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Voitures électriques en Europe : le plan décevant qui lais

La Commission Européenne vient de dévoiler son plan d’action pour soutenir l’industrie automobile européenne, particulièrement dans sa transition vers l’électrique. Malheureusement, les mesures annoncées semblent bien timides face aux défis colossaux que rencontre le secteur. Entre la pression de la concurrence chinoise et les difficultés d’adaptation au virage électrique, les constructeurs européens espéraient davantage d’ambition de la part de Bruxelles. Analysons ensemble ce que contient réellement ce plan et pourquoi il risque de ne pas répondre aux attentes d’un secteur qui emploie des millions d’Européens.

Des objectifs CO2 légèrement assouplis mais maintenus

Face aux inquiétudes grandissantes des constructeurs automobiles, la Commission a décidé d’assouplir – très légèrement – ses exigences en matière d’émissions de CO2. Désormais, les marques pourront bénéficier d’une flexibilité dans le calcul des quotas CAFE (Corporate Average Fuel Economy) grâce à une moyenne établie sur trois ans (2025-2027). Concrètement, un constructeur qui dépasserait ses objectifs d’émissions une année pourra compenser par de meilleures performances les années suivantes.

Cette mesure, bien qu’intéressante, reste minimaliste. L’objectif de fin des moteurs thermiques en 2035 n’est absolument pas remis en question. La Commission a simplement indiqué qu’elle accélérerait la révision du règlement sur les normes CO2 prévue initialement pour 2026, en l’avançant à fin 2025. Cette révision pourrait ouvrir la porte à d’autres technologies respectant la neutralité carbone, mais sans garantie concrète pour l’industrie.

Pendant ce temps, les constructeurs européens doivent jongler entre des investissements massifs dans l’électrification et une demande de véhicules électriques qui stagne dans plusieurs pays, créant un décalage dangereux entre l’offre et la demande.

L’absence flagrante d’un bonus européen

Le point le plus décevant de ce plan concerne certainement les mesures destinées à stimuler la demande de véhicules électriques. Alors que de nombreux acteurs espéraient un dispositif d’incitation financière à l’échelle européenne, la Commission s’est contentée… de renvoyer la balle aux États membres !

Au lieu de créer un bonus européen financé par les fonds communautaires, Bruxelles se limite à promettre des “recommandations” et à aider les pays à identifier des “sources de financement potentielles” qu’ils pourraient utiliser eux-mêmes. La Commission suggère, par exemple, que les pays adoptent un système de leasing social similaire à celui mis en place par la France en 2024, mais sans apporter de contribution financière directe.

Aucun bonus européen pour stimuler les achats

Pas de mesures concrètes pour harmoniser les incitations entre pays

Délégation de responsabilité aux États membres malgré leurs contraintes budgétaires

Concernant les flottes d’entreprises, qui représentent une part considérable des ventes en Europe, la Commission évoque vaguement l’idée de taxer davantage les véhicules thermiques pour favoriser l’électrique. Mais là encore, ces mesures ne seraient prévues que pour fin 2025, et chaque État membre reste libre d’agir – ou non – comme bon lui semble.

Infrastructures de recharge : des rappels mais peu d’actions

Sur le sujet crucial des infrastructures de recharge, la Commission se contente essentiellement de rappeler l’existence du règlement AFIR (Alternative Fuels Infrastructure Regulation), qui exige l’installation de stations de recharge rapide d’au moins 150 kW tous les 60 kilomètres le long des principaux corridors de transport européens.

La réalité du terrain est pourtant bien différente selon les pays. Si certains États comme les Pays-Bas ou la France ont déployé un réseau de recharge relativement dense, d’autres accusent un retard considérable. La disparité entre les pays crée une “anxiété de recharge” qui freine l’adoption des véhicules électriques, particulièrement pour les longs trajets transfrontaliers.

Face à ce constat, la Commission propose simplement… d’aider les pays en retard à “regarder comment ils doivent s’y prendre”. Une approche qui manque singulièrement d’ambition et qui ne fixe ni calendrier accéléré, ni financement supplémentaire pour rattraper ces retards.

Le soutien à l’industrie des batteries : un point positif

L’aspect le plus prometteur du plan concerne le soutien à l’industrie européenne des batteries. La Commission annonce vouloir subventionner la production de cellules et de composants pour batteries, avec l’objectif de faire baisser les prix par l’augmentation des volumes.

Bruxelles souhaite également inciter les géants asiatiques à transférer leur savoir-faire aux entreprises européennes via des coentreprises. Ces transferts de technologie pourraient même devenir une condition pour obtenir des subventions européennes pour l’implantation d’usines sur le sol européen. Une approche intéressante qui pourrait accélérer l’autonomie stratégique européenne dans ce domaine.

Le plan prévoit également la création d’une “entité d’accès aux matières premières des batteries” pour faciliter l’approvisionnement des constructeurs en mutualisant leurs engagements et investissements. Cette initiative répond à un enjeu majeur : sécuriser l’accès aux métaux critiques comme le lithium, le cobalt ou le nickel, dont les prix et la disponibilité fluctuent considérablement.

InitiativeObjectifÉchéanceEntité d’accès aux matières premièresMutualiser les approvisionnementsNon préciséeTransfert de technologiesAutonomie stratégique européenneNon préciséeAccélération des procédures d’autorisationFaciliter le raffinage des matériauxNon précisée

La Commission veut également accélérer les procédures d’autorisation pour le raffinage des matériaux de batteries et soutenir la coopération entre les entreprises engagées dans le recyclage, un secteur essentiel pour la durabilité de la filière électrique.

Protection face à la concurrence déloyale : des intentions sans calendrier précis

Pour protéger l’industrie européenne face à la concurrence internationale, notamment chinoise, la Commission promet d’utiliser des “instruments de défense commerciale” comme des mesures antisubventions. Cette approche vise à créer des “conditions de concurrence équitables” pour les entreprises européennes.

Ces intentions sont louables mais restent très vagues. Aucun calendrier précis n’est mentionné, alors que la pression concurrentielle s’intensifie chaque jour. Les constructeurs chinois comme BYD, MG ou Nio déploient rapidement leurs réseaux en Europe avec des véhicules électriques proposés à des prix inférieurs de 20 à 30% à ceux des modèles européens comparables.

L’enquête en cours sur les subventions chinoises aux véhicules électriques pourrait aboutir à des droits de douane supplémentaires, mais ces mesures risquent d’arriver trop tard pour certains constructeurs européens déjà en difficulté. De plus, elles pourraient provoquer des mesures de rétorsion sur les exportations européennes vers la Chine, créant un cercle vicieux commercial préjudiciable à tous.

Face à ces enjeux majeurs, l’industrie automobile européenne attendait un plan d’action ambitieux et concret. Ce qu’elle obtient ressemble davantage à une liste de bonnes intentions et à un renvoi de responsabilités vers les États membres. Dans un contexte où les ventes de véhicules électriques plafonnent en Europe (avec une progression de seulement 3% au dernier trimestre 2024), cette timidité politique risque d’accentuer le retard européen face aux concurrents américains et asiatiques.

Les prochains mois seront décisifs pour voir si ces mesures seront complétées par d’autres plus ambitieuses, ou si l’industrie automobile européenne devra compter principalement sur ses propres forces pour réussir sa transition électrique dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.

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