Musique classique –
Huit pianistes d’exception à aller écouter en mars
Kissin, Pogorelich, Argerich… Les fans de piano peuvent se réjouir: ce mois est riche en récitals de haute volée en Suisse romande. Suivez le guide.

Ivo Pogorelich accompagné de sa tourneuse de page, lors d’un concert à Berlin.
IMAGO/Berlinfoto
De Genève aux montagnes valaisannes, en passant par l’arc lémanique, le premier mois du printemps se décline en touches noires et blanches. Légendes vivantes, artistes rares ou nouveaux génies du clavier, plusieurs pianistes d’importance viennent en effet poser leurs partitions en Suisse romande l’espace de quelques semaines, laissant imaginer des récitals d’anthologie. Voici ce grand chelem en détail.
Zlata Chochieva, 8 mars

Zlata Chochieva affectionne les Everest pianistiques autant que les œuvres plus intimes.
Uwe Arens
Pianiste d’origine moscovite aujourd’hui établie à Berlin, cette jeune musicienne s’est illustrée en début de carrière par sa maîtrise d’un répertoire plutôt athlétique, dont des «Études-Tableaux» de Rachmaninov tranchantes et maîtrisées de bout en bout, ainsi que des «Études» de Chopin louées par la critique. Elle proposera ici un programme courant des sommets du baroque aux premiers feux de la musique moderne, un voyage qui ne pourra pas être autrement que captivant.
Zlata Chochieva joue Bach, Bartók, Schumann, Brahms, Rachmaninov et Mendelssohn, Salle Jean-Jacques Gautier, Chêne-Bougeries (GE), samedi 8 mars 2025 à 20 h 30. chene-bougeries.ch
Evgeny Kissin, 10 mars

Evgeny Kissin lors d’un concert donné en 2022 à Weimar, en Allemagne.
IMAGO/Thomas Müller
Pur produit du piano soviétique, Kissin est l’un de ces géants de la musique classique. L’enfant prodige des années 80 s’est révélé être un artiste épris de liberté, n’écoutant que sa sensibilité. D’où des interprétations toujours très personnelles mais cohérentes, d’une fluidité digitale ahurissante. Une indépendance qui ne fut pas du goût de son pays natal: longtemps critique de la dérive autoritaire de la Russie, il est désormais classé «agent de l’étranger» par le Kremlin pour avoir dénoncé sans ambages l’invasion de l’Ukraine. Pourtant, n’y a-t-il pas meilleure incarnation de cette fameuse «âme russe» que ce pianiste total, forgeant un jeu puissamment poétique?
Evgeny Kissin joue J.S. Bach, Chopin et Chostakovitch, Victoria Hall, Genève, lundi 10 mars 2025 à 19 h 30. grandsinterpretes.ch
François-Xavier Poizat, 11 mars

Le pianiste franco-suisse François-Xavier Poizat s’est déjà bâti une solide réputation par son coffret Ravel impressionnant de maturité.
Kaupo Kikkas
En un seul album, le Franco-Suisse s’est fait une place parmi les plus grands. Son coffret de l’intégrale de la musique pour piano de Maurice Ravel, paru l’automne dernier, se hisse en effet au niveau des interprétations de référence, alliant la plus belle pâte sonore d’un Dominique Merlet au propos idiomatique d’un Vlado Perlemuter. Il interprétera ici plusieurs chefs-d’œuvre du compositeur français, dont «Gaspard de la nuit», «Le tombeau de Couperin», la «Sonatine» et la «Pavane pour une infante défunte». À l’écouter, on se dit que Poizat, 35 ans, a déjà tout compris à Ravel.
François-Xavier Poizat joue Ravel Victoria Hall, Genève, mardi 11 mars 2025 à 19 h 30. concertus.ch
Ivo Pogorelich, 13 mars

