INTERVIEW DU LUNDI. À l’occasion des 70 ans d’Europe 1, la présidente de Lagardère Publicité News dresse un bilan optimiste de la régie, portée par le rebond de la station généraliste, une accélération sur l’audio digital avec l’annonce en exclusivité de l’intégration des inventaires SoundCloud – qui fait de LPN la première régie radio sur l’audio digital– et le succès des déclinaisons magazines du JDD. Elle revient également sur la réorganisation du réseau local d’Europe 2 et RFM ainsi que les chantiers engagés au sein de l’Alliance de la radio.

The Media Leader : Europe 1 souffle ses 70 ans cette année et enregistre de très bonnes audiences. Comment l’expliquez-vous ?

Marie Renoir-Couteau : Plusieurs facteurs expliquent cette dynamique. Le plus évident, c’est la lisibilité et la stabilité de la grille depuis quatre ans. Dimitri Pavlenko incarne la matinale, et des personnalités fortes comme Laurence Ferrari, Sonia Mabrouk ou Pascal Praud ont consolidé la grille avec des formats exclusifs et une ligne éditoriale claire. Europe 1 a aussi déployé en parallèle, une stratégie multi-plateformes : podcasts, écoute délinéarisée, et surtout réseaux sociaux, où nous enregistrons 87 millions de vues mensuelles (+53% en un an). Le travail sur les archives, comme avec la ré-édition des histoires extraordinaires de Pierre Bellemare (11 millions d’écoutes – depuis le lancement), renforce cette stratégie. Et la richesse de notre catalogue est immense, nous avons beaucoup de beaux projets en préparation

TML : Les annonceurs ont-ils suivi cette progression ?

M.R-C : Ils sont très heureux de voir Europe 1 reprendre des couleurs. Pendant les années difficiles, ils nous sont restés fidèles, dans l’espoir de retrouver une station puissante. C’est la septième hausse consécutive de nos audiences. Sur certaines cibles, comme les 25-59 ans, les progressions atteignent +61%. (+61% sur les 25-59 ans et +47% sur les CSP+)

TML : Sur l’encombrement publicitaire, Europe 1 se distingue-t-elle ?

M.R-C : Oui, nous avons été précurseurs en réduisant de 30% le volume publicitaire dans la matinale, il y a quatre ans. Parmi les radios généralistes, Europe 1 affiche le temps de publicité le plus faible en prime (6H-9H) (janvier-avril 2025). Respecter les auditeurs, c’est aussi respecter nos annonceurs, en leur offrant une émergence optimale. On préfère maîtriser les écrans plutôt que de saturer l’antenne. Il nous est même arrivé de refuser des campagnes par manque de disponibilité.

TML : Avez-vous augmenté vos prix ?

M.R-C : Nos prix sont calés sur les évolutions d’audience avec – une volonté générale de la part des régies radio – de préserver la valeur du média compte-tenu de son efficacité publicitaire et la demande qui ne faiblit pas – bien au contraire. Nous avons un très bon début d’année avec une forte augmentation du CA dit « classique » mais également une diversification de nos revenus importante grâce à des dispositifs co-construits avec certaines de nos marques partenaires et les équipes rédactionnelles. Cette proximité entre les contenus et les équipes commerciales est un véritable atout de notre format de régie intégrée.

TML : Le départ de Cyril Hanouna va-t-il impacter les audiences d’Europe 1 ?

M.R-C : Cyril Hanouna a permis à Europe 1 de regagner une audience importante sur la tranche 16h-18h, historiquement en souffrance. Le défi est désormais de la fidéliser grâce à un programme attractif. Les travaux sur la grille de rentrée sont en cours avec cette recherche de continuité.

TML : L’audio digital progresse-t-il aussi ?

M.R-C : L’audio digital représente désormais près de 10% de notre chiffre d’affaires. Nous avons accueilli 13 nouvelles marques depuis 2020. Et depuis le 1er avril, nous sommes très fiers de commercialiser SoundCloud, une plateforme musicale très puissante avec 40 millions d’impressions mensuelles, une audience très jeune (71% de moins de 35 ans) et une data first-party très qualitative. Nous avons opté pour une intégration publicitaire, qui repose sur des formats premium (pre-roll et mid-roll) et qui nous permet de franchir le cap des 120 millions d’impressions audio digitales par mois.

SoundCloud apporte également un levier fort qui complète parfaitement notre offre, qui trouve un vrai écho dans les agences. Cet accord permettra aux annonceurs et aux agences médias du marché d’atteindre le public jeune, engagé et diversifié de SoundCloud, tout en bénéficiant de nouvelles opportunités de ciblage exclusives pour leurs prochaines campagnes, grâce à la 1st party data de SoundCloud et à l’intelligence artificielle permettant d’identifier l’humeur des auditeurs selon le morceau écouté (mood targeting).

