Cela fait des mois désormais qu’une possible réforme de pensions est sur la table. Son origine n’est pas très compliquée à trouver.
Elle se situe simplement dans l’accord de coalition de l’actuel gouvernement Frieden – Bettel. Ce dernier avait ainsi glissé, en novembre 2023, au sujet des pensions qu’«une large consultation sera organisée (durant cette législature, ndlr) avec la société civile sur la viabilité à long terme de notre système des retraites, ceci afin de trouver un consensus à ce sujet.»
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Depuis, ils ont été nombreux à s’exprimer sur le sujet. Notamment auprès de la ministre de la Sécurité sociale, la sociale-chrétienne Martine Deprez, qui s’est lancée à la rentrée 2024 dans un processus de grand débat sur le sujet.
Mais personne n’avait encore jamais véritablement demandé publiquement aux citoyens leur avis sur la question. Du moins jusqu’à quelques jours.
75% considèrent qu’une réforme est nécessaire
La «Sonndesfro», le sondage réalisé par l’institut de sondages Ilres et commandé par nos confrères du Luxemburger Wort et de RTL, a ainsi interrogé un panel représentatif de la population luxembourgeoise fort de 1.841 personnes sur une possible réforme des retraites.
Et le verdict est sans appel: 75% des personnes interrogées pensent ainsi qu’une réforme des pensions est aujourd’hui nécessaire.
Ainsi, à la question: «Dans quelle mesure êtes-vous d’accord pour dire que le Luxembourg a besoin d’une réforme des retraites?», 37% des sondés disent être «tout à fait d’accord» et 38% «plutôt d’accord». Alors que 9% ne sont, eux, «plutôt pas d’accord» et 6% «pas du tout d’accord». Les 10% restants avouant être «sans avis».
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Une série de questions complémentaires permet d’approfondir le sujet et de se faire une petite idée des envies des Luxembourgeois.
On note ainsi que 82% des personnes ayant été interrogées se montrent favorables (59% sont «tout à fait d’accord», 23% «plutôt d’accord») à ce que les mêmes règles soient appliquées dans les secteurs privé et public. Seuls 13% affichant leur hostilité à une telle mesure (9% n’étant «plutôt pas d’accord», 4% «pas du tout d’accord»).
76% des sondés (39% sont «tout à fait d’accord», 37% «plutôt d’accord») se montrent aussi pour un investissement accru dans les pensions complémentaires, soit ce que l’on appelle les deuxième (à savoir une pension souscrite pour le salarié par l’employeur) et troisième (le plan épargne-pension du salarié) piliers du système des retraites. Tandis que 18% s’affichent contre.
55% ne veulent pas travailler davantage
Autre point clé: ils seraient 72% à être d’accord (31% «tout à fait d’accord», 41% «plutôt d’accord») pour une augmentation du taux de cotisation des retraites de 8% à 9%.
Une augmentation qui vaudrait pour les trois partenaires sociaux (gouvernement, employeurs et salariés). Le taux de cotisation global passerait donc alors de 24% à 27%, 9% étant à charge de l’assuré, 9% à charge de l’employeur et 9% à charge de l’État. Un petit pour cent de plus qui aurait été évalué par certains à un coût de 1 milliard d’euros…
Mais la question sans doute la plus intéressante arrive ensuite: les personnes sondées considèrent-elles que la population devrait travailler plus longtemps?
Ils sont ainsi 40% (15% «tout à fait d’accord», 25% «plutôt d’accord») à y répondre positivement, mais 55% (27% n’étant «plutôt pas d’accord», 28% «pas du tout d’accord») à dire non au fait de travailler davantage.
Toute la question étant évidemment de savoir ce que «travailler davantage» signifie dans un pays où l’âge de départ à la retraite est d’un peu plus de 60 ans (selon le rapport annuel 2023 de la caisse nationale des pensions), alors que l’âge légal de la pension se situe, lui, à 65 ans.
