À moins de deux mois de sa clôture, le programme luxembourgeois d’aide au logement Prolog, qui a fait couler beaucoup d’encre, risque de se terminer sans avoir atteint aucun de ses objectifs.

Lire aussi :«C’est le moment d’acheter»: trois initiatives pour soutenir l’immobilier au Luxembourg

Lancé en février 2024 et rendu opérationnel en juillet avec 250 millions d’euros provenant de cinq grandes banques, Prolog avait pour but de relancer la construction résidentielle et d’atténuer la crise du logement qui ne cesse de s’aggraver au Grand-Duché. L’initiative visait à mettre sur le marché entre 800 et 1.300 unités de logement.

Mais alors que l’échéance du 30 juin 2025 approche à grands pas, aucun projet n’a été financé, aucun des fonds alloués n’a été déboursé et aucune unité de logement n’a été livrée. Il n’y a pas non plus de clarté sur le nombre de projets – si tant est qu’il y en ait – qui seront soutenus avant l’expiration du programme.

Aucun euro déboursé

L’Association des banquiers luxembourgeois (ABBL) a déclaré au Luxembourg Times que «jusqu’à 10 projets sont actuellement en cours d’analyse, soit au niveau des banques individuelles, soit au niveau de Prolog». L’association n’a pas répondu aux questions complémentaires visant à obtenir un chiffre précis et a refusé de «donner plus de détails sur ces chiffres».

L’ABBL a confirmé que la totalité des 250 millions d’euros engagés par les cinq banques fondatrices reste disponible, car aucune demande n’a été approuvée jusqu’à présent.

Lire aussi :«Les gens ont peur d’investir dans un nouveau logement»

On ne sait pas non plus si Prolog sera prolongé au-delà de sa date d’expiration actuelle. «La décision de prolonger le mécanisme au-delà du 30 juin 2025 appartient aux banques fondatrices», a déclaré l’ABBL. Cependant, plusieurs de ces banques, contactées individuellement, ont renvoyé vers l’ABBL.

Les promoteurs eux-mêmes ne semblent pas convaincus de la probabilité d’une prolongation. «S’il n’y a pas de demande, je ne vois pas pourquoi ils la prolongeraient», a déclaré Jean-Paul Scheuren, vice-président de la Chambre immobilière, lors d’une interview.

Un jeu de blâme public

Alors que le programme vacille, les promoteurs et les banquiers sont entrés dans une guerre de mots publique pour déterminer qui est responsable de son échec.

Dans une interview accordée à Delano en avril, Jerry Grbic, CEO d’ABBL, a critiqué les promoteurs, qui ont selon lui retardé la reprise du marché du logement. Il a déclaré qu’ils n’en avaient pas fait assez pour réduire les prix et rétablir la confiance des acheteurs.

Jerry Grbic est CEO de l’ABBL. © PHOTO: Chris Karaba

Le lobby de l’immobilier a répliqué. «Nous ne parlons pas de la manière dont les taux d’intérêt sont déterminés, alors je pense qu’ils ne devraient pas non plus parler de la manière dont les prix sont fixés sur le marché de l’immobilier», a déclaré Jean-Paul Scheuren au Luxembourg Times en avril.

Lire aussi :Cette nouvelle initiative luxembourgeoise veut démocratiser l’investissement immobilier

Dans un communiqué de presse, la Chambre immobilière a déclaré qu’elle n’avait pas «refusé» de construire, comme l’a laissé entendre l’ABBL, et a accusé les banques de simplifier à l’extrême une situation complexe. «Plutôt que de porter des accusations sans fondement, nous appelons à une dynamique de solutions collectives», peut-on lire dans ce communiqué.

Pourquoi Prolog n’a-t-il pas fonctionné?

Le principe de Prolog était apparemment simple: si les promoteurs ne parvenaient pas à réaliser suffisamment de préventes pour obtenir un financement bancaire traditionnel, le système garantirait l’achat des unités invendues avec une décote de 20%, offrant ainsi aux banques la sécurité nécessaire pour approuver les prêts. En théorie, cela permettrait de débloquer des centaines de nouveaux logements et de préserver des emplois dans le secteur de la construction, en proie à des difficultés.

Lire aussi :La construction de nouveaux logements ne décolle pas au Luxembourg

Dès qu’un promoteur atteint 50% de préventes, il peut soumettre une demande à l’une des banques fondatrices. Le projet est alors examiné à la fois par la banque et par Prolog.

Il est très difficile de faire signer des contrats à des personnes qui n’ont pas encore commencé le chantier.

Jean-Paul Scheuren

vice-président de la Chambre immobilière

Toutefois, les promoteurs ont rapidement fait savoir que le seuil de 50% était irréalisable sur le marché actuel. En réponse, les banques ont abaissé le seuil à 30% en janvier: «Ces ajustements ont contribué à raviver l’intérêt de certains promoteurs pour le programme. En outre, les banques ont recontacté des clients qui avaient initialement manifesté leur intérêt, mais n’avaient pas donné suite parce que le taux de prévente était considéré comme trop élevé», a déclaré l’ABBL dans un courriel.

Jean-Paul Scheuren estime que les banques n’ont pas à critiquer la manière dont les promoteurs fixent les prix des projets immobiliers. © PHOTO: Chris Karaba

Pourtant, pour de nombreux promoteurs, même le seuil révisé est trop élevé. «Le problème est que de nombreux projets ont un taux de vente de 0% à l’heure actuelle. Il est très difficile de faire signer des contrats à des personnes qui n’ont pas encore commencé le chantier», a déclaré Jean-Paul Scheuren.

Lire aussi :Cinq banques mettent 250 millions sur la table pour soutenir le logement

La clause de rabais est un autre sujet de préoccupation. Si Prolog finit par acheter les unités invendues à un prix inférieur de 20% à la valeur du marché, les promoteurs craignent que cela ne nuise à la fixation des prix et ne décourage les acheteurs. «Lorsque vous acceptez, en tant que promoteur, de devoir finalement accorder une remise de 20%, votre client peut demander: pourquoi ne pas m’accorder cette remise directement?» explique M. Scheuren.

Crise de confiance

Les promoteurs affirment que la prudence est justifiée, étant donné ce qu’ils décrivent comme une «crise de confiance» dans le secteur – provoquée par des taux d’intérêt élevés, la flambée des coûts de construction, le resserrement du financement et l’incertitude réglementaire.

L’ABBL reste cependant convaincue que Prolog est la solution dont le marché a besoin. «Il est plus avantageux pour les promoteurs de conserver dans leurs bilans des projets en attente de commercialisation. De plus, c’est le seul mécanisme actuellement en place qui permet de commencer la construction une fois qu’un taux de prévente de 30% a été atteint, tout en offrant une sécurité à la fois aux acheteurs et aux promoteurs», a déclaré l’association au Luxembourg Times.

L’association a également fait valoir que les garanties intégrées dans le système – vérification du projet par la banque, les experts de Prolog et un géomètre agréé indépendant – devraient constituer un argument commercial de poids pour rassurer les acheteurs potentiels.

Mais il n’est pas certain que ce mécanisme soit maintenu après le 30 juin.

Cet article a été initialement publié sur le site du Luxembourg Times.
Adaptation: Laura Bannier