«Et vous le placeriez où, vous?» a lancé Luc Holtz avant de se prononcer sans ambiguïté. «Il n’y a pas de débat. C’est notre meilleur match. J’ai 55 ans, je ne connais pas tout ce qui s’est passé avant mais c’est du haut niveau», a ajouté le sélectionneur. «C’était un amical mais il fallait une grande équipe luxembourgeoise pour terrasser cet adversaire. Je l’avais un peu senti au regard d’une semaine d’entraînement de très bonne facture.»
C’était un amical mais il fallait une grande équipe luxembourgeoise pour terrasser cet adversaire.
Luc Holtz
sélectionneur luxembourgeois
Pour peu qu’une hiérarchie fasse avancer le débat, on est en droit de se demander si ce n’était pas meilleur encore face à la Slovaquie en octobre 2023. Peut-être que le résultat final (0-1) influe sur le ressenti. Les deux matchs face à la Bosnie et une cruelle défaite face à l’Ukraine (1-2) en 2019 dans le cadre des qualifications pour l’Euro 2020 postulent une place dans un Top 5 qui ne demande qu’à être bouleversé et qui verra l’éternel joker du match nul à Toulouse en 2017 (0-0) gesticuler pour faire partie des heureux élus.
Pourquoi Luc Holtz a-t-il titularisé Brian Madjo?
L’urgence se fait sentir dans le secteur le plus désert de la sélection et le profil de l’adolescent a de quoi séduire un entraîneur. Un gaillard d’1,86 m bâti comme un roc, athlétique et intéressant d’un point de vue technique, ça ne court pas les rues. Alors, 16 ans ou pas, ça ne compte pas!
Luc Holtz n’a pas attendu très longtemps avant de lancer Vincent Thill, Yvandro Borges et Tiago Pereira pour ne donner que quelques exemples. On a découvert aussi de façon éphémère Christophe Andrade, mais on a le sentiment, ici, de tenir une perle qui peut briller sur la durée à condition, bien sûr, qu’il choisisse le Luxembourg (il pourrait aussi jouer pour l’Angleterre ou le Cameroun). Si cela ne semble plus faire de doute, le match de samedi n’étant qu’un amical, rien n’est encore officiel.
Luc Holtz félicite le joueur messin pour sa première heure de jeu avec les Rout Léiwen. © PHOTO: Ben Majerus
A deux en pointe avec un Gerson Rodrigues idéal comme complément, voire seul si le meilleur buteur de la sélection repassait sur un côté, ça peut matcher. On se gardera d’émettre un avis péremptoire après une heure de jeu et on sait que les statistiques collent aux basques des attaquants plus qu’à celles de n’importe quel autre joueur, mais voir ce secteur soudain remplumé offre un sacré soulagement.
Qu’est-ce qui a poussé le sélection vers cette innovation tactique?
Un 4-4-2 avec un milieu de terrain en losange, c’est plutôt rare en sélection. «Je me casse la tête depuis des semaines pour savoir comment j’allais contrer ce collectif suédois tout en mettant mes joueurs dans les meilleures dispositions. Pour moi, c’était davantage un 4-3-1-2. Un système inédit, oui. J’ai opté pour ce choix parce que j’ai retrouvé dans l’axe deux joueurs qui sont davantage dans le rythme: Mathias (Olesen) et Danel (Sinani). Je voulais fermer l’axe suédois, là où ils recherchent constamment les combinaisons avec appuis et remises dans les espaces réduits pour se projeter vers l’avant. On l’a très bien fait.»
Sans livrer une masterclass, Leandro Barreiro et Christopher Martins ont répondu à l’attente et la charnière centrale s’est montrée à la hauteur de l’événement avec un Seid Korac XXL et auteur du seul but du match. On a l’habitude de dire qu’il faut un alignement des planètes pour obtenir des résultats probants. On en a eu l’exemple parfait samedi.
La Suède a-t-elle pris ce match à la légère?
Ce ne sont pas dans les habitudes de la maison de brader une rencontre, même si son caractère est amical. Bien sûr que deux des trois stars (Viktor Gyökeres et Dejan Kulusevski) étaient absentes, mais il suffit de regarder le pedigree des autres joueurs pour se rendre compte du réservoir suédois. Lille, l’AEK Athènes, le Celta Vigo, Udinese, Atalanta, Nottingham Forrest et Newcastle figurent parmi les fournisseurs des Blagult. Et Alexander Isak facture à lui seul 19 buts en Premier League cette saison derrière le duo Salah-Haaland.
«Cette équipe était plus forte que celle qui nous a mis un 8-0 en 2017», prétend Luc Holtz. Son homologue, Jon Dahl Tomasson, reconnaissait que la victoire du Luxembourg était méritée. «Je les félicite. Quant à nous, il va falloir nous remettre en question. Je vais analyser cette rencontre même si ça me fera mal aux yeux de la regarder une nouvelle fois», ironisait l’ancien attaquant danois.
Vingt-septième au classement mondial, la Suède n’avait plus perdu depuis 7 rencontres. Et elle le fait contre une nation qui restait sur 8 matchs sans victoire. Les mystères du ballon rond.
Cette performance est-elle de nature à faire naître de nouvelles attentes?
Rester les pieds sur terre et ne pas s’enflammer. Luc Holtz va devoir marteler un discours qu’il a déjà tenu après des prestations de haut rang. On garde en mémoire le cuisant revers de Solna (0-8) après le match nul de Toulouse (0-0). «Je ne sais pas jusqu’où on peut aller mais je ne fais que répéter ça depuis des années: si on est au complet, on peut faire des grandes choses. Je redis aussi que mon objectif personnel, c’est cette deuxième place dans le groupe qui nous attend en septembre avec un barrage pour disputer la Coupe du monde. Il faut continuer à travailler.»
L’actualité chaude, c’est la Suisse. Avec quels joueurs et quels dispositifs? «Laissez-moi encore quelques heures. Mais au-delà de l’aspect tactique, il faudra mettre la même énergie car si on baisse en intensité, on sera vite puni.»