A Lausanne, le génial Christoph Marthaler fait de la Suisse et de l’Europe une mythologie farceuse

Publié le 17 mai 2025 à 13:56. / Modifié le 17 mai 2025 à 13:58.

9 min. de lecture

Comme un novice, dans la fabrique d’une Helvétie profonde. Il est 13h30 ce jour d’avril au Théâtre de Vidy et vous êtes l’élu d’un dieu qui, au nœud papillon des soirées de gala, préfère la chemise à larges carreaux d’un postier de village alpin. Christoph Marthaler, cet artiste suisse dont chaque spectacle depuis trente ans est un petit poème en prose, une boule à neige explosive, une carte postale surréaliste, vous autorise à assister à une répétition de son Sommet, sa nouvelle création, là-haut sur la montagne, une production de l’institution lausannoise alliée pour la circonstance au prestigieux Piccolo Teatro de Milan et à la MC93 – Maison de la culture de Seine-Saint-Denis. Le spectacle est à l’affiche à Lausanne depuis le 16 mai, mais en cet après-midi d’avril, vous n’avez encore rien vu.

Vous avez donc la permission d’observer comment Christoph Marthaler et sa tribu tressent les fils de leur partition, mais aussi l’assurance qu’il n’y aura pas d’interview. L’Apollon hippie qui, dans les années 1970, enchantait, barbu et torse nu à la mode hawaïenne, les téléspectateurs alémaniques avec ses camarades phénoménaux, la chanteuse Dodo Hug et le guitariste Pepe Solbach – à l’enseigne du groupe Tarot –, le virtuose des trottoirs qui, pendant des années, a joué du hautbois à la sortie des gares dans l’espoir que son chapeau se transforme en tirelire, est retourné à sa dissidence première. En 2000, quand il prend la direction à Zurich du Schauspielhaus, le plus grand théâtre de Suisse, il aspire tous les projecteurs. On ne parle que de lui, d’autant que sa programmation, jugée trop provocatrice, et sa gestion contestée déclenchent une bataille sans merci.