François Bayrou a accusé une témoin-clé de l’affaire Bétharram, entendue avant lui par la commission d’enquête parlementaire née du scandale, d’avoir “affabulé” devant les députés. Mais pour l’intéressée, c’est le Premier ministre qui “fait erreur”.
Le chef du gouvernement a assuré que l’ex-professeure n’a jamais vu et connu le père Carricart, parti de l’institution scolaire catholique du Béarn, selon lui, “depuis des années au moment où elle est recrutée dans l’établissement”. “Malheureusement pour lui, il fait erreur”, a rétorqué mercredi Françoise Gullung, interrogée par l’AFP. Lors d’un “gros problème” survenu à Noël 1995 avec un élève, “Carricart a été pris de panique, il est venu et il a réuni les profs pour obtenir, notamment, le silence des enseignants à ce sujet”, a-t-elle précisé, confirmant ainsi avoir eu affaire au religieux à l’époque. La députée Renaissance Violette Spillebout, l’une des deux corapporteurs de la commission d’enquête, a souligné que cet épisode était également raconté dans le livre consacré à l’affaire Bétharram par le porte-parole des victimes, Alain Esquerre.
“Je n’avais jamais entendu parler (d’accusations de viols visant le père Carricart en 1998) avant que ce soit dans les journaux” le 29 mai, assure François Bayrou. Or l’ex-juge Christian Mirande dit sous serment avoir informé le Premier ministre des accusations de viols visant le père Carricart, et sa fille dit que François Bayrou lui avait confié avoir échangé avec Christian Mirande sur les accusations visant le père Carricart. “Je n’ai aucun souvenir, je fais confiance à Christian Mirande sur cette conversation”, répond François Bayrou. Mais “je nie que Christian Mirande m’ait informé du viol, le viol il est dans le journal l’avant-veille”, dit ensuite le chef du gouvernement.
En 2002, François Bayrou est filmé donnant une gifle à un enfant au cours d’un déplacement à Strasbourg, pendant la campagne présidentielle. Alors qu’il surprend ce garçon “en train de sortir mon portefeuille de ma poche”, “”je lui ai donné une tape, pas une claque”, se justifie-t-il devant la commission d’enquête. “Ce n’était pas du tout une claque violente, c’était une tape en effet de père de famille (…). Pour moi ce n’est pas de la violence”, conclut-il.
François Bayrou aurait-il dit, en 1997 à l’un de ses conseillers qui lui demandait de réagir à des affaires de violences sexuelles dans des établissements scolaires : “Je ne vois vraiment pas l’intérêt de salir l’Education nationale (…) non je t’assure qu’il y a des moments où il faut savoir se taire” ? “Je démens”, “je n’ai pas de conseiller à qui j’aurais pu dire ça”, assure catégoriquement le chef du gouvernement.
François Bayrou trouverait-il toujours aujourd’hui, favorables les conclusions du rapport d’inspection publiée en avril 1996 faisant état de “gifles”, “coups” ou “dortoirs immenses” ? “Ca ne se passerait pas comme ça, donc probablement pas.”
Si les conclusions étaient si favorables, pourquoi a-t-il demandé au chef d’établissement quelques mois plus tard, en octobre 1996, de mener une réflexion sur la violence à Bétharram ? “C’est la preuve exacte, formulée par les intéressés (…) que j’ai saisi qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas.” “Je considère que c’est un élément très positif.”
En 1996, au moment de l’inspection à Bétharram, “est-ce qu’il y avait des méthodes un peu rudes ? Sûrement oui. Est-ce qu’aujourd’hui elles seraient acceptées ? Sûrement non”, déclare François Bayrou, évoquant Bétharram mais aussi d’autres établissements scolaires.
Violette Spillebout interroge François Bayrou sur l’inspection qui a été lancée à Bétharram en 1996, après le dépôt d’une plainte pour violences à la fin de l’année 1995. Elle remarque qu’elle a été menée par un seul inspecteur, en trois jours, la qualifiant de “très superficielle”. “Il a entendu 20 personnes, 19 peut-être”, répond François Bayrou. “Si on considère que c’est traité par-dessus la jambe… Je trouve, moi, que c’est une vraie vérification”. “Les conclusions du rapport sont très favorables à Bétharram”, souligne-t-il.
