La Chambre a été agitée récemment par un débat sur des accords présentés comme secrets et portant sur la taxation des plus-values et sur des services hospitaliers. Pensez-vous que cette législature sera plus animée que sous la Vivaldi ?

“Je l’espère. Avec des personnalités de la majorité comme Georges-Louis Bouchez, une forte opposition comprenant Paul Magnette, Alexia Bertrand et Raoul Hedebouw puis des figures politiques marquantes comme Bart De Wever, Jan Jambon ou Theo Francken au gouvernement, il est évident que nous aurons des débats animés. Concernant la question des “accords secrets”, il faut distinguer deux choses. Lors de la formation d’un gouvernement, il est normal que les négociations restent confidentielles. Aucune coalition ne peut se former si chaque élément des discussions est immédiatement dévoilé. Cependant, dès que ces accords doivent être appliqués, ils deviennent publics et sont débattus à la Chambre en toute transparence. L’essence même du Parlement est d’être un espace de débat ouvert, où les décisions doivent être discutées devant les citoyens. C’est l’endroit le plus transparent de notre système démocratique. Contrairement aux réunions du gouvernement ou aux conseils d’administration des grandes entreprises, presque tout ce qui s’y passe est accessible au public, en direct ou en différé.”

En parlant de transparence… le site web du Parlement est un peu archaïque. Prévoyez-vous de l’améliorer ?

“Absolument. Aujourd’hui, l’accès à l’information parlementaire doit être plus simple et plus direct. Il est inacceptable que les citoyens aient du mal à suivre les débats ou à retrouver des documents. Nous avons déjà tenté des améliorations, mais certains projets ont échoué. Moderniser un site aussi complexe, contenant toutes les lois, comptes rendus et sessions plénières, est un travail titanesque. C’est pourquoi nous lançons une nouvelle interface sur laquelle il sera plus facile de suivre les diffusions vidéos.”

Pourrait-on envisager une application mobile qui permettrait aux citoyens de suivre en direct les séances, de recevoir des alertes sur les sujets qui les intéressent, et d’accéder rapidement aux archives ?

“Pourquoi pas.”

Peter de Roover, president de la ChambrePeter de Roover, president de la Chambre

Peter de Roover est président de la Chambre depuis les élections du 9 juin. ©Jean Luc Flemal

Quels sont vos projets pour la Chambre ?

“Un de mes projets est d’améliorer l’efficacité du Parlement. Un premier pas a été réalisé avant l’arrivée du gouvernement Arizona avec la fusion des services administratifs de la Chambre et du Sénat, afin de rationaliser les coûts et le fonctionnement. Nous devons gérer l’argent public de manière responsable. C’est également la raison pour laquelle le parlement a adopté une proposition de loi réduisant les dotations pour les partis politiques de 5,32 %. Enfin, je suis convaincu que nous avons déjà un corpus législatif extrêmement dense. Trop souvent, par orgueil, les politiques se sentent obligés de créer de nouvelles lois pour donner l’impression d’agir, alors que notre priorité devrait être d’assurer un meilleur contrôle de l’exécutif et d’améliorer l’application des lois existantes.”

Le Premier ministre Bart De Wever a parlé d’interdire l’alcool à la cafétéria de la Chambre. Êtes – vous du même avis ?

“Soyons clairs : ce sujet est anecdotique. On donne l’impression que les parlementaires passent leur temps à boire, ce qui est totalement faux. Lors du récent débat parlementaire de 40 heures, qui a été particulièrement intense, personne n’a pris la parole en état d’ébriété. Si quelqu’un a un problème avec l’alcool, il ne le résoudra pas en interdisant les boissons à la cafétéria. Il ira boire ailleurs. Ce n’est pas la priorité, à mes yeux.”

En France, une journaliste, Elise Lucet, est allée à l’Assemblée nationale pour faire passer des tests antidrogue aux ministres. Cela a provoqué de nombreux débats. Est-ce imaginable chez nous ?

