Pour préserver son accès au marché européen, la Suisse doit accepter de nouveaux accords bilatéraux qui viennent d’être négociés et qui divisent les acteurs économiques. Pour la directrice d’Economiesuisse Monika Rühl, “une longue bataille” s’annonce dans laquelle “tout le monde devra se sentir concerné”.

L’Union européenne est de loin le premier partenaire commercial de la Suisse, et l’accès à son marché est donc crucial pour son tissu économique largement basé sur les industries exportatrices. Pourtant, les milieux économiques sont divisés et peinent à monter au front pour défendre ce nouveau paquet. À tel point que la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter a elle-même regretté la retenue de ses alliés traditionnels.

Car il y a 25 ans, les organisations patronales étaient parmi les principaux défenseurs des bilatérales. Mais aujourd’hui, elles ne débordent plus du même enthousiasme. Lors de la conclusion de l’accord fin 2024, Christoph Maeder, le président d’Economiesuisse, avait lui-même prudemment estimé qu’il était “encore trop tôt pour donner un avis définitif”.

Compromis sur la protection des salaires

Cette prudence est peut-être liée à l’opposition farouche de l’UDC, qui exige la fin de la libre circulation des personnes, mais aussi à la méfiance des syndicats, qui dénoncent des accords trop libéraux et donc toujours plus défavorables aux travailleurs et travailleuses et à la population.

>> Lire à ce sujet : L’USS dénonce l’accord avec l’UE et exige de meilleures protections des salaires

>> Voir la synthèse du 19h30 :

L'extension des accords bilatéraux divise les patrons suisses

L’extension des accords bilatéraux divise les patrons suisses / 19h30 / 2 min. / hier à 19:30

Un compromis sur la protection des salaires a toutefois été trouvé fin février. Il a été repris par le Conseil fédéral et approuvé tant par l’Union patronale – qui apprécie des solutions permettant de “garantir la protection des salaires sans restreindre la flexibilité du marché du travail” – que par l’Union syndicale, avec méfiance.

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Nous sommes prêts à nous engager une fois qu’on connaîtra les résultats du processus de politique interne

Monika Rühl, directrice d’Economiesuisse

Ainsi, alors que le Secrétariat d’Etat à l’Economie doit préciser d’ici fin mars le détail de ces mesures avec les partenaires sociaux et les cantons, la directrice d’Economiesuisse, la plus importante faîtière économique du pays, se dit d’ores et déjà prête à défendre ces nouveaux accords, “tout en ne connaissant pas assez les textes”.

“Nous sommes dans l’attente de la mise en consultation des textes négociés par le Conseil fédéral”, explique Monika Rühl dimanche soir dans le 19h30. “Nous sommes prêts à nous engager une fois qu’on connaîtra les résultats du processus de politique interne. (…) Nous sommes en train de préparer la campagne que nous allons mener.”

Appel à “une grosse alliance”

Interrogée sur les quelques centaines de patrons et milliardaires qui ont décidé de faire campagne contre ces accords au sein de l’alliance “Boussole“, Monika Rühl répond que d’autres entreprises importantes soutiennent ces bilatérales, et que les membres d’Economiesuisse ne sont pas divisés.

Elle estime par ailleurs que ces accords dépassent les seuls intérêts économiques. “C’est la responsabilité de tout le monde”, lance-t-elle. “Depuis 10 ans, nous avons une alliance ‘pour une politique européenne constructive’ qui rassemble une centaine d’organisations politiques, économiques, scientifiques ou de la société civile. Tout ce monde est prêt à s’engager pour montrer l’importance de la voie bilatérale que nous connaissons depuis 25 ans.”

La directrice de la faîtière économique concède toutefois que cela va être “une longue bataille, il va falloir créer une grosse alliance”. Et de lancer un appel du pied aux représentants des travailleurs et des travailleuses: “On attend que les syndicats se joignent à nous pour faire cause commune. On ne voudrait pas qu’ils se joignent à l’UDC.”

Jean-Marc Heuberger, Nicolas Rossé