Un pays où le taux d’activité des seniors (55-64 ans) est également largement inférieur à la moyenne dans la zone euro (48,3% au Luxembourg, pour une moyenne européenne à 67,4, selon les chiffres d’Eurostat).
La majorité tient son rang
Par ailleurs, la «Sonndesfro», comme son nom l’indique (on peut, en effet, traduire en français par «la question du dimanche»), est aussi un sondage politique sur les intentions de vote de la population.
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Et l’enseignement principal que l’on peut retenir de cette partie de cette «Sonndesfro» de mai 2025 est que l’actuelle majorité gouvernementale CSV – DP continue de plaire.
Ainsi, par rapport à la «Sonndesfro» précédente, celle d’octobre 2024, les deux partis ont convaincu davantage de personnes (+0,1 pour le CSV, +2,1% pour le DP), tout en regagnant le siège que la dernière enquête les avait vus perdre.
L’alliance des chrétiens-sociaux et des libéraux conserverait ainsi les 35 sièges (21 pour le CSV, 14 pour le DP) qu’elle détient pour l’heure à la Chambre des députés.
Les perdants: le LSAP et l’ADR
Le LSAP, le principal parti d’opposition, a, par contre, l’air de s’essouffler. L’élan que les socialistes avaient gagné en octobre dernier semble avoir disparu.
C’est du moins ce que l’on peut penser suite à la perte de 2% des intentions de vote et surtout des deux sièges supplémentaires que leur avait offert le premier sondage post-élections législatives de 2023.
Et cela, même si on sait que les sièges peuvent vite basculer d’un côté ou de l’autre dans un système électoral luxembourgeois des plus complexes.
Autre grand perdant de ce «Sonndesfro»: l’ADR. Le parti le plus à droite de l’échiquier politique luxembourgeois affiche aussi un recul. Par rapport aux élections de 2023 (-0,2%), dont il avait été un des grands gagnants. Mais aussi par rapport au sondage octobre 2024 (-1,4%) qui le voyait continuer à surfer sur la vague du succès.
En termes de sièges, l’ADR en perdrait un en comparaison avec la configuration actuelle à la Chambre et deux si on se reporte à l’enquête d’octobre 2024.
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Déi Gréng retrouve des couleurs
Mais s’il y a des perdants, il y a forcément aussi des gagnants. Enfin, au moins un grand gagnant: déi Gréng.
Après la déroute de 2023 (de 9 à 4 députés), les Verts semblent continuer à relever la tête. Après un gain de 1,8% et de deux sièges en octobre dernier, on ajoute à nouveau 0,4% d’intention de vote et, surtout, un député. Ce qui les mène, virtuellement, à sept députés. Et les replacerait en quatrième position dans la hiérarchie des partis du pays, sautant l’ADR au passage.
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Enfin, on note que déi Lénk se rapproche, lui, petit à petit de la barre des 5% (4,8%, sans que cela n’ait d’influence au niveau du nombre de députés) et que le gain marginal obtenu par les Pirates (+0,3%) leur permettrait de retrouver un siège à la Chambre. Encourageant, mais pas suffisamment pour faire oublier les nombreuses querelles internes qui ont émaillé le parti depuis les élections de 2023 qui avaient fait couler à pic le parti (de trois à zéro siège) dans le «Sonndesfro» d’octobre dernier.
Méthodologie
Ce sondage a été réalisé entre le 8 et le 24 avril 2025, auprès de 1.841 résidents luxembourgeois âgés de 18 ans et plus, ayant le droit de vote. Et cela, tout en répondant à la pondération de certaines variables (telles que l’âge, le sexe ou le niveau d’éducation) selon les régions. Ainsi, 499 personnes ont été sondées au sein de la circonscription électorale centre, 625 personnes dans celle du sud, 358 dans le nord et, enfin, 359 dans la circonscription est. Les entretiens se sont déroulés par téléphone (1.152), mais aussi en ligne (758).
La «Sonndesfro» est réalisée pour le compte du Luxemburger Wort et de RTL Lëtzebuerg. Les données brutes anonymisées ont été analysées par Kantar Public Allemagne.