“Cela ne me pose aucun problème, mais c’est du spectacle. Je n’y suis pas opposé, mais ça ne se fera pas. Est-ce que cela se pratique dans d’autres professions ? Est-ce qu’on le fait dans votre rédaction ? Bien sûr, ce qui est interdit par la loi l’est aussi pour un politicien. Mais installer des tests antidrogue à l’entrée du Parlement ? Cela me semble relever davantage d’un programme télévisé cherchant à faire le buzz.”

Le dress code au Parlement vous semble-t-il important ?

“Je ne vais pas imposer de règlement strict. Toutefois, je pense que le Parlement doit conserver une certaine dignité et un minimum de décorum. Dans les années 1900, tous les députés étaient en costume-cravate. Aujourd’hui, les styles ont évolué. Cela reflète les changements de la société. Certains élus s’habillent de manière plus décontractée. Personnellement, je préfère une certaine solennité, mais je ne vais pas imposer une règle stricte.”

Catherine Fonck déplore “l’instrumentalisation terrible” de la Chambre : “Il y a une concentration du pouvoir décisionnel autour de 15 personnes”

En tant que président de la Chambre des représentants, comment faire pour éviter que le parlement ne soit qu’une chambre de validation du gouvernement ?

“Mon rôle principal est d’assurer le bon déroulement des séances plénières tout en respectant l’équilibre démocratique. Je veillerais à ce que l’opposition ait suffisamment d’espace pour exercer son rôle fondamental de contrôle du gouvernement. Concernant la majorité, il ne faut pas se faire d’illusions. Il n’y aura jamais de majorité si elle doit se diviser chaque semaine. L’accord de gouvernement fait 200 pages. Pour qu’il soit mis en œuvre, il faut qu’il y ait une certaine loyauté. Cela ne me pose aucun problème. En dehors de l’accord de coalition, j’ose espérer qu’il y aura une certaine marge de manœuvre.”

La N-VA défend le confédéralisme. N’est-ce pas contradictoire d’être à la fois un membre important de ce parti et d’être président d’une institution fédérale ?

“Non, pas du tout. Toutes les compétences qui relèvent du Parlement fédéral concernent des domaines où plus de 60 % des personnes impliquées sont des Flamands. Si je m’intéresse à la manière dont les Flamands ont accès à la justice, à leur régime de pension ou aux politiques d’activation du marché du travail, cela relève largement du niveau fédéral. La Défense, par exemple, est une compétence belge. Donc, si je défends les intérêts des Flamands, il est logique que cela se passe ici. Pour être clair, je suis un nationaliste flamand. Mais jamais, au cours de ma carrière politique ou avant, cela n’a signifié pour moi être anti-wallon ou anti-francophone. Quand nous menons une politique avec la coalition “Arizona”, j’espère qu’elle bénéficie à la Flandre, mais je suis convaincu qu’elle profite aussi à la Wallonie. Je n’ai aucun intérêt à ce que la Wallonie aille mal. Mon objectif est de défendre la Flandre, pas d’être contre la Wallonie. Je suis personnellement convaincu que les entités fédérées devraient obtenir davantage de compétences. Mais en même temps, la N-VA est un parti fondamentalement antirévolutionnaire. Nous travaillons dans un cadre légal et constitutionnel. Nous voulons réformer, pas faire la révolution.”

Vous évoquez souvent l’hubris des politiciens, leur orgueil. En quoi est-ce un problème ?

“L’hubris est un concept essentiel pour comprendre certaines dérives de la politique. Il s’agit de cette tendance qu’ont les hommes politiques à vouloir sans cesse intervenir, créer de nouvelles lois et réguler toujours plus. Souvent, un politicien se sent obligé d’agir, même lorsqu’aucune action n’est réellement nécessaire. Il y a cette croyance que “si un problème existe, la politique doit forcément le résoudre”. C’est une erreur.

Avant de légiférer, un élu devrait toujours se poser quatre questions essentielles : 1. Y a-t-il vraiment un problème ? Beaucoup de lois naissent de faux problèmes ou de crises médiatiques temporaires.

2 Le monde politique doit-il intervenir ? Certains problèmes peuvent se résoudre par eux-mêmes, sans intervention étatique.

