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«Le plus «latino» des Américains»

Car la règle a non seulement été brisée, mais, en plus, avec facilité. «Deux jours à peine et seulement quatre scrutins auront été nécessaires pour le faire émerger comme figure d’unité», se réjouit La Croix. «Un conclave très rapide», juge aussi le Guardian, qui note que «Prevost fut élu pontife par au moins les deux tiers des 133 cardinaux votants». «Depuis 1900, c’est le cinquième pape à être élu en deux jours», renchérit le New York Times.

Il n’était pourtant pas donné favori et fuyait les journalistes depuis des jours. «Ses chances de gagner n’étaient que de 1% sur Polymarket, le marché de prédiction populaire basé sur la cryptographie», remarque le Wall Street Journal. Le cardinal de Chicago était pourtant régulièrement cité dans la liste élargie des papables et «un de ceux qui, à la Curie, portent sur l’Église catholique un des regards les plus larges et universels, fruit d’une expérience pastorale riche et diverse», écrit La Croix en lui croquant le portrait.

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Surtout, «Léon XIV est le moins américain des cardinaux américains, et cela a pesé en sa faveur», expose El Pais. «Né d’un père français, catéchiste dans sa paroisse, et d’une mère italienne, il est réputé être le plus «latino» des Américains», explique Libération qui décrit le CV d’un cardinal au parcours «atypique et cosmopolite».

Le pape qui avait tout pour lui

Robert Francis Prevost a passé une grande partie de sa vie hors des États-Unis dont plusieurs décennies au Pérou, où les cloches ont retenti jeudi. «Ordonné en 1982 à l’âge de 27 ans, il a obtenu un doctorat en droit canonique à l’Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin à Rome. Au Pérou, il a été missionnaire, curé, enseignant et évêque. À la tête des Augustins, il a visité des ordres du monde entier», liste le New York Times. «Outre l’anglais, Robert Prevost parle le français, l’italien, l’espagnol et le portugais et lit le latin ainsi que l’allemand», s’enthousiasme La Croix. «Diplômé en mathématiques et en philosophie, doté d’une sensibilité culturelle et sociale, il est un grand amateur de tennis, qu’il a délaissé en raison de ses responsabilités, même si l’on dit que son revers était remarquable», s’amuse El Pais.

Résultat: «Prevost a bénéficié d’un soutien solide de la part des cardinaux d’Amérique latine», explique le révérend Thomas Reese, prêtre américain et expert du Vatican, au Guardian. Et d’ajouter: «Le Saint-Esprit continue de nous surprendre.» Pour El Pais, son profil représente «une voix médiane après François, qui était argentin, sans quitter l’Amérique» et offre aux fidèles du monde entier un «pont entre le Nord riche et le Sud pauvre».

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Héritier de François, mais consensuel

Jeudi, Léon XIV a remercié son prédécesseur dans un «appel à la paix pour tous». «Dès ses premiers mots, il indique clairement qu’il souhaite préserver et perpétuer l’héritage de François», réagit le Spiegel pour qui «son nouveau nom offre déjà une sorte de programme». «Léon XIII est devenu surtout connu pour une lettre de 1891, «Rerum Novarum – Sur la condition du travail», qui appelait à un salaire décent, réorientant l’Église vers une attitude compatissante envers le sort des travailleurs dans une économie capitaliste sans entraves, mais également sceptique à l’égard du socialisme», détaille le Wall Street Journal à ce sujet. «Les Augustins ne sont pas réellement l’ordre le plus progressiste au monde, mais Prévost semble être un élément peu orthodoxe. Il fut ordonné par le Belge Jean Jadot, qui était de l’aile progressiste de la curie, et au Pérou il entretint de bonnes relations avec Gustavo Gutiérrez, père de la Théologie de la libération», complète El Pais.