Une ancienne enseignante de Bétharram, Françoise Gullung, affirme que François Bayrou et son épouse avaient été alertés de cas de violences. “Sous serment, je dis que madame Gullung ne m’a informé de rien, je vais en apporter la preuve”, répond le Premier ministre. Mais la présidente de la commission refuse (dans un premier temps, avant de changer d’avis) que le chef du gouvernement projette les vidéos qu’il souhaitait diffuser comme preuves à ses dires, vidéos de l’audition de l’ancienne professeure, dont les propos ont selon lui été mal retranscrits dans le compte rendu de la commission. François Bayrou rétorque qu’il n’a “pas le sentiment que la commission est objective” et assure que ses preuves sont essentielles dans sa démonstration.
“Madame Gullung ne peut pas connaître Carricart, il est parti à Rome depuis des années”, “l’affirmation qu’elle a faite sous serment devant voir ne peut pas tenir, c’est une affabulation”, ajoute-t-il plusieurs minutes plus tard après sa démonstration. “Je pense que cette dame a reconstitué fallacieusement” et “c’est d’elle que vous faites la lanceuse d’alerte”, regrette-t-il. “Cette dame, en témoignant devant vous sous serment, n’a pas dit quelque chose de possible.”
“Le menteur ce jour-là ça n’était pas celui qui répondait à la question, c’était celui qui posait la question”, dit François Bayrou à Paul Vannier, toujours à propos de leur échange le 11 février à l’Assemblée nationale. “Je répète que vos affirmations sont biaisées.”
Repris par la présidente de la commission qui lui demande de répondre aux questions qui lui sont posées, le Premier ministre ajoute : “Je n’ai rien caché, et je vous demande d’adopter une formulation qui respecte ceux que vous convoquez devant cette commission.”
Paul Vannier demande à François Bayrou pourquoi ses versions ont changé au fil du temps, d’abord niant tout, reconnaissant avoir eu “connaissance d’une claque” puis avoir “sans doute” parlé de violences sexuelles avec l’ex-juge Mirande. “Je regrette, je ne me laisserai pas entraîner par vous. Ma version n’a pas varié. Vous montez à la tribune pour m’accuser d’avoir protégé des pédocriminels (…) en insinuant que c’était comme ministre de l’Education. Je maintiens que comme ministre de l’Education, à l’époque, et encore maintenant, je n’ai pas eu d’autres informations que celles dans le journal.”
“Je n’ai jamais entendu parler de violences sexuelles avant que le journal La République des Pyrénées, L’éclair des Pyrénées et Sud Ouest fassent mention de ces violences sexuelles, on doit être le 29 mai de l’année 1998”, jure François Bayrou. “La raison est simple : le juge Mirande et les enquêteurs avaient cultivé un secret absolu pour qu’il n’y ait pas de fuites.”
Le Premier ministre répond désormais au co-rapporteur Paul Vannier, qui l’avait interrogé le 11 février dernier lors des Questions au gouvernement, réponse au cours de laquelle le chef du gouvernement avait dit n’avoir “jamais été informé de violences, et a fortiori de violences sexuelles” et niait avoir interféré dans le processus judiciaire pour étouffer le scandale. “Je maintiens l’affirmation qui est la mienne : je n’ai eu pas d’autres informations comme ministre de l’Education nationale, que par la presse, et je n’ai bénéficié d’aucunes informations privilégiées.” “Je maintiens que les seules informations que j’ai eues étaient dans le journal, j’ai les dates précises des articles des journaux, et je n’ai pas eu d’autres informations, ce que votre question induisait”, a-t-il assuré.
“De ces faits d’il y a trente ans, je n’ai, lorsque les échos sont apparus quelques semaines après ma nomination comme Premier ministre, je n’ai aucun souvenir à cette époque, je n’ai aucun document”, indique François Bayrou. “Je ne suis jamais entré comme parent d’élève à Bétharram”, je n’ai jamais été membre du conseil d’administration, a également assuré François Bayrou. “Je suis entré, paraît-il, pour inaugurer un gymnase, pour réparer le toit de la chapelle avec des crédits de l’Etat, et paraît-il car il y a eu une inondation dans les années 1990”, ajoute-t-il.
Même s’il n’avait pas été invité à le faire, François Bayrou débute son audition par un propos liminaire. “Pour moi, le premier mot qui me vient quand je pense à cette audition c’est ‘enfin’. Pour moi elle est très importante, pour les garçons et les filles qui ont été victimes de violences, à Bétharram ou dans beaucoup d’autres établissements scolaires et institutions associatives, sportives, dans le monde du spectacle, en famille. C’est un continent caché qui apparaît, qui surgit”, déclare-t-il.
