AboTribunal cantonal vaudois –

Condamné trois fois, un Kosovar ne sera pas expulsé mais «rétrogradé»

Entrée de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal à Lausanne, située à l’Avenue Eugène-Rambert 15.

L’affaire a été jugée par la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal vaudois.

Yvain Genevay

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En bref:Un détenteur de permis C échappe à l’expulsion mais pas à la rétrogradation.Son permis a été révoqué à la suite de condamnations pour diverses infractions.Le Tribunal cantonal lui accorde un permis B d’un an, sous condition d’intégration.Une prise de conscience seule n’est pas suffisante pour éviter cette mesure.

Le titulaire d’un permis C condamné à trois reprises, dont une fois pour incitation à agression, échappe à l’expulsion, mais pas à la rétrogradation: son autorisation d’établissement est remplacée par une autorisation de séjour (permis B). Le Tribunal cantonal confirme cette décision du Service de la population (SPOP), formellement prise par la cheffe du département. «Le Canton prononce environ 25 rétrogradations par an», précise Frédéric Rouyard, chargé de communication au SPOP.

Le recourant, un Kosovar entré en Suisse en 1998, actif dans l’immobilier, domaine dans lequel il a créé des entreprises, a été condamné en 2021 à 18 mois de prison avec sursis pour emploi répété d’étrangers, incitation à l’agression, à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégaux et incitation à l’activité lucrative sans autorisation. Cela lui a valu d’être placé en détention provisoire.

Le juge pénal avait renoncé à prononcer l’expulsion du territoire suisse de l’intéressé «au vu de ses importantes attaches familiales en Suisse et de sa bonne intégration». Il retenait néanmoins une lourde culpabilité: «Ce trentenaire est à l’origine d’une sauvage agression, en utilisant autrui pour la mettre en œuvre.» Mais, en novembre 2022, le Kosovar a encore été condamné, cette fois pour des violations graves des règles de la circulation routière.

Un déficit d’intégration

En 2024, le SPOP a finalement décidé de révoquer son autorisation d’établissement et de la remplacer par une autorisation de séjour valable un an. Tout en précisant qu’à son échéance, l’homme devra satisfaire pleinement aux critères d’intégration, notamment de ne plus faire l’objet de nouvelles condamnations. À défaut, l’autorisation de séjour pourrait ne pas être prolongée et le renvoi de Suisse prononcé. Devant le Tribunal cantonal, le recourant, invoquant notamment une prise de conscience, demandait un simple avertissement.

Aux yeux de la Cour de droit administratif et public (CDAP), une telle mesure n’apparaît pas comme suffisante pour atteindre le but d’intégration poursuivi. Si les juges évoquent «un important déficit d’intégration» du recourant, ils retiennent à son crédit l’absence de poursuites et de dépendance de l’aide sociale. Deux critères qui ont permis au Kosovar d’échapper à l’expulsion.

Selon la loi, les critères d’une intégration réussie sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics, le respect des valeurs de la Constitution: les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation. Il suffit que l’un des critères ne soit plus rempli pour que l’autorisation d’établissement soit révoquée et remplacée par une autorisation de séjour.

Une mesure intermédiaire

La rétrogradation fait office de «mesure intermédiaire» lorsqu’un renvoi paraît disproportionné mais qu’un avertissement n’est pas suffisamment efficace. «Cette rétrogradation n’est pas sans effet sur la situation professionnelle du recourant, mais elle ne l’empêche pas de poursuivre une activité professionnelle», relève la Cour.

Parmi d’autres cas récents, la justice avait confirmé la rétrogradation d’un ressortissant étranger qui pratiquait l’exercice de la médecine dentaire, alors qu’il n’était pas titulaire d’un diplôme de médecin-dentiste, malgré une première condamnation. La rétrogradation a aussi été confirmée pour un étranger qui, sur une période de onze ans, avait été condamné à huit reprises, notamment pour des infractions à la loi sur les stupéfiants.

En revanche, un étranger de 23 ans, né en Suisse, condamné à 30 mois de prison avec sursis pour un brigandage commis en 2019, a échappé à la rétrogradation. Elle avait été jugée disproportionnée au vu de sa durée de séjour dans le pays, de la présence de toute sa famille proche en Suisse, de son intégration économique, de ses troubles psychiques et du fait qu’il avait commis ses infractions avant l’âge de 19 ans. Il avait écopé d’un avertissement.

«La situation des personnes qui, pour des raisons de santé, familiales ou personnelles, ne remplissent pas les critères d’intégration est prise en compte de manière appropriée, ajoute Frédéric Rouyard. L’importance et la durée du déficit d’intégration reproché sont prises en considération.»

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