L’annonce avait été occultée par celle faite au sujet de la livraison de Mirage 2000-5F à Kiev. Toujours est-il que, en juin 2024, le président Macron fit savoir que la France allait « former, entraîner, équiper une brigade entière de l’armée ukrainienne », au titre de son aide militaire.

Puis, deux mois plus tard, l’armée de Terre mit sur pied la « task force » Champagne pour assurer la formation de 2 000 soldats de la 155e Brigade d’infanterie motorisée de l’armée ukrainienne, baptisée « Anne de Kyiv », en référence à l’épouse de Henri Ier, roi des Francs.

« Cette formation répond aux besoins exprimés par le partenaire. Pour cela, elle se base sur les retours d’expérience du front russo-ukrainien. Elle s’appuie sur un environnement réaliste, notamment un réseau de tranchées, un environnement de combat en conditions réelles et l’emploi de drones », fit alors valoir le ministère des Armées.

Dotée, comme l’avait promis M. Macron, de 18 AMX-10RC, de 128 Véhicules de l’avant blindé [VAB], de 18 CAESAr, de camions TRM et de postes de tir MILAN, la brigade « Anne de Kiyv » quitta les terrains d’entraînement de l’est de la France pour rejoindre l’Ukraine. Seulement, et comme le confirmera, plus tard, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, à l’antenne de CNews/Europe1, elle comptait alors une cinquantaine de déserteurs dans ses rangs…

Dès son arrivée en Ukraine, cette unité fit l’objet d’une polémique. Pour une raison non précisée, son chef, le colonel Dmytro Ryumshin, fut relevé de son commandement, avant d’être remplacé par le colonel Taras Maksimov. Puis, plusieurs de ses unités furent dispersées alors qu’elle devait se déployer dans la zone des combats, dans la région de Prokovsk [Donbass].

« Le sort de la 155e Brigade mécanisée reste le même que celui de toutes les autres ’brigades zombies’ ou ’brigades de papier’, comme on les appelle aussi. On y intègre de force des gens, mais aucune coordination des structures de commandement n’est assurée. Plus tard, l’unité est tout simplement démantelée et rattachée à d’autres, la plupart étant envoyées dans des unités d’assaut, à l’exception de celles ’placées’ à des postes d’état-major par des stratagèmes douteux », dénonça alors la députée Mariana Bezuhla, issue du même parti que Volodymyr Zelenski, le président ukrainien.

La polémique prit de l’ampleur quand il apparut que les taux de désertions et d’abandons de poste étaient particulièrement élevés au sein de cette brigade. Le journaliste Iouri Boutoussov avança que 1 700 de ses soldats [sur 4 500] étaient portés déserteurs avant même son engagement au combat. Et d’accuser le commandement militaire ukrainien « d’avoir failli à la formation initiale de la brigade », laquelle se serait déroulée, selon lui, dans un « chaos organisationnel complet ».

Au regard de l’ampleur prise par cette affaire, les autorités militaires et civiles ouvrirent une enquête « dans le cadre d’une procédure pénale engagée en vertu de l’article 426-1 [abus d’autorité ou de pouvoirs officiels par un militaire] et de l’article 408 [désertion] du Code pénal de l’Ukraine ».

Puis, les choses se tassèrent… Et la brigade « Anne de Kyiv » fit oublier les polémiques en obtenant quelques succès tactiques contre l’armée russe dans le secteur de Prokovsk. Alors que les enquêtes ouvertes en janvier sont toujours en cours, une nouvelle vient d’être lancée.

En effet, le 19 mai, le journal Ukrainska Pravda a révélé que le commandant d’un des bataillons de la brigade venait d’être arrêté pour avoir exiger des pots-de-vin auprès de ses subordonnés afin de leur octroyer ensuite, de manière indue, des primes normalement versées en cas de participation à des combats sur la ligne de front.

« Rien qu’en mars 2025, l’officier a reçu près d’un million de hryvnias en espèces [soit 21 000 euros] pour des paiements fictifs. Il avait prévu de recevoir le même montant en avril, mais il a été pris en flagrant délit alors qu’il remettait une autre partie du pot-de-vin », a précisé le bureau d’enquête d’État.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là : le commandant de la brigade, le colonel Maksimov est également visé par une enquête pour des malversations présumées. Il est aussi question d’extorsion de fonds et de paiements fictifs.

Les faits sont apparemment suffisamment étayés pour qu’une nouvelle inspection de la brigade soit ordonnée. Telle est en effet la mesure prise par le général Mykhaïlo Drapaty, le commandant des forces terrestres ukrainiennes. « Pour moi, il n’y a pas d’intouchables. J’attends les résultats de tous les contrôles et les conclusions de l’enquête. […] Les sanctions seront sévères », a-t-il assuré auprès d’Ukrainska Pravda.

Photo : Formation de la brigade Anne de Kyiv en France – armée de Terre