Depuis plusieurs années, les pays européens affinent leurs stratégies fiscales pour attirer les talents internationaux. Les régimes pour impatriés, ces salariés recrutés à l’étranger, deviennent des outils de plus en plus déterminants. Tandis que la France, la Belgique ou les Pays-Bas disposent déjà de dispositifs bien établis, le Luxembourg a récemment révisé le sien. Depuis le 1er janvier 2025, le Grand-Duché a adopté une version profondément simplifiée et bien plus attractive de son régime fiscal pour impatriés.

Jusqu’à fin 2024, le régime luxembourgeois fonctionnait sur la base d’exonérations liées à certains frais : déménagement, logement temporaire, frais de scolarité, voyages, etc. Ce système, bien que généreux, était jugé trop complexe et source d’incertitudes pour les employeurs comme les salariés. «La refonte de la loi est la bienvenue, l’ancien régime étant trop complexe. Il existait des incertitudes sur certaines conditions, créant donc des risques de remise en cause en cas de contrôles fiscaux; contrôles qui peuvent concerner les cinq dernières années», explique maître Pierre-Jean Estagerie, avocat fiscaliste au sein du cabinet Molitor à Luxembourg.

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Des critères stricts mais clairs

Désormais, le nouveau régime introduit une exonération forfaitaire : 50% de la rémunération annuelle brute du salarié impatrié est exonérée d’impôt, dans la limite de 400.000 euros par an, et ce pendant huit ans. Une mesure qui remplace les anciennes exonérations spécifiques.

Les critères d’éligibilité sont désormais stricts mais clairs. Pour bénéficier de ce nouveau régime, le salarié doit : être recruté à l’étranger ou être détaché dans une entité luxembourgeoise, ne pas avoir résidé fiscalement au Luxembourg au cours des cinq dernières années, percevoir un revenu brut annuel d’au moins 100.000 euros, exercer au moins 75 % de son activité professionnelle au Luxembourg.

Maître Estagerie se montre optimiste : «C’est un régime qui devrait retenir l’attention désormais. Un confrère néerlandais m’en a récemment parlé alors même qu’il n’est pas fiscaliste et qu’il n’a pas de lien particulier avec le Luxembourg. Il en a retenu son aspect simple et efficace.»

C’est aux employeurs d’activer le régime

Comme précédemment, ce sont les employeurs qui doivent activer ce régime via la fiche de paie, ce qui soulève quelques hésitations. «Certaines entreprises font le choix délibéré de ne pas le mettre en place, soucieuses de conserver une certaine équité entre leurs salariés. D’autres s’inquiètent également que la chute de revenus soit trop rude une fois que le régime s’arrête», relève l’avocat.

En 2023, près de 630 salariés ont bénéficié de l’ancien régime, selon les chiffres du ministère des Finances. La nouvelle mouture pourrait multiplier ce chiffre, estime maître Estagerie : «Nous devrions avoir une meilleure visibilité d’ici à 2027.»

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Reste que les avantages fiscaux ne peuvent tout compenser. «Le renchérissement du coût de la vie et notamment en matière d’acquisition immobilière rend difficile l’attraction de cadres, quand bien même ils gagnent très bien leur vie», avertit maître Estagerie. Et d’ajouter : «Si nous n’arrivons pas à attirer des managers talentueux qui sont actuellement en début de carrière, nous pourrions manquer des dirigeants de demain nécessaires à la croissance de notre pays.»

France, Belgique, Pays-Bas : tour d’horizon des voisins européens

Chez nos voisins, la France propose depuis 2008 un régime d’impatriation attractif, étendu en 2016, qui permet une exonération partielle de l’impôt sur le revenu (jusqu’à 50 % de certains revenus étrangers et primes d’impatriation) pour une durée de huit ans.

La Belgique a quant à elle modernisé son régime en 2022. Désormais, les expatriés peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur une allocation forfaitaire représentant jusqu’à 30 % de leur rémunération, pendant cinq ans (prolongeable à huit).

Les Pays-Bas, souvent cités en exemple, proposent un régime similaire avec une exonération de 30 % de la rémunération imposable pour les salariés qualifiés venant de l’étranger, sur une durée maximale de cinq ans.

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En revanche, l’Allemagne fait figure d’exception : aucun régime fiscal particulier n’est prévu pour les impatriés, même si certaines dépenses (logement temporaire, voyages, double résidence) peuvent être partiellement déductibles sous conditions.

Avec ce nouveau régime forfaitaire, le Luxembourg se hisse parmi les pays les plus compétitifs en matière de fiscalité des talents internationaux. Son principal atout : la simplicité. Mais pour rester dans la course, il devra aussi surveiller d’autres variables: coût du logement, qualité de vie, intégration familiale, qui comptent tout autant dans la décision de s’installer à l’étranger. Le pari fiscal est posé. Reste à savoir s’il portera ses fruits dans les prochaines années.