L’affaire est suffisamment sérieuse pour dépêcher en urgence à Sarajevo le chef de l’Otan, Mark Rutte, ce lundi 10 mars. Et pour que la Force européenne (Eufor) annonce vendredi des renforts pour sa mission de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine. La guerre est terminée depuis 1995, mais le pays divisé en deux entités – la République serbe et la Fédération croato-bosniaque – risque de se déchirer à nouveau, depuis que le chef de l’entité serbe, Milorad Dodik, pousse la logique séparatiste.
« Coup d’État »
Ce dernier, un proche du président russe Vladimir Poutine, également soutenu par la Serbie voisine et la Hongrie, a en effet promulgué vendredi 7 mars une législation rejetant l’autorité de la police fédérale et du pouvoir judiciaire central au sein de la République serbe. En dépit d’une suspension de ces dispositions par le Tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine d’ici à la « décision définitive » le jour même, Milorad Dodik continue d’appeler les Serbes employés dans la police et la justice de l’État central à quitter ces institutions.
« Nous allons continuer à appliquer nos lois, car le Tribunal constitutionnel n’est pas légal », a protesté ce dernier dans les médias. Refusant de faire appel du verdict du Tribunal constitutionnel, il se dit victime d’un « procès politique » visant à l’« éliminer de l’arène politique ». Plusieurs dirigeants bosniaques (musulmans) dénoncent quant à eux un « coup d’État ».
La poudrière exposée
Le pays s’expose à une montée de tension, sur fond de dispositions dénoncées à la fois par l’Union européenne et les États-Unis. Vendredi, il était difficile de savoir si les consignes de Milorad Dodik étaient suivies par les fonctionnaires. Après un week-end de latence, l’heure de vérité devait advenir à la reprise théorique du travail, ce lundi.
Les policiers et magistrats serbes ont la pression : s’ils n’obtempèrent pas, ils risquent en théorie cinq années d’emprisonnement, selon une toute nouvelle disposition du code pénal adoptée en même temps que le paquet séparatiste. Les prises de position de Milorad Dodik s’exposent, elles aussi, à des poursuites.
« Si j’ai enfreint une loi, je suis prêt à répondre de mes actes », a déclaré le principal intéressé. Dans les faits, il risque lui aussi de la prison, « pour sécession ». Il a déjà été condamné à un an de prison mercredi 26 février, pour avoir rejeté l’autorité du haut représentant international chargé de superviser l’accord de paix en Bosnie-Herzégovine. Le dirigeant a également été banni de tout mandat politique pendant six ans.