D’ordinaire très critique de l’alliance, le président américain a apporté jeudi son «soutien» à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, qui impose un principe de solidarité vis-à-vis de tout État-membre victime d’une attaque armée.
Donald Trump n’est plus à une contradiction près. Très critique de l’Otan depuis le début de son premier mandat en 2016, le président américain ne s’est jamais privé depuis de rappeler aux Européens que les États-Unis dépensaient trop pour protéger le Vieux Continent et d’exiger une participation financière plus élevée. Jeudi 27 février, lors d’une conférence de presse commune avec le premier ministre britannique Keir Starmer à la Maison-Blanche, il a répété que les États-Unis «pay(aient) une part disproportionnée» dans le financement de l’organisation.
Mais à la surprise générale, il a affirmé son «soutien» à l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, alors même qu’il avait refusé, lors de son premier mandat, de réaffirmer explicitement l’engagement des États-Unis à ce passage du texte, pierre angulaire de l’Alliance. À l’heure où le projet d’installer des troupes européennes en Ukraine pour y sécuriser une paix restant à conclure fait son chemin, Le Figaro revient sur la définition et les spécificités de l’article 5.
Que dit l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord ?
En 1949, l’objectif premier du Traité de l’Atlantique Nord – traité fondateur de l’OTAN – était de mettre en place un pacte d’assistance mutuelle visant à contrer le risque de voir l’Union soviétique étendre le contrôle qu’elle exerçait sur l’Europe orientale à d’autres parties du continent. Tous les pays signataires convenaient que cette forme de solidarité était au cœur du Traité et l’article 5 sur la défense collective devenait de fait la pierre angulaire de l’Alliance.
Il dispose en substance que si un pays de l’OTAN est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué. L’invocation de l’article 5 permet aux Alliés de fournir toute l’assistance qu’ils jugeraient nécessaire d’apporter, quelle qu’en soit la forme, pour répondre à une situation donnée. Il s’agit d’une obligation individuelle incombant à chaque Allié et chaque Allié est chargé de déterminer ce qu’il juge nécessaire d’apporter dans le contexte considéré.
Quel est le processus de déclenchement de l’article 5 ?
Pour déclencher l’article 5 de l’Otan, il faut d’abord que le pays attaqué accepte de l’invoquer. Ensuite, le Conseil de l’Atlantique Nord doit donner son accord unanime pour l’invoquer. Des vérifications et confirmations des faits sont également effectuées pour étayer la décision, quand bien même ces démarches ne sont pas spécifiées dans le traité. Ce processus permet une réponse proportionnée et adaptée à la situation, allant d’incidents sérieux à une guerre généralisée.
Quelles sont les limites de l’article 5 ?
L’assistance, fournie conjointement par les Alliés, n’est pas nécessairement de nature militaire et dépend des ressources matérielles dont dispose chaque pays. Chaque pays membre est donc libre de déterminer la façon dont il souhaite contribuer. Il consultera les autres membres sans perdre de vue le but ultime, à savoir «rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord».
À lire aussi
En cas d’attaque d’un pays de l’Otan, les autres membres de l’alliance entrent-ils automatiquement en guerre?
Lors de la rédaction de l’article 5, à la fin des années 1940, un consensus se dégageait sur le principe d’assistance mutuelle, mais il y avait un désaccord fondamental sur les modalités de mise en œuvre. Les pays membres européens souhaitaient s’assurer que les États-Unis apporteraient automatiquement leur aide si l’un des signataires venait à être attaqué ; les États-Unis, quant à eux, ne souhaitaient pas prendre un tel engagement et l’article 5 a été formulé en conséquence.
Aucune automaticité n’est donc prévue dans le texte fondateur de l’Otan. Et ce pour deux raisons principales qu’expliquait le directeur adjoint de la FRS Bruno Tertrais, au Figaro en février 2022. Il faut d’abord qu’une «attaque armée» soit caractérisée comme telle pour que l’article 5 puisse être déclenché. Le processus mis en œuvre exclut donc la possibilité qu’un pays membre de l’Otan soit entraîné dans un conflit s’il estime qu’il ne s’agit pas d’une «attaque armée». La seconde raison tient au fait que les États membres de l’Alliance restent souverains pour déterminer l’action qu’ils jugent nécessaire de mener. En cas de blocage, si la notion d’«attaque armée» n’est pas reconnue par le Conseil de l’Atlantique nord, les États membres qui le souhaitent peuvent agir, mais hors du cadre de l’Otan.
L’article 5 a-t-il déjà été invoqué ?
L’article 5 a été invoqué et appliqué à une seule reprise : le 12 septembre 2001, moins de 24 heures après les attentats terroristes qui ont frappé le sol américain. Le 2 octobre, il a été établi que ces attaques étaient considérées comme relevant de l’article 5, car dirigée depuis l’étranger contre un État-membre. Le 4 octobre, l’Otan a ainsi approuvé un paquet de huit mesures pour soutenir les États-Unis, parmi lesquelles deux opérations antiterroristes entre octobre et mai 2001.