares. Fuites, défaut de climatisation, ascenseurs et escalators défaillants… Les inquiétudes exprimées, qui ont un écho mondial, exigent une réponse urgente ; Emmanuel Macron a saisi la balle au bond en organisant une visite express et un volet d’annonces à faire pâlir d’envie les autres directeurs de musées français.

Les réticences budgétaires 

L’exercice est d’autant plus épineux que l’annonce de ce nouveau chantier intervient dans la dernière ligne droite d’adoption d’un budget par le Parlement. Or les projets de rénovation et d’extension du Louvre sont chiffrés. Pour les travaux de restauration, mise aux normes et entretiens, l’ardoise s’élève à 500 millions. Même étalée sur plusieurs années, la facture est lourde. Quant à l’autre volet, celui de la création d’une nouvelle entrée sur la façade est, d’espaces d’accueil et d’exposition sous la Cour carrée du Louvre, et de salles consacrées à La Joconde, une première estimation à 400 millions avait été avancée. Mais, avait précisé Laurence des Cars en 2023, le Louvre se faisait fort de financer ces projets sans l’appui de l’État, si celui-ci assurait, de son côté, les travaux d’entretiens et de restauration qui lui échoient. 

Cette dépense nouvelle nous sera remboursée au centuple, par le prestige, par le développement économique, par l’éclat nouveau qui sera donné à Paris et au plus grand musée du monde

Jack Lang, ancien ministre de la Culture

Une voie se dessine-t-elle pour le nouveau grand dessein d’Emmanuel Macron ? Il faudra compter avec le gouvernement et François Bayrou qui ne se montraient pas pleinement convaincus à la veille des annonces. Lundi, sur TF1, Sophie Primas s’est montrée très directe. Interrogée sur l’urgence de l’intervention du chef de l’État, la porte-parole du gouvernement a rappelé que «le sujet de la rénovation du Louvre, son adaptation à son public très large est un ancien sujet qu’on ne découvre pas depuis deux-trois jours». «Il n’est évidemment pas question au moment où nous construisons un budget de maîtrise des dépenses publiques d’ajouter une ligne de 500 millions», soulignant que l’État verse 100 millions d’euros par an à l’institution pour un budget de fonctionnement total de 323 millions. Faut-il comprendre que le gouvernement ne se sentirait donc pas automatiquement tenu par la parole présidentielle ? «La Constitution est assez claire : le président préside, le gouvernement gouverne et prépare un budget, le Parlement le vote. Effectivement, ça n’engage que le président.»  

En attendant de connaître le sort réservé à ces annonces, Emmanuel Macron a reçu immédiatement le soutien de Jack Lang, ancien ministre de la Culture qui supervisa les travaux du Grand Louvre. «Les annonces du président de la République Emmanuel Macron me comblent de joie », a-t-il commenté, brocardant « les habituels pisse-vinaigres [qui] pleurnichent sur le coût de ce projet ». « Cette dépense nouvelle nous sera remboursée au centuple, par le prestige, par le développement économique, par l’éclat nouveau qui sera donné à Paris et au plus grand musée du monde », a-t-il encore assuré.