Il ne s’agit pourtant pas d’un changement soudain de paradigme. “On sait déjà depuis de nombreuses années que les dirigeants israéliens d’extrême-droite entretiennent de très bonnes relations avec leurs homologues européens, explique Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Leur participation est simplement une institutionnalisation de ces relations”.
Guerre Israël-Hamas: “Les Israéliens ne veulent comprendre la situation qu’à travers le seul prisme de l’antisémitisme”L’accélération du 7-Octobre
Les amitiés curieuses, voire contre-nature de Tel-Aviv ne datent en effet pas d’hier. Quelques semaines seulement séparent la création de l’État d’Israël, en mai 1948, de la victoire en Afrique du Sud du Parti national, responsable du régime d’apartheid. Une relation étroite se crée alors entre le gouvernement du Premier ministre israélien David Ben Gourion et celui de son homologue sud-africain Daniel François Malan. Depuis les années 1990, et la fin de l’apartheid, les relations entre les deux pays se sont néanmoins fortement dégradées et la position de Pretoria rapprochée de la cause Palestinienne.
En France, en Hongrie, en Italie, plusieurs partis d’extrême-droite ont condamné le 7-Octobre mais se sont par la suite inscrits dans une démarche acritique envers les actions israéliennes.
Dès 2018 en Europe, plusieurs observateurs ont pointé un rapprochement entre le pouvoir israélien et certains gouvernements populistes et critiques de l’Union européenne. Notamment celui du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui avait pourtant, l’année précédente, rendu hommage à Miklos Horthy, dirigeant hongrois s’étant allié à Adolf Hitler lors de la Seconde Guerre mondiale. Reste que le leader d’extrême-droite soutient depuis plusieurs années la politique de discrimination et d’annexion d’Israël envers les Palestiniens. Preuve de l’entente entre les deux gouvernements, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est rendu en Hongrie mercredi soir pour une visite de quatre jours à Budapest.
Benjamin Netanyahou multiplie les manœuvres politiques pour tenter de conserver sa place
Déjà bien entamé, donc, ce processus de normalisation s’est “cristallisé” après l’attaque du Hamas le 7-Octobre “où toutes les divergences et les violences ont été portées à leur paroxysme, constate Didier Billion. L’année passée, M. Netanyahou a notamment rencontré le leader du parti d’extrême droite espagnol Vox, Santiago Abascal, et, en dehors de l’Europe, le président argentin Javier Milei ainsi que le Premier ministre indien Narendra Modi. “En France, en Hongrie, en Italie, plusieurs partis d’extrême-droite ont condamné le 7-Octobre mais se sont par la suite inscrits dans une démarche critique envers les actions israéliennes”.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán déroule le tapis rouge à l’Israélien Benjamin Netanyahou réclamé par la justice internationaleL’ennemi de mon ennemi…
Pas évidente de prime abord, l’adhésion à la cause israélienne s’impose comme un élément clé de la stratégie de dédiabolisation et de normalisation des représentants de la nouvelle extrême-droite internationale. Elle contribue à leur intégration progressive dans le paysage national et permet de surmonter les réticences d’un électoral modéré, encore méfiant d’un passé marqué par l’antisémitisme.
Ce rapprochement se base, en outre, sur une proximité idéologique et une vision du monde centrée sur une hostilité envers les minorités, généralement les musulmans. “Les démocraties libérales qui devraient nous soutenir contre l’islam radical ne le font pas, c’est pourquoi nous ne devons pas ignorer nos semi-alliés”, écrivait Zvika Klein, l’éditeur en chef du Jerusalem Post (proche du gouvernement), en juin 2024. Ces représentants politiques partagent, enfin, un désamour des structures judiciaires indépendantes et de l’État de droit en général.
Côté israélien, ces nouvelles amitiés “permettent au gouvernement de trouver de nouveaux alliés et d’éviter l’isolement diplomatique que sa politique pourrait lui faire encourir”, analyse Didier Billion. Un pari qui pourrait bien s’avérer gagnant. Lors de la précédente législature du Parlement européen (2019-2024), les 20 partis ayant exprimé les votes les plus favorables à Israël provenaient tous de l’extrême droite et de formations eurosceptiques, selon une étude commandée par la European Coalition for Israel (ECI), un lobby pro-israélien. Le 7 février, le parti du Likoud (droite) de M. Netanyahou a officiellement rejoint en tant qu’observateur le bloc des Patriotes pour l’Europe à Bruxelles, dont font partie le Vlaams Belang belge ou encore le FPÖ autrichien.