3. La solution proposée règle-t-elle réellement le problème ? Une loi inutile crée souvent plus de confusion qu’elle n’en résout.

4. Les conséquences négatives de cette loi sont-elles acceptables ? Trop souvent, une loi crée de nouveaux problèmes pires que ceux qu’elle prétend résoudre.

Si la réponse à ces quatre questions est “oui”, alors il faut agir. Sinon, mieux vaut ne rien faire. Si on appliquait ce raisonnement, 80 % des initiatives législatives disparaîtraient.

Le véritable rôle du Parlement ne devrait pas être de produire toujours plus de lois, mais de contrôler l’application de celles qui existent déjà. Trop souvent, les politiciens créent de nouvelles règles simplement pour donner l’impression d’agir, sans penser aux effets secondaires. Nous vivons dans une époque où chacun se prend pour un dieu, où nous pensons pouvoir tout régler par décret ou règlement. Mais parfois, la meilleure action politique, c’est de ne pas agir. Il faut faire preuve d’humilité et accepter que tout ne peut pas être contrôlé par l’État.”

Pensez-vous que cette “hubris” est propre aux politiciens ?

“Non, elle est partout dans la société. Aujourd’hui, nous vivons dans une époque où tout le monde veut tout réinventer en permanence. On considère systématiquement que ceux qui nous ont précédés avaient tort et que nous sommes les premiers à comprendre comment le monde fonctionne. Nietzsche disait “Dieu est mort”, mais en réalité, nous avons simplement créé 11 millions de petits dieux. Chacun pense détenir la vérité absolue et vouloir tout contrôler. Cette absence d’humilité est un problème. Il faut savoir reconnaître que certaines traditions ont du bon, que tout ne doit pas forcément être changé du jour au lendemain, et surtout, que l’État ne doit pas s’occuper de tout. L’État doit être fort là où c’est nécessaire, mais ne pas se mêler de chaque détail de la vie des citoyens. Trop de régulations tuent la liberté et finissent par rendre l’État oppressant.”

La Chambre et le Sénat amenés à n’en faire plus qu’un ? Les administrations des deux assemblées vont fusionner

La suppression du Sénat est-elle réalisable ?

“C’est inscrit dans l’accord de gouvernement. Aujourd’hui, le Sénat est une institution sans réelle utilité. Soit on en fait une vraie chambre législative avec un rôle clair, soit on le supprime. Maintenir le Sénat dans son état actuel, c’est une absurdité. Il coûte cher, et il ne joue plus de rôle essentiel. J’espère donc que nous irons au bout de cette réforme et que nous trouverons une autre fonction pour le bâtiment : un musée, d’autres activités… mais on ne va pas le détruire. Aujourd’hui, le Sénat belge est un pseudo-Sénat. À l’étranger, quelqu’un qui se présente comme “sénateur en Belgique” peut impressionner, car on pense au Sénat américain, au Bundesrat, au Sénat français… Mais en réalité, ce n’est rien. C’est un décor de Potemkine.”

Vous avez évoqué la question des dotations et des pensions des parlementaires. Quelles réformes ont été mises en place ?

“Nous avons mis fin à certaines pratiques qui n’étaient plus défendables. Avant, un parlementaire pouvait obtenir une pension complète après seulement 20 ans de mandat. Désormais, il faut 45 ans de carrière, comme dans d’autres secteurs. En moyenne, un parlementaire siège environ 7 ans et demi. Avec les nouvelles règles, aucun élu actuel n’atteindra une pension parlementaire complète. Ceux qui en bénéficient encore sont des anciens parlementaires de longue date. Par ailleurs, l’accord de gouvernement prévoit le gel des dotations aux partis pour éviter qu’elles ne suivent l’inflation, une mesure soutenue de longue date par la N-VA. Cette approche permet de réduire progressivement les coûts sans décisions radicales comme une suppression brutale des dotations.”

Un dernier message ?

“Le Parlement est le cœur de notre démocratie. Il est essentiel que les citoyens s’y intéressent, suivent les débats et s’impliquent. J’encourage les médias à couvrir plus largement le travail parlementaire, car c’est ici que se prennent les décisions les plus importantes pour notre pays.”