“N’attendez pas la dernière minute et réalisez un audit afin de voir les points d’attention dans votre entreprise pour pouvoir vous y préparer”, dit-elle à l’adresse des patrons.
Mais de quoi parle-t-on ? Cette directive européenne vise à renforcer l’application du principe de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un travail égal ou de même valeur (mais elle concerne aussi les autres formes de discrimination). Elle imposera donc aux employeurs, dès le second semestre 2026, de mettre en place des structures de rémunération qui garantissent cette égalité.
Le manque de transparence des rémunérations étant souvent le principal obstacle à lever pour éliminer ces écarts de salaire, pour les employeurs il s’agira donc de jouer carte sur table à l’avenir. Et cela dès la publication de l’offre d’emploi : le salaire de départ ou la fourchette de rémunération devra ainsi être connu des candidats. Et au sein des entreprises, s’ils le demandent les travailleurs pourront obtenir des informations sur les salaires moyens de leurs collègues accomplissant le même travail, ainsi que sur les critères qui sont retenus pour déterminer celui-ci. Et on ne parle pas ici que du salaire de base, mais bien de l’ensemble du package salarial.
Cela signifie-t-il la suppression de toute marge de manœuvre pour les patrons et les employés ? Non. Il sera toujours possible de tenir compte d’un “adjusted gap”. Dans le jargon, cet écart ajusté de salaire pourra exister, mais il devra être justifié sur base de critères objectifs (ancienneté, résultats d’évaluation, expérience,…). Et ces critères devront être argumentés, présentés de façon claire et connus de tous les travailleurs.
“C’est tout cela que les entreprises doivent préparer pour 2026”, dit Virginie Verschooris. Qui note par ailleurs qu’avec un écart salarial moyen de 5 % entre femme et homme, la Belgique n’est pas un mauvais élève européen. “La moyenne européenne est plutôt de 13 %”, dit-elle.
Amendes et écart de salaire à rembourser
Tous ces éléments relatifs à la politique salariale de l’entreprise devront par ailleurs faire l’objet d’un reporting périodique : chaque année dès 2027 pour les entreprises de 250 travailleurs et plus ; tous les 3 ans pour celles de 150 à 249 travailleurs ; tous les 3 ans mais dès 2031 pour celles de 100 à 149 travailleurs. En dessous de 100 travailleurs, ce reporting se fera sur base volontaire (sauf si la Belgique veut aller plus loin) mais cela n’enlèvera rien à l’obligation de transparence. Les salariés ou leurs représentants pourront obtenir les niveaux de rémunération moyens pour les catégories de travailleurs qui accomplissent le même travail qu’eux.
“C’est pour cela que les entreprises doivent dès maintenant préparer une bonne politique de rémunération, insiste Virginie Verschooris. Il leur faut un cadre, sinon ça va leur causer des problèmes.” Les entreprises qui ne se conformeront pas à ces nouvelles règles s’exposeront en effet à des sanctions, notamment sous forme d’amende (à fixer par chaque État). Mais surtout, en cas d’inégalité salariale non justifiée objectivement, les entreprises devront payer la différence aux travailleurs lésés, avec effet rétroactif.
Les patrons belges sont-ils sensibles à ce bouleversement à venir dans leur politique salariale ? Le succès rencontré par un webinaire organisé la semaine dernière sur ce sujet par SD Worx semble montrer que oui. Plus de 150 patrons d’entreprises flamandes y ont participé. Ce 13 mars, l’entreprise spécialisée dans les services de gestion des ressources humaines remet le couvert à destination des chefs d’entreprises francophones (infos sur le site web de SD Worx).
Le texte en discussion entre les partenaires sociaux
En septembre 2023, Pierre-Yves Dermagne et Marie-Colline Leroy, alors respectivement ministre fédéral de l’Emploi et secrétaire d’État à l’Égalité des genres, avaient marqué leur volonté de transposer rapidement la directive européenne dans la loi belge. “Je souhaite que nous fassions figure d’exemple au cours de la présidence belge de l’Union européenne qui s’annonce au premier semestre 2024”, avait ainsi déclaré Pierre-Yves Dermagne lors de la conférence annuelle sur l’emploi.
Cela n’a donc pas été le cas, même si Le projet BE-MAGIC (BElgium – Modernisation and Adaptation of Genderneutral Instruments of Classification) du SPF Emploi a été mis en place. Il doit notamment servir à élaborer et rendre accessibles des outils ou des méthodes d’analyse qui permettront aux employeurs et/ou aux partenaires sociaux d’introduire et d’utiliser facilement des systèmes d’évaluation et de classification des emplois neutre en matière de genre et à mettre en œuvre correctement la directive. À quelle échéance ? Chez le nouveau ministre de l’Emploi, David Clarinval, on rappelle que la date limite est celle du 7 juin 2026 et que le texte est actuellement en discussion au sein du Conseil national du travail (qui rassemble employeurs et représentants des travailleurs).