L’ASBL LUkraine organise une manifestation ce samedi 22 février à Luxembourg-Ville. Celle-ci débutera à 13h45 devant la gare centrale. À cette occasion, Virgule a échangé avec le président de l’association, Nicolas Zharov.

Vous allez manifester ce samedi. Quel est le message que vous comptez faire passer et pourquoi c’est important de manifester encore?

Il y a un mois, j’avais préparé un message sur les trois ans de résistance et le soutien à l’Ukraine qui doit continuer. Mais les événements récents, surtout aux États-Unis, ont complètement changé la donne. Maintenant, le message principal est que l’Europe doit penser à son propre futur sans compter sur les alliés qui se trouvent de l’autre côté de l’Atlantique.

L’Ukraine est un allié de l’Europe qui doit être renforcé. Ce pays possède l’armée la plus forte sur le continent avec le plus d’expérience. C’est à nous, Européens, de penser à notre futur, sans compter sur les ressources abordables énergétiques russes, sur les produits abordables chinois et sur la défense presque gratuite provenant des États-Unis.

Nicolas Zharov, président de l’ASBL LUkraine, a changé son discours prévu ce samedi 22 février suite aux déclarations du président Donald Trump. © PHOTO: Laurent Blum/Archives

Vous partagez donc le constat du Premier ministre Luc Frieden (CSV) que «c’est l’heure de l’Europe»?

Exactement. C’est le moment de vérité pour le continent. Tous les pays européens doivent se regrouper, car la situation géopolitique a beaucoup changé. Nous devons compter sur nous-mêmes, afin de rester unis et résister aux dangers extérieurs.

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Donald Trump a qualifié le président ukrainien Volodymyr Zelensky de «dictateur». Comment réagissez-vous à ces propos?

Malheureusement, je dirais que Donald Trump est sous l’emprise des narratifs de propagande russe. Cela se voyait déjà lors de sa première présidence et ça s’est aggravé au cours de sa campagne électorale. Je ne pense pas que ce soit une tactique de négociations d’affaiblir au maximum les alliés.

Soit Donald Trump ne reçoit pas les bonnes informations, soit c’est un choix délibéré afin de former une alliance qui peut être utilisée dans une guerre probable avec la Chine.

L’Europe doit tout d’abord se réinventer. On a perdu beaucoup de temps. 

Nicolas Zharov

Que pensez-vous de la réunion entre les Russes et les Américains en Arabie saoudite concernant la guerre en Ukraine, réunion à laquelle les Européens ne sont pas conviés?

Ce n’est pas très productif. C’est bien de mener les efforts diplomatiques, mais il faut bien sûr inviter à table des négociations l’Ukraine, l’Union européenne et les autres pays alliés. Sinon les résultats ne peuvent pas être acceptés ni par l’Ukraine ni par les autres alliés.

Un accord de paix est-il possible cette année selon vous?

Je ne pense pas qu’on va atteindre une paix en 2025, même si je l’espère. L’accord de paix devra respecter les intérêts ukrainiens, européens et de tous ceux qui ont souffert de cette agression. L’intégrité territoriale de l’Ukraine est non négociable. Il faut avoir des garanties de sécurité durables pour ne pas avoir la guerre d’ici à quelques mois ou quelques années sur le continent européen.

Je vois très mal comment parvenir à cet objectif, notamment à cause du contexte actuel avec les États-Unis. Les déclarations du vice-président américain envers l’Europe et l’Ukraine montrent que la situation géopolitique a changé. Je pense que nous n’avons plus sur ce parapluie de protection américaine sur l’Union européenne. Les États-Unis ne mettent plus leur focus sur l’Europe, mais sur la Chine.

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C’est la raison pour laquelle l’Europe doit se ressaisir?

L’Europe doit tout d’abord se réinventer. Beaucoup de temps a été perdu en comptant sur la défense américaine et les produits abordables chinois. Et alors que nous abandonnions notre système de défense. Les trois dernières années de guerre ont montré que l’Europe n’a pas su accélérer la production de son industrie de défense, afin de répondre aux besoins des Ukrainiens.

Les rapports de M. Draghi doivent être réalisés au plus vite, sinon on risque de se retrouver comme en 1938 où pour apaiser Hitler, il a obtenu une partie de la Tchécoslovaquie. On sait comment cela a fini! Nous nous retrouvons dans la même situation alors que Vladimir Poutine souhaite rétablir ses zones d’influences russes disparues depuis l’Union soviétique dans les pays baltes ou en Moldavie.

Le Premier ministre Luc Frieden et le grand-duc Henri saluant le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors des célébrations du 80ᵉ anniversaire du Débarquement allié en Normandie le 6 juin 2024. © PHOTO: SIP

Qu’attendez-vous du Luxembourg?

Le Luxembourg doit soutenir l’Ukraine, car ce pays est au front de cette guerre. Le Luxembourg connaît bien la situation d’agression car il l’a vécue durant la Seconde Guerre mondiale. On doit rester solidaire et augmenter notre soutien à l’Ukraine, y compris nos dépenses dans la défense et trouver un plan stratégique pour l’évolution de notre UE.

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Le Luxembourg doit augmenter ses dépenses en matière de défense?

C’est une demande des États-Unis qui est en train d’être réalisée. Est-ce que cela va suffire? Je ne le pense pas, car les budgets des défenses russes en chiffre réel sont plus grands que la somme de tous les budgets de défense des pays européens.

Combien de réfugiés ukrainiens y a-t-il en ce moment au Luxembourg?

Environ 5.000 réfugiés ont obtenu la protection temporaire. À cela, il faut rajouter les 3.000 expatriés qui vivaient déjà au Luxembourg avant l’invasion russe.

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Quels sont les projets actuels de l’ASBL?

Nous avons quatre piliers: politique, humanitaire, culturel et éducatif. Nous avons une école le samedi qui accueille 120 enfants et environ 20 professeurs expatriés ou réfugiés. Nous essayons de maintenir nos efforts, c’est devenu beaucoup plus difficile après l’affaire Caritas.

Nous sommes pourtant transparents sur la totalité de nos transactions. Comparée à 2023, l’année dernière, nous avons obtenu 40% de dons en moins. Mais nous essayons de garder un budget de 1,4 million d’euros pour nos programmes en cours.

La création de l’association LUkraine

«Suite aux manifestations en 2014, de nombreuses personnes voulaient un peu plus se sentir appartenir à une communauté. La décision a alors été prise de créer l’association LUkraine», nous expliquait Nicolas Zharov en février 2022. Il faisait alors partie du comité directeur. Depuis sa création, l’association mène plusieurs actions qui bénéficient aux Ukrainiens.