REPORTAGE – «Soigner, c’est aider à vivre jusqu’au terme de la vie, sans acharnement thérapeutique ni euthanasie», a dénoncé le président de l’association Alliance Vita, alors que les débats sur le projet de loi sur la fin de vie ont commencé ce lundi dans l’Hémicycle.

Sous la grisaille du ciel parisien, ils sont allongés sur le sol, en signe de protestation. Au carrefour de la rue de Constantine et de la rue de l’université, à quelques pas de l’Assemblée nationale, environ 300 personnes ont participé ce lundi à un rassemblement de protestation contre «l’aide médicale à mourir ». Ce texte est contenu dans le projet de loi «relatif à l’accompagnement des malades et la fin de vie», qui arrive à l’Hémicycle.

«Des soins palliatifs pour tous»

À l’initiative de l’association Alliance Vita, les participants, vêtus de blouses médicales bleues, se sont couchés sur le bitume, entre les gouttes de pluie, pour représenter un hôpital à ciel ouvert. Partout, des pancartes : «On veut des soins», «soutenir les plus fragiles», «pas l’euthanasie». «On veut des soins palliatifs pour tous», affirme Geneviève, attachée de presse d’Alliance Vita. «Aujourd’hui, 50% des personnes qui ont besoin de soins n’y ont pas accès». Les débats ont commencé ce lundi au sujet des deux textes contenus dans le projet de loi, l’un portant sur l’amélioration des soins palliatifs, l’autre, sur la mise en place et l’encadrement d’une «aide médicale à mourir».

Dans le silence, les enregistrements se succèdent, relayés par une puissante enceinte. Des témoignages de médecins, de proches de malades ou de personnes âgées, évoquant la crise du système de santé, les déserts médicaux, et le manque d’accès aux soins palliatifs. «J’ai gardé ma belle-mère jusqu’à 102 ans chez elle, jusqu’à sa mort», souffle Étienne*, 71 ans. «Une telle loi risque de changer l’état d’esprit. Les plus âgés vont se sentir inutiles», ajoute-t-il, la voix tremblante. «C’est un changement de paradigme», affirme Philippe d’Estaintot (Les Républicains), élu municipal à Rueil-Malmaison. «Le modèle français a toujours défendu les plus faibles, et maintenant il doit encourager la mort ?»

«Le manque de cadre permet toutes les dérives»

Les témoignages s’achèvent, puis le président d’Alliance Vita, Tugdual Derville, prend la parole. «Je m’adresse aux députés», lance-t-il. «Oui à une loi pour les soins, non à une loi sur l’euthanasie et le suicide assisté». Le projet de loi, initialement présenté sous la forme d’un seul texte, a été divisé en deux documents en commission, à la demande du premier ministre François Bayrou. «Mais c’est incompatible», martèle le dirigeant de l’association. «Soigner, c’est aider à vivre jusqu’au terme de la vie, sans acharnement thérapeutique ni euthanasie». 

« Soigner, c’est aider à vivre jusqu’au terme de la vie, sans acharnement thérapeutique ni euthanasie ». 

Tugdual Derville, président d’Alliance Vita

En cause également, les critères d’éligibilité des patients à l’aide à mourir. Après l’examen en commission, le critère du pronostic vital engagé «à court ou moyen terme» a été supplanté par la notion de «phase avancée ou terminale». Les opposants à cette loi craignent ainsi un élargissement progressif de l’accès à la mort. «C’est d’autant plus grave que les mots “euthanasie” et “suicide” sont soigneusement dissimulés, avertit Tugdual Derville. Les digues que la loi prétend poser sont en papier mâché. Elles sauteront l’une après l’autre». Et d’ajouter : «La loi ferait intrusion dans la vie de chaque patient fragile. Elle le rendrait éligible à la mort injectée sans une évaluation précise du pronostic». «Le manque de cadre permet toutes les dérives, ajoute Geneviève. Dans ce contexte de manque de soins, les personnes en situation de précarité pourraient y avoir accès par défaut de soins.»

L’inscription du suicide assisté dans la loi serait en outre une issue pour les personnes isolées et en détresse psychologique, d’autant que «le processus interdit tout recours aux proches», ajoute Tugdual Derville. «La souffrance psychologique est un sésame pour l’administration du suicide. Tout patient isolé pourrait être victime de ce critère». Les opposants pointent l’aspect précipité du processus, au cours duquel le patient a deux semaines pour faire seul son choix, entre suicide assisté et euthanasie. «Le médecin devra décider seul, en toute urgence, sans recourir à un psychologue ou un psychiatre», s’inquiète le président de l’association. Les députés débattront sur le contenu des deux textes pendant deux semaines, avant un vote solennel le 27 mai pour chacun d’eux. À moins qu’Emmanuel Macron n’annonce consulter les Français sur ce sujet brûlant de société par la voie du référendum.

*Le prénom a été modifié.