“Si ma présence comme cible politique a permis que ces faits apparaissent, ce #MeToo de l’enfance, alors cela aura été utile.” “Ce n’est pas pour ça que je n’identifie pas les manœuvres, l’instrumentalisation de tout ça”, a ajouté François Bayrou, estimant que “cette affaire (…) fait depuis des mois multiplier les déclarations, menaces, demandes de démission”. Il dénonce une volonté de ses détracteurs d'”abattre ce gouvernement” avec “l’arme du scandale”.
François Bayrou a prêté serment, qu’encourt-il en cas de “faux témoignage” ? On fait le point.
Publié aujourd’hui à 15h56
Le Premier ministre est arrivé à l’heure dans la salle de l’Assemblée nationale où va se dérouler l’audition. Celle-ci pourrait durer plus de trois heures. Elle débutera par une question de la présidente de la commission de la Culture Fatiha Keloua-Hachi (Parti socialiste). Puis le Premier ministre devra répondre aux interrogations des co-rapporteurs Paul Vannier (LFI) et Violette Spillebout (EPR), avant de terminer par celles des députés membres de la commission.
Avant l’audition de François Bayrou, l’ex-juge Christian Mirande a estimé que le Premier ministre avait fait “gonfler le soufflé” de l’affaire Bétharram en niant, initialement, être venu le voir en 1998 pour évoquer un dossier de viol impliquant un religieux de l’établissement catholique béarnais. “Bayrou a eu le tort de dire d’abord qu’il ne m’avait pas rencontré. Ensuite, que c’était fortuit. C’était tout aussi bête !”, a déclaré l’ancien magistrat dans une interview à Sud Ouest publiée mercredi.
“C’est mon voisin depuis cinquante ans”, avait déclaré François Bayrou au sujet de ce témoin-clé, le 18 février à l’Assemblée nationale, après avoir d’abord nié l’avoir rencontré à l’époque. “Est-ce que nous avons pu parler de cette affaire ? Sans doute, oui (…) de l’ambiance, de l’établissement, jamais du dossier” Carricart, le religieux accusé de viol, avait ajouté le Premier ministre. Or selon Christian Mirande, François Bayrou vint le voir chez lui pour “en savoir un peu plus sur les accusations visant le père Carricart”, alors mis en examen et écroué pour le viol d’un élève à Notre-Dame-de-Bétharram.
Si au début François Bayrou a nié avoir été au courant des violences soupçonnées dans cet établissement privé, il a ensuite tenu des propos contradictoires. Retour sur ses différentes déclarations depuis le mois de janvier.
Publié aujourd’hui à 16h04
François Bayrou est accusé d’avoir été au courant par le passé des agissements dénoncés aujourd’hui par d’anciens élèves de l’institution béarnaise, où plusieurs de ses enfants ont été scolarisés. Mais il a démenti fermement ces accusations à plusieurs reprises, parlant de “polémiques artificielles”.
Publié aujourd’hui à 7h27
Bienvenue dans ce direct, consacré à l’audition de François Bayrou devant la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur l’affaire Bétharram. Le Premier ministre sera interrogé à partir de 17 heures par les députés pour livrer sa “vérité”.
Emmanuel Macron a dit mardi soir sur TF1 avoir “confiance” en son Premier ministre. Ce mercredi à partir de 17 heures, François Bayrou sera auditionné par les membres de la commission d’enquête sur les violences physiques et sexuelles au collège-lycée Bétharram. Il sera interrogé sur ce qu’il savait ou pas et sur son éventuelle responsabilité dans cette affaire, à propos de laquelle ses versions ont été jugées confuses, voire contradictoires. Il répondra notamment aux questions des rapporteurs Paul Vannier (LFI) et Violette Spillebout (Renaissance).
L’audition “va me permettre d’apporter un certain nombre d’éléments dans des campagnes (…) dont le seul but est la destruction. Pas la recherche de la vérité, mais la destruction”, a grondé samedi le Premier ministre, désireux, a-t-il dit à l’AFP de “prouver que tout cela était faux”.
Lire aussi
“J’ai été obligée de lui dire” : la fille de François Bayrou explique comment elle est sortie du silence sur l’affaire Bétharram
Le scandale touche intimement François Bayrou, ancien ministre de l’Education et ancien député, qui a scolarisé plusieurs de ses enfants dans cet établissement catholique réputé des Pyrénées-Atlantiques, situé près de Pau, la ville dont il est resté maire, et où son épouse a enseigné le catéchisme.
En février, après des informations révélées par Mediapart, François Bayrou avait assuré n’avoir “jamais été informé de quoi que ce soit”. Il avait ensuite multiplié les dénégations, pourtant contredit par un ancien juge, un ex-gendarme et une professeure à la retraite, et même par sa fille aînée Hélène.
J.F.