L’Europe, le « Vieux Continent », porte aujourd’hui plus que jamais son surnom dans la bataille mondiale des investissements. Le nombre d’investissements étrangers y a reculé l’an dernier de 5 %, selon le baromètre EY publié jeudi 15 mai. La chute est particulièrement marquée dans les secteurs de la chimie et de l’automobile, deux piliers historiques de l’industrie européenne.
Surtout, l’Europe ne parvient plus à séduire les investisseurs américains. En 2024, seulement 942 entreprises américaines ont choisi d’investir en Europe, soit « le niveau le plus bas observé depuis dix ans » par le cabinet EY. Ce désengagement des entreprises américaines d’Europe se traduit invariablement sur l’emploi. Alors que les entreprises américaines avaient généré 113 000 emplois en 2021 en Europe, elles en ont créé seulement 58 000 l’an dernier.
Cette régression s’inscrit dans le temps. Les investissements étrangers en Europe diminuent chaque année, avec une baisse de 11 % en 2023 et de 24 % en 2022. Ce recul reflète à la fois la méfiance croissante des entreprises américaines à l’égard du « Vieux Continent » et l’attrait renforcé pour leur propre économie.
Les États-Unis raflent la mise
Face à l’affaiblissement de l’Europe, les États-Unis s’imposent comme les grands gagnants de l’attractivité. En 2024, les investissements étrangers y ont bondi de 20 %, signe évident d’un regain d’attractivité du pays auprès des entreprises étrangères.
Cet élan de reconquête industrielle revient surtout à Joe Biden, l’ancien président démocrate. Le grand plan de soutien industriel qu’il a instauré en 2022, l’Inflation Reduction Act, qui offre des réductions fiscales très avantageuses aux entreprises et a contribué à réduire le coût de l’énergie aux États-Unis. Ces deux atouts expliquent en grande partie le regain des investissements étrangers en faveur du pays.
Reste que les données compilées par EY concernent l’année 2024, et se situent donc avant les annonces du locataire actuel de la Maison-Blanche, Donald Trump, sur les droits de douane. Le bouleversement induit par les droits de douane pourrait-il changer la donne et, paradoxalement, transformer l’Europe en terre refuge, plus stable et plus attractive ? Rien n’est moins sûr. Pour l’année 2025, 62 % des entreprises interrogées envisagent d’augmenter leur présence en France, une part en recul par rapport aux 73 % enregistrés en mars 2024.
La France aussi impactée
La France, elle aussi, n’a pas été épargnée par ce retrait des investisseurs américains d’Europe. Les États-Unis, premiers investisseurs étrangers historiques dans le pays, y ont diminué de 12 % leurs projets en 2024.
En mars, la Chambre de commerce franco-américaine, en partenariat avec le cabinet Bain & Company, a sondé les entreprises américaines implantées en France. Le bilan y apparaît plus que mitigé, puisque plus de la moitié des investisseurs américains ne recommandent pas la France à leurs pairs. Dans ce contexte, seuls 39 % des dirigeants de filiales françaises de groupes américains jugent la perception de la France par leur maison mère « bonne » ou « excellente », un résultat en baisse de 13 points.
Selon ce même rapport, il ressort également que 47 % des investisseurs américains estiment que l’environnement politique et institutionnel français pourrait comporter des risques importants pour leur business. Ces chiffres traduisent avant tout les inquiétudes des investisseurs américains concernant la politique fiscale française et la situation de nos finances publiques, source de possibles hausses d’impôts à venir.
C’est ce que constate également le réseau des conseillers du commerce extérieur (CCE) qui a publié fin mars son indice d’attractivité pour 2025. Selon l’étude menée auprès de 2 000 conseillers au commerce extérieur répartis dans 150 pays, près de trois quarts des sondés sont préoccupés par l’instabilité fiscale et législative du pays.