C’est un fait social qui a été peu étudié de manière quantitative. Quand on a lancé notre projet, il y avait cette idée dans l’air que le voisinage était en déclin. En réalité, on observe une grande stabilité depuis les années 80, date de la première grande enquête sur la question.
Existe-t-il des différences entre les villes et les campagnes ?
Il existe des différences selon les contextes résidentiels. Mais cela ne se décline pas de cette façon. Le principal critère, c’est la composition sociale de la population. Plus un voisinage est aisé, plus il y a de propriétaires et plus il y a de relations. On le voit par exemple à Paris, avec des écarts importants selon les quartiers. Et plus ce milieu est homogène, plus les liens sont fréquents. La mixité sociale est plutôt associée à un affaiblissement des relations de voisinage.
Il y a cependant aussi ces voisins dont on ne connaît pas le nom, mais dont on connaît le visage. Leur présence crée un sentiment de sécurité et peut contribuer au bien-être.L’âge est-il un facteur important ?
Les relations de voisinage sont relativement faibles dans les premiers âges de la vie, en raison notamment de l’instabilité résidentielle. Elles atteignent un maximum dans la tranche d’âge 30-44 ans, avec l’arrivée des enfants. Puis on observe un déclin progressif. À partir de 75 ans, elles se limitent souvent aux maisons voisines et deviennent asymétriques.
Comment expliquer que nos voisins puissent parfois rester des inconnus ?
C’est principalement lié à la mobilité résidentielle. Nous avons pu observer des quartiers où un tiers de la population se renouvelle tous les 18 mois. C’est clairement un frein aux relations de voisinage. Et pas seulement pour ceux qui bougent. Ceux qui restent stables finissent aussi par se décourager. Ils hésitent à nouer des relations avec leurs nouveaux voisins, en se disant qu’ils ne resteront pas forcément.
Il y a cependant aussi ces voisins dont on ne connaît pas le nom, mais dont on connaît le visage. Avoir autour de soi ces inconnus familiers n’est pas complètement anodin. Leur présence crée un sentiment de sécurité et peut contribuer au bien-être.
Les conflits de voisinage sont-ils plus fréquents qu’avant ?
Là encore, on observe une stabilité. Quant aux causes, elles sont très variées. Certains conflits découlent de gênes, de comportements inappropriés. D’autres relèvent de rapports différents à l’espace, au quartier.
Dans ces cas de figure, la fête des voisins peut-elle contribuer à détendre l’atmosphère ?
Déminer les conflits, je n’y crois pas. Elles peuvent même y contribuer, en accentuant les phénomènes de clan. La fête des voisins est une pratique qui s’est généralisée. Mais souvent, on y retrouve des gens qu’on connaît déjà. Elles sont alors dans la continuité d’autres moments de convivialité dans le quartier.
Comment voyez-vous l’avenir des relations de voisinage ?
Les relations de voisinage ont résisté à de grandes transformations sociales : les trajets qui s’allongent, les nouvelles technologies. On a pu observer des évolutions conjoncturelles. Mais, en France, c’est une pratique qui reste solidement ancrée.