Ivo Pogorelich en 2014, à la salle Gaveau de Paris.
AFP
Artiste aussi mystérieux que controversé, Pogo, pour les admirateurs, a l’avantage de ne laisser personne indifférent. Sa manière de s’approprier les œuvres, les ralentissant parfois jusqu’à donner l’impression de frôler l’abîme, exaspère ou fascine. Artiste né d’un scandale (membre du jury au concours Frédéric-Chopin de 1980, Martha Argerich, furieuse, claqua la porte du concours en découvrant que ce jeune pianiste était éliminé au second tour), le Croate a depuis enregistré plusieurs albums pour l’éternité. Plastique sonore extraordinaire, digitalité semblant aller aux confins de l’anatomiquement possible grâce à une hyperlaxité étonnante, lectures visionnaires, Ivo Pogorelich est un phénomène. Une sorte de Nadal du piano qui a lui aussi ses rituels étranges, comme celui de venir tester l’instrument en habits de ville et bonnet sur la tête alors que le public est en train de s’installer, passant souvent pour le technicien chargé de l’accordage…
Ivo Pogorelich joue Mozart et Chopin, Victoria Hall, Genève, jeudi 13 mars 2025 à 19 h 30. association-les-arts.ch
Beatrice Berrut, 14 mars

Née en 1985, Beatrice Berrut est l’étoile montante du piano helvétique.
Christian Meuwly
Construisant patiemment son parcours, la Valaisanne fait partie des pianistes qui rayonnent ces dernières années, au point de s’imposer comme l’une des meilleures lisztiennes de notre époque – plusieurs disques consacrés au maître de Weimar prouvent son affinité avec cette musique qui pare le clavier d’une palette quasi orchestrale. Pas étonnant, donc, que l’artiste continue d’empoigner des œuvres à la frontière entre le solo et le grand effectif: depuis son entrée au label La Dolce Vita, Beatrice Berrut se prend de passion pour des transcriptions pour piano d’opus voués à l’orchestre à l’origine: des symphonies de Mahler, des poèmes symphoniques de Dukas, des ballets de Tchaïkovski et Stravinsky, qui, joués à dix doigts, révèlent d’autres facettes.
Beatrice Berrut en récital, Salle de l’Aiglon, Aigle, 14 mars 2025 à 20 h. amisdelamusique.ch
Martha Argerich, 19 & 20 mars

Martha Argerich photographiée à Hambourg en 2018.
AFP
On ne présente plus cette immense dame du clavier, qui trône parmi les cinq plus illustres pianistes de ces soixante dernières années. La voir jouer est toujours un moment magique, historique même, tant son jeu atteint ce degré de perfection évidente et indescriptible qu’on retrouvait également chez son confrère Sviatoslav Richter. Lors de deux soirées à l’OCL, elle s’attellera au «2e concerto pour piano» de Beethoven, dans un programme qui prévoit aussi deux œuvres purement orchestrales (de Beethoven et Brahms), avec Renaud Capuçon à la baguette. Quand on sait qu’Argerich fut toujours une concertiste surdouée (son «3e» de Rachmaninov et ses deux versions du «Concerto en sol» de Ravel tutoient toujours les cimes de la discographie), il serait dommage de faire l’impasse sur l’événement.
Martha Argerich joue Beethoven, salle Métropole, Orchestre de Chambre de Lausanne, les 19 & 20 mars 2025 à 19 h 30 (complet, mais liste d’attente disponible). ocl.ch
Lucas et Arthur Jussen, 31 mars

Look de jeunes premiers de Hollywood et style décontracté, les frères Jussen forment un duo rafraîchissant.
Marco Boggreve
Les deux frères néerlandais sont les nouvelles stars des récitals à quatre mains ou à deux pianos. Il faut dire qu’ils ont pour eux un souffle quasi épique dans la manière de raconter les œuvres. Et une beauté du son sans doute héritée de leur mentor, une certaine Maria João Pires. À la Fondation Pierre Gianadda, le duo promet un concert passionnant, proposant notamment l’un des chefs-d’œuvre du genre, la «Fantaisie D940» de Schubert, mais également la crépitante «La valse» composée par un Ravel étourdissant. Autre joyau du programme, la version pour deux pianos du «Sacre du Printemps», établie par Stravinsky lui-même, partition qui a les mêmes propriétés d’envoûtement et les mêmes furieuses polyrythmies que son homologue orchestrale.
Lucas et Arthur Jussen jouent Mendelssohn, Schubert, Ravel et Stravinsky, Fondation Pierre Gianadda, lundi 31 mars 2025 à 19 h 30. gianadda.ch
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