La ville de Vilnius ressemble à une jolie carte postale. Dans les rues de la capitale lituanienne, les bâtiments historiques de styles gothique, Renaissance, baroque et classique se succèdent. Très colorée, la cité de près de 550 000 habitants est classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais depuis 2021, le bleu ciel et le jaune sont hissés sur de nombreuses façades officielles ou privées : ici, le drapeau ukrainien flotte dans chaque ruelle. Ces couleurs affichées rappellent que Vilnius se situe à seulement 30 kilomètres de la frontière biélorusse, que la Russie a utilisée comme point de départ pour son invasion de l’Ukraine en février 2022. « On a peur d’être les prochains sur la liste de Vladimir Poutine », témoigne Amanda, une jeune femme de 22 ans.
Un objectif : reprendre une position occupée par l’ennemi
Au nord, à quelques kilomètres de Kaunas, les pavés de la capitale laissent place à une terre sableuse, au cœur de laquelle s’enracine une immense forêt de pins et de sapins. Proche d’une base militaire, la zone accueille, du 11 au 31 mai, un exercice XXL de l’Otan baptisé « Swift Response », mobilisant 6 000 militaires. Rien que pour la journée du 16 mai, plus de 1 600 soldats ont été largués depuis des avions militaires, avec pour objectif de reprendre une position occupée par un ennemi. « La force des unités parachutistes, c’est d’être capables d’agir rapidement en déployant de nombreux combattants sur une zone », explique un officier français, alors que l’enclave russe de Kaliningrad, forte de près de 30 000 militaires, se trouve à moins de 100 kilomètres.
Six nations participent à l’exercice, mais une attire toute l’attention : les États-Unis. Après les discours agressifs de Donald Trump envers les alliés et les ambiguïtés affichées quant à son soutien à Kiev, la présence de soldats en uniforme américain surprendrait presque dans cet exercice de l’Otan. Car l’actuel locataire de la Maison-Blanche n’a pas hésité à remettre en cause l’engagement américain au sein de l’Alliance, fondée en 1949. « S’ils ne paient pas, je ne vais pas les défendre », avait-il déclaré en mars dernier, exprimant sa volonté de voir les 31 membres augmenter leurs dépenses militaires. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité, mi-février, le vice-président américain J. D. Vance a exhorté les Européens à prendre en main leur défense tandis que, depuis Varsovie, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth enfonçait le clou : « Investissez, car vous ne pouvez pas supposer que la présence américaine durera éternellement. »
Les Américains promettent de rester fidèles
Ce jour-là, sous la pluie du nord de la Lituanie, ils sont pourtant plus de 1 100 soldats américains de la 173e brigade parachutiste à être largués à 300 mètres d’altitude depuis des avions de transport C-130. Une manière de rassurer les membres de l’Alliance ? « Je pense que les actes sont éloquents », répond le major Yohei Sakamoto, commandant américain chargé de la planification des opérations de l’Otan. « Notre implication n’a pas changé et je vous promets qu’on ne va pas ralentir le rythme, ni changer notre calendrier », prévient l’officier, à la tête des 4 000 soldats américains mobilisés durant les vingt jours d’exercice.
Selon une source diplomatique, « Swift Response » apporte davantage de certitudes aux alliés, sachant que la contribution américaine représente près de 16 % du budget de l’Otan, faisant de l’Oncle Sam le premier pays contributeur de l’Alliance. « Oui, ça nous rassure, car l’article 5 [selon lequel une attaque contre un membre est considérée comme une attaque contre tous les membres, NDLR] repose en grande partie sur la force militaire des Américains, notamment sur leur arsenal nucléaire », confie un diplomate.
La perception de la menace russe a-t-elle évolué du côté américain ?
Depuis son investiture en janvier dernier, Donald Trump a également amorcé un rapprochement historique avec Moscou. Une question demeure, la perception de la menace russe a-t-elle évolué du côté américain ? « Partout où il y a un danger pour la liberté, pour toute forme de démocratie ou pour les droits de quiconque, nous essayons de nous aligner avec les bons partenaires pour y faire face », répond le sergent-major John Peterson, commandant de la 173e brigade parachutiste. Ce jeudi 16 mai, les Américains auront travaillé leur interopérabilité avec près de 200 Français, ainsi que des Allemands, des Lituaniens, des Italiens et des Néerlandais. « Nous sommes ici avec nos alliés. Plus nous nous entraînons ensemble, plus notre état de préparation s’améliore », conclut le major Yohei Sakamoto.