On travaillait jusque minuit avec beaucoup de pression. J’ai vu des collègues s’écrouler, aller à l’hôpital en infarctus.”
Quitter un emploi qui ne vous épanouit pas n’est pas une décision facile à prendre. Dans le cas de John, le déclencheur a été un mal-être associé et un désintérêt du métier. “On travaillait jusqu’à minuit avec beaucoup de pression. J’ai vu des collègues s’écrouler, aller à l’hôpital en infarctus. Pour moi, quelques problèmes privés se sont accumulés, et ça a été la dépression”, se souvient-il. “Pour résumer grossièrement, mon travail consistait à faire en sorte que mes clients paient le moins d’impôts possibles. On parle de millions d’euros. Et quand j’allais chez des clients près de l’Avenue Louise à Bruxelles, je voyais des gens dans la rue mendier pour un euro. C’est ce genre de situation qui m’a fait douter du sens de ce que je faisais. Je me suis convaincu que ça ne m’intéressait plus.” John sera resté huit ans dans cet environnement, avant de claquer la porte pour se reconvertir professionnellement.
Un salarié belge sur cinq concerné
Le récit de John, aujourd’hui travailleur indépendant dans le coaching en développement personnel, est loin d’être isolé. Car, selon une étude de Tempo-Team, les emplois “cage dorée” concernent près d’un salarié belge sur cinq. Cette situation a d’ailleurs un impact direct sur le mental du personnel. “Les salariés concernés ressentent moins de motivation, moins de plaisir au travail, travaillent moins efficacement, sont moins heureux et ont une perception globale de leur travail moins positive que ceux qui entretiennent une bonne relation avec leur employeur”, décrit en effet cette étude. “Prisonniers” de leur “cage dorée”, ces Belges ne claquent pas la porte comme John a pu le faire en son temps. “Seuls 5,2 % de tous les salariés (sur 2 000 interrogés) recherchent activement un nouveau job auprès d’un autre employeur et à peine un cinquième (22 %) se montre ouvert à de nouvelles opportunités sans les chercher de façon active”, précise Tempo-Team. Pas simple donc de quitter sa “cage dorée”.
Moins de la moitié des employés belges considèrent leur lieu de travail comme sain
Séverine, tout comme John, fait partie de ces opportunistes qui ont osé un jour sauter le pas du changement. Ses postes administratifs dans les assurances, les ressources humaines et la mobilité ont fini par avoir raison d’elle. “Ces emplois m’apportaient beaucoup de stabilité et de sécurité financière. Mais le package de la “cage dorée” ne justifiait parfois pas la pression qu’impliquaient mes responsabilités”, se rappelle-t-elle.
Aujourd’hui, je travaille beaucoup plus qu’avant et je gagne beaucoup moins. Mais je ne me réveille plus de stress la nuit. Tout cela n’a pas de prix.
En quête de sens, et fatiguée de la pression exercée sur ses épaules, la quadragénaire a décidé il y a trois ans de tout plaquer pour devenir indépendante. Aujourd’hui, elle est coach en ressources humaines. Elle raconte : “J’ai pris le risque un jour de dire ‘je lâche tout’ pour faire ce que j’aime et ce qui me passionne, ce qui me donne envie de me lever le matin. C’est-à-dire aider les gens et aller vers une activité qui contribue à leur mieux-être. Au moment où j’ai décidé de ce changement, j’étais en couple, avec une petite fille de deux ans et demi. Le fait d’avoir deux revenus m’a clairement rassurée pour changer de carrière. Si j’avais été seule, j’aurais dû quand même être plus prudente que je ne l’ai été. Aujourd’hui, je travaille beaucoup plus qu’avant et je gagne beaucoup moins. Mais je ne me réveille plus, de stress, la nuit. Je suis même heureuse de me lever le matin. Et ça, ça n’a pas de prix.”
Selon Tempo-Team, près de 20 % des travailleurs interrogés affirment “simplement faire quelque chose au travail et compter les heures jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer chez eux”. Une situation que Séverine n’a jamais connue mais à laquelle elle propose une alternative. “Je pense que c’est important de se demander quelle utilité on veut avoir dans la société. Avoir du sens dans ce qu’on fait, c’est très important et ça contribue au bonheur personnel”, recommande-t-elle. Tandis que John, animé par la même quête de sens, est persuadé de la nécessité de “s’écouter avant tout.” Aujourd’hui, les deux se trouvent au service des autres. Une recette, semble-t-il, gagnante.