Ces derniers jours, des contrevérités ont été assenées dans les médias pour attaquer les politiques d’appui au développement et de solidarité internationale. Copiant un discours populiste qui s’est propagé outre-Atlantique et ailleurs, avec notamment la fermeture de l’agence humanitaire et de développement américaine Usaid, un vent nauséabond souffle sur l’aide publique au développement.

Usaid et les grands acteurs du développement international, dont l’Agence française de développement (AFD), jouent un rôle clé dans la lutte contre l’extrême pauvreté et la réponse aux crises. Le soutien d’Usaid à l’Ukraine, son premier bénéficiaire, a contribué à ce que le pays tienne face à l’invasion russe. Pouvons-nous nous réjouir que cet appui à un pays allié, qui se bat vigoureusement contre l’oppression russe sur le continent européen, subisse un tel arrêt ? Pouvons-nous applaudir le fait que des acteurs humanitaires chargés de secourir des enfants victimes de malnutrition aiguë dans le monde soient susceptibles d’être privés de financement ? Que des programmes de recherche en santé mondiale qui nous protègent des futures pandémies soient menacés ?

Ces réactions de repli et ces raccourcis ne sont pas à la hauteur des défis de notre temps pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que les politiques de développement international et d’aide humanitaire permettent de faire face à la multiplication des crises, qui ne s’arrêtent pas à nos frontières, et protègent très directement les Français. En luttant contre l’extrême pauvreté, nous aidons à réduire l’instabilité de régions qui pourraient sinon plonger dans le chaos.

En nous attaquant aux racines des conflits, depuis la malnutrition jusqu’au manque d’eau potable, ou aux risques climatiques et pandémiques, nous limitons les risques de flux migratoires incontrôlés. Nous servons aussi l’intérêt de nos entreprises  : 50 % des marchés financés sont remportés par des entreprises françaises.

L’AFD est une banque qui emprunte sur les marchés financiers et prête à un taux qui lui permet de couvrir ses coûts et de dégager des bénéfices. Cela ne coûte rien au contribuable français.

Les Français veulent une France forte, pas une France absente. La France ne peut abandonner sa vocation de puissance d’équilibre et de solidarité internationale. Une seconde raison qui nous oblige, c’est que les arguments financiers mis en avant par les polémistes d’extrême droite sur l’AFD sont tout simplement des mensonges. Je prends un exemple  : le prétendu financement de projets dans certains grands pays émergents aux frais du contribuable.

On s’étrangle  ! Rappelons l’essentiel  : l’AFD est une banque qui emprunte sur les marchés financiers et prête à un taux qui lui permet de couvrir ses coûts et de dégager des bénéfices. C’est le cas en Chine, où l’AFD n’accorde que des prêts que le gouvernement chinois rembourse avec intérêts, au taux du marché (environ 5 % contre un taux moyen d’emprunt de 3 %). Cela ne coûte rien au contribuable français. En revanche, elle ouvre des marchés et permet de mettre en valeur le savoir-faire de nos entreprises et de nos bureaux d’études, par exemple en matière d’environnement avec l’expertise apportée là-bas par le parc naturel régional des Ballons des Vosges.

Son action bénéficie d’effets de levier  : pour 1 euro de l’État, ce sont 12 euros qui sont investis au total. Mais l’AFD est une banque publique de développement, ce qui veut dire qu’elle dirige ses financements vers des secteurs stratégiques, en ligne avec les grands enjeux actuels et nos priorités politiques à l’étranger. Les reproches de financer des projets dans le secteur culturel, du droit des femmes ou du sport, qui sont des vecteurs de liens humains indispensables, illustrent le mépris pour les ponts qui sont créés entre nos jeunesses.

Mais préserver le formidable outil diplomatique qu’est l’AFD ne veut pas dire ne rien toucher  : nous travaillons depuis des mois à rendre l’aide au développement plus efficace, plus visible, plus axée encore vers les priorités des Français, et à mieux évaluer l’impact de nos projets. Pour que chaque euro d’argent public réponde pleinement à la commande.

Notre politique d’investissement solidaire et durable est un formidable outil pour construire un monde plus stable et plus juste.

Ceux qui appellent cyniquement à rayer d’un trait de plume cette politique qui soutient les plus vulnérables, et qui sert nos intérêts économiques et diplomatiques tout en renforçant notre sécurité, jouent avec le feu. Le ressentiment les anime davantage que les intérêts de la France. Dans un monde de plus en plus fragmenté et en tension, nous devons justement redoubler d’efforts pour préserver la solidarité internationale et être à la hauteur des défis de notre siècle.

La France et l’Europe sont attendues. Elles seront au rendez-vous pour tenir leur rang et réformer les institutions internationales, pour être plus représentatives et mobiliser les ressources adéquates. Au cours des prochains mois, j’irai à la rencontre des Français pour marquer cette conviction  : notre politique d’investissement solidaire et durable est un formidable outil pour construire un monde plus stable et plus juste, fondé sur nos valeurs démocratiques et humanistes. C’est un pilier indispensable du rayonnement de la France.

Par Thani Mohamed-Soilihi