Le député LR Jean-Didier Berge estime que le modèle social français se révèle trop généreux et freine la capacité d’investissement du pays, en matière de Défense notamment.
La France, assure-t-il, est “le pays en Europe où l’on travaille le moins dans la journée, dans l’année et dans la vie”.
Les chiffres fournis par Eurostat et l’OCDE le contredisent, même si nous nous trouvons dans une moyenne basse à l’échelle du Vieux Continent.

Député LR des Hauts-de-Seine, Jean-Didier Berger estime que les élus qui souhaitent un retour à la retraite à 62 ou 60 ans sont déconnectés de la réalité. La France est aujourd’hui “le pays en Europe où l’on travaille le moins dans la journée, dans l’année et dans la vie”, a-t-il martelé (nouvelle fenêtre) sur le plateau de BFM. Il s’agit à ses yeux d’un frein majeur pour le développement du pays, “d’un paradigme qui nous empêche d’investir dans notre Défense” et dans d’autres secteurs clés. 

Les Français dans une moyenne basse, mais pas derniers

L’élu francilien a mis en avant plusieurs indicateurs en une seule phrase. Si l’on se penche en préambule sur le temps de travail hebdomadaire, on trouve des données comparatives sur le site d’Eurostat (nouvelle fenêtre). Y est proposé un tableau qui recense les “heures de travail effectives” à travers l’Europe, c’est-à-dire le “nombre total d’heures qu’une personne a effectivement consacrées à des activités professionnelles, au cours de la semaine de référence, dans le cadre de son emploi principal”. Les heures supplémentaires sont prises en compte, tandis que les congés maladie, les vacances et les temps de trajet ne sont pas inclus.

La France est loin d'être le pays où le temps de travail hebdomadaire est le plus faible en Europe.La France est loin d’être le pays où le temps de travail hebdomadaire est le plus faible en Europe. – Eurostat

Avec 36 heures de travail effectif en moyenne par semaine, les Français se trouvent assez loin des Serbes ou des Bosniens (plus de 41 heures), mais devancent toute une série de pays, à commencer par l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas ou le Danemark.

Lire aussi

Lire aussi

L’absentéisme au travail explose, la santé mentale des salariés français en péril ?

Un constat similaire s’opère lorsque l’on s’intéresse au temps de travail à l’échelle d’une année. Il faut cette fois se tourner vers l’OCDE, seule institution qui nous propose des chiffres (nouvelle fenêtre) en la matière. Si les indépendants n’ont pas pu être comptabilisés, l’institution nous apprend toutefois qu’avec 1.418 heures travaillées par an, les Français sont devant les Allemands, les Belges, ainsi que les Luxembourgeois. Ces derniers totalisent 1.343 heures de travail en une année, très loin des Estoniens (1.897 heures) ou des Islandais (1.803 heures).

Ici encore, on observe que Jean-Didier Berger présente une vision trompeuse de la réalité. D’autant qu’à l’échelle d’une vie non plus, ce n’est pas en France que l’on travaille le moins. TF1info a en effet croisé des données de l’OCDE sur le temps de travail à l’échelle d’une année avec des chiffres d’Eurostat sur la durée moyenne des carrières professionnelles en Europe. Le résultat ? 52.182 heures passées en moyenne à travailler dans l’Hexagone pour un individu qui effectue une carrière complète sans interruption. Un total supérieur à celui enregistré – à nouveau – au Luxembourg (47.273 heures), en Belgique (49.031 heures) ou encore en Italie (47.639). Cumulant carrières longues et horaires annuels assez élevés, l’Estonie, l’Islande et la Suisse sont les pays européens où l’on travaille le plus en cumulé dans sa vie (respectivement  82.397, 77.397 et 74.041 heures).

La productivité, un indicateur à ne pas oublier

Si l’on s’aperçoit que le constat du député LR est contredit pas des données officielles, l’élu limite surtout son raisonnement au seul temps passé par les populations au travail. Or, on observe d’un pays à l’autre des disparités majeures en matière de productivité. Si les salariés travaillent dans l’absolu assez peu au Luxembourg, le département des statistiques de l’Organisation internationale du travail (OIT) souligne qu’ils sont ceux qui produisent le plus de richesse par heure travaillée (166 dollars). Par rapport à la Lettonie, à la Hongrie ou à la Grèce, nos voisins sont à plus du triple !

En la matière, la France fait mieux que beaucoup de pays européens. Elle est classée à une honorable 15ᵉ place mondiale, à un niveau proche de la Suisse et de la Suède. Devant l’Allemagne, les États-Unis ou bien encore le Royaume-Uni. Une productivité qui permet de compenser assez nettement un temps de travail relativement bas par rapport au reste des Européens.

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.

Thomas DESZPOT