Pour autant, rappelle le Washington Post, le nouveau pontife «a exprimé des opinions socialement conservatrices, conformes à la doctrine catholique traditionnelle» par le passé. Notamment, lors d’un discours en 2012, lors duquel il a qualifié le «mode de vie homosexuel» de «contraire à l’Évangile» et, plus récemment, quand il s’est opposé «au projet du gouvernement péruvien d’enseigner l’existence de plus de deux genres».

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«Ancien joueur de tennis et fin cuisinier, Prevost est un bergoglien ouvert raisonnablement aux réformes», arbitre Libération. «Concernant le diaconat féminin, il estimait par exemple, il y a quelque temps, que l’heure n’était pas encore venue mais ne l’excluait pas totalement à l’avenir», note le journal français. «Il représente le triomphe de la continuité de l’héritage de François», tout en offrant «aux conservateurs des garanties de solidité de gouvernement et de stabilité doctrinale», assume, dans le même sens, El Pais.

Aux Etats-Unis, un bras de fer annoncé

Aux Etats-Unis, les attentes sont immenses. «Catholiques et non-catholiques ont accueilli le pape Léon XIV, né à Chicago, avec révérence et satisfaction», écrivait le New York Times quelques heures après Robert Francis Prevost soit apparu au balcon de la basilique Saint-Pierre. D’un côté, «certains ont ressenti une vague de fierté patriotique à l’idée qu’une institution vieille de 2000 ans ait choisi son nouveau chef originaire d’un pays qui s’apprête à fêter son 250e anniversaire». De l’autre, écrit le quotidien de la Grosse Pomme, certains «espèrent qu’un pape américain contribuera à apaiser les divisions entre les États-Unis et leurs alliés, creusées sous la présidence Trump».

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Comme François avant lui, Léon XIV pourrait entamer un bras de fer avec Donald Trump. Après tout, il «n’a jamais caché son aversion pour la politique du gouvernement américain», écrit le Guardian. «En tant que cardinal, Leon s’est montré en désaccord avec la dérive nationaliste de l’administration Trump», note le Wall Street Journal qui rappelle que le cardinal «a publiquement réprimandé le vice-président J.D. Vance, converti au catholicisme, pour avoir utilisé l’enseignement de l’Église pour justifier la répression de l’immigration par l’administration.» Son dernier message sur les réseaux sociaux est d’ailleurs unretweetd’un internaute condamnant la «déportation illégale» de Kilmar Abrego García vers le Salvador, un homme que l’administration Trump a reconnu avoir déporté «par erreur» sans pour autant procéder à son rapatriement.

«Il s’est opposé avec force à la vision militante du pouvoir chrétien promue par l’administration Trump», appuie donc le New York Times. Mais le Wall Street Journal prévient: «Toute initiative susceptible d’aliéner l’administration Trump et ses partisans comporte également des risques pour le nouveau pape». Les conservateurs constituent en effet une part importante de l’Église catholique aux États-Unis, qui stimule la fréquentation des offices.

«François devait sauver l’Église, son successeur doit sauver le monde»

Place des femmes et des laïcs dans l’Eglise, lutte contre les abus et reconnaissance des victimes, redressement des finances vaticanes, dialogue avec le monde orthodoxe, soutien des chrétiens d’Orient: d’innombrables chantiers – listés par La Croix – attendent désormais le Saint-Père. Dans un monde qui a perdu le Nord et dans lequel l’ONU et le multilatéralisme vacillent, la tâche s’annonce titanesque et la fonction ultra-scrutée.

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Le «pape a des obligations particulières envers le milliard de catholiques à travers le monde, mais il est aussi considéré comme un exemple de leadership moral pour l’humanité entière», écrit le Washington Post. «À 69 ans, Prevost est en fait à l’âge idéal de la retraite selon les normes bourgeoises. Il doit désormais faire face à l’un des emplois les plus stressants au monde», estime le Spiegel. «François devait sauver l’Église, son successeur doit sauver le monde», résume La Stampa.