Notre objectif était d’être la 1ere régie radio sur l’audio digital, c’est désormais chose faite et nous en sommes très fiers.

Cyril Hanouna a permis à Europe 1 de regagner une audience importante sur la tranche 16h-18h

TML : Europe 2 est en recul. L’arrivée de Cauet change-t-elle la donne ?

M.R-C : Oui. Malgré un contexte compliqué il a pris les rênes de l’antenne avec énergie et professionnalisme. En streaming, les premiers indicateurs sont impressionnants, la matinale fait x2,4 en audience live. Les podcasts font x15. Et il dispose d’une immense communauté digitale (13,4 millions d’abonnés). L’objectif à court terme est de retrouver le niveau d’audience de septembre 2024 et de retrouver un pôle FM fort. L’arrivée de NOVA dans notre portefeuille y contribue fortement, avec des audiences records sur les deux dernières vagues, un bassin d’auditeurs doublé en un an, et un ADN de marque parfaitement complémentaire à notre offre.

TML : La commercialisation locale a été réorganisée. Pourquoi ?

M.R-C : RFM et surtout Europe 2 ont de multiples décrochages locaux, c’est une richesse car cela nous installe au plus proche des Français dans les territoires. Le DAB+ en local est aussi un enjeu sur lequel nous sommes très actifs. Pour commercialiser efficacement, nous avons fait appel à des partenaires locaux, les meilleurs sur leurs zones respectives.

Régie Radio Régions, filiale du groupe Ouest-France, sur l’Ouest, Force 1 Publicité sur le Nord, CI-Media sur PACA, 100% sur l’Occitanie, Mediarun sur l’Alsace et la Moselle, Régie Média Radio sur la Lorraine, LBMedia sur le Lot, la Corrèze et l’Aveyron, Carole Factory Communication sur la Meuse et REM sur le département du Vaucluse. En Auvergne-Rhône-Alpes et Sud-Ouest, nous reprenons en direct avec l’expertise de Stéphane Dolet chez nous, sous la responsabilité de Franck Godin. 2025 sera une année d’installation. Objectif : développer les revenus.

TML : Vous êtes aussi active au sein de l’Alliance de la radio, notamment au sein de la commission régie. Quels sont les sujets prioritaires ?

M.R-C : Nous partageons plusieurs combats importants. Le premier concerne les mentions légales, qui nuisent à la compréhension et à l’efficacité des messages publicitaires. Tous les acteurs du marché, annonceurs comme agences, s’accordent sur la nécessité de les simplifier, et nous travaillons ensemble à faire évoluer le cadre réglementaire… Nous défendons également la modernité de notre média, sa résilience dans les moments de crise et sa forte capacité à innover via les nouveaux formats numériques notamment. La radio reste le lien le plus direct, le plus accessible, le plus réactif avec les publics. Elle doit être davantage soutenue par les pouvoirs publics. L’Alliance nous permet de parler d’une seule voix pour porter ces sujets de manière plus audible et plus influente.

En termes publicitaires, le JDNews s’est installé rapidement

TML : Et la presse ? Le JDD progresse-t-il malgré la concurrence ?

M.R-C : Oui. Le JDD gagne 415 000 lecteurs en un an, avec 5 millions de lecteurs mensuels (presse & numérique). Sur les réseaux, +14% en 1 an. Le JDD reste un rituel incontournable pour ses lecteurs, c’est le seul titre de la PQN à voir son audience augmenter, avec une diffusion nettement supérieure à celle de son nouveau concurrent – tout comme sa PDM publicitaire (en valeur).

Le JDNews est un succès avec 146 095 exemplaires hebdomadaires. La vente du mercredi est très tonique, avec des pointes à 30 000 voire 35 000 exemplaires. Le magazine est aussi distribué le dimanche avec le JDD, ce qui optimise la portée globale de la marque.

En termes publicitaires, le JDNews s’est installé rapidement. En six mois, il atteint déjà une part de marché proche de celle du Nouvel Obs, grâce à une ligne éditoriale claire et une vraie puissance. Le JDMag, lancé en mars pour enrichir l’offre du w-e, se positionne comme un nouveau féminin grand public aux côtés de titres comme Femme Actuelle. Il est bien accueilli, avec une bonne perception qualité-prix par les annonceurs, malgré un début d’année difficile pour le segment des féminins.

TML : Des coopérations sont-elles envisagées avec d’autres marques du groupe Vivendi ?

M.R-C : Pas d’annonce majeure à ce jour. Mais une culture groupe qui encourage les synergies entre les différentes entités. Cela se traduit par des échanges réguliers autour d’opportunités potentielles, ou d’apport d’expertises, comme ce fut le cas lors du lancement du JDNews avec le soutien des magasins Relay. Nous travaillons à des offres communes avec les autres régies du groupe – Prisma Media et Canal+ Brand Solutions, avec qui nous avons lancé notamment le Pack Business réunissant CNews / Europe 1 et le JDD.