Le nutri-score, système d'étiquetage nutritionnel à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, est établi en fonction de la valeur nutritionnelle d'un produit alimentaire.

Michel GILE / Gamma-Rapho via Getty Images

Le nutri-score, système d’étiquetage nutritionnel à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, est établi en fonction de la valeur nutritionnelle d’un produit alimentaire.

ALIMENTATION – « A, B, C, D, E », cinq lettres au cœur de la discorde. Le Nutri-Score, affiché sur 60 % des produits vendus en supermarché en France, n’a toujours pas été généralisé en Europe. Pourtant, dès 2020, la Commission européenne avait proposé de le rendre obligatoire partout en Europe. Mais selon une enquête publiée ce vendredi 28 février par Radio France, l’Italie fait tout pour enterrer le projet, pour servir ses propres intérêts.

En France, le Nutri-Score se retrouve sur un large éventail des produits : gâteaux, conserves, plats préparés… Créé en 2017 par une équipe de chercheurs de la Sorbonne, ce petit logo permet aux consommateurs de visualiser en un coup d’œil la valeur nutritionnelle d’un produit. Un repère utile qui tient compte, entre autres, de la teneur en gras et de la quantité de sucre et de sel contenu dans le produit.

La France n’est pas la seule à l’avoir adopté : on le retrouve aussi en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg, en Espagne, et en Suisse. Problème : jusqu’alors, les marques sont libres d’afficher ou non le Nutri-Score. Seule l’Union européenne peut le rendre obligatoire. En 2020, la Commission y était plutôt favorable : lorsqu’elle avait dévoilé son Pacte Vert, il était ainsi question de créer d’ici fin 2022 un logo nutritionnel harmonisé et obligatoire sur les emballages.

Le projet paraissait même bien engagé, puisqu’en octobre 2021, les députés européens avaient approuvé, dans son principe, l’idée d’un logo nutritionnel obligatoire. Mais depuis, silence radio. Publiquement du moins, puisque la cellule investigation de Radio France révèle ce vendredi les « Nutri-Score papers », des documents rendant compte d’un intense lobbying italien sur la Commission pour enterrer le projet.

Meloni a peur pour les produits italiens

Selon ces documents, obtenus fin 2024 par l’ONG Foodwatch, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se sont rencontrées à plusieurs reprises en 2022, notamment pour échanger sur le Nutri-Score.

La chef du gouvernement italien n’a jamais caché son hostilité pour le dispositif français, qu’elle considère « discriminatoire et pénalisant » pour le système agroalimentaire italien. Elle craint notamment que des produits typiques comme l’huile d’olive, le jambon de Parme ou le gorgonzola pâtissent de cet étiquetage.

Une inquiétude partagée par les industriels, qui ont eu aussi fait pression sur Bruxelles. Les hauts fonctionnaires de la Commission européenne ont ainsi eu « 17 réunions avec des opposants au Nutri-Score ou des intérêts commerciaux, et seulement deux avec la société civile », indique l’enquête de Radio France.

Les bienfaits du Nutri-Score sont prouvés

« Ce qui est surprenant, c’est de voir certains des arguments avancés lors de ces réunions. Par exemple, les Italiens ont dit qu’il n’y avait pas de preuves scientifiques derrière le Nutri-Score alors qu’en réalité, il n’y a pas d’étiquette nutritionnelle qui a autant de preuves scientifiques ! », fulmine Emma Calvert, la porte-parole du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), qui a eu accès aux documents.

Pourtant, les bénéfices du Nutri-Score pour la santé ont largement été documentés. « Les personnes qui consomment en majorité des aliments avec un bon Nutri-Score ont moins de risques de développer des maladies chroniques, une maladie cardiovasculaire ou un cancer », souligne auprès de Radio France Mathilde Touvier, chercheuse à l’Inserm, qui a participé à l’élaboration du Nutri-Score.

Le ministère de la Santé rappelle par ailleurs sur son site que « l’alimentation est un facteur de protection de la santé ou de risque de développement des pathologies les plus fréquentes en France : divers cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, obésité ».

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