AboFinlande et Arctique –
Poutine renforce ses troupes sur le flanc nord-est de l’Otan
Des images satellites montrent que Moscou gonfle ses effectifs militaires et rénove des bases à une poignée de kilomètres de la frontière finlandaise.
Arnaud de La Grange- Le Figaro
Publié: 27.05.2025, 20h13

Vladimir Poutine mobilise des forces à proximité de la Finlande, notamment pour s’opposer à l’OTAN.
AFP
On est encore loin d’un sinistre «remake» de la guerre d’Hiver, quand l’Union soviétique se lança à l’assaut de la petite Finlande, le 30 novembre 1939. Mais l’histoire fait un étrange clin d’œil, alors que la Russie de Poutine renforce son dispositif militaire aux abords de la frontière finlandaise. Face à ce qui est désormais le flanc nord-est de l’OTAN.
De nouvelles photos satellites, confirmées par des responsables de l’OTAN, ont confirmé les menées russes. Elles montrent des concentrations de tentes et des travaux d’agrandissement de bases et d’aérodromes. Il s’agit notamment d’entrepôts destinés à stocker des véhicules militaires, de la rénovation d’abris pour avions de chasse et d’une base d’hélicoptères qui était en grande partie inutilisée et envahie par la végétation.
Pour l’heure, ce renforcement reste modeste, comme le reconnaissent des responsables de la défense finlandaise. Mais il pourrait ouvrir la voie à une montée en puissance plus importante. «Nous allons parler de niveaux de troupes bien plus élevés», estime le général Pekka Turunen, directeur du renseignement militaire finlandais. Ses services estiment que des dizaines de milliers de soldats pourraient être déployés sur la frontière et plus au nord dans l’Arctique, quand la Russie sera moins occupée sur d’autres fronts.
La menace n’est pas immédiate mais pourrait être bien réelle à horizon de cinq ans. «Ce que nous voyons, ce sont les préparatifs pour l’avenir, lorsque la Russie ramènera les forces combattant en Ukraine, a déclaré au «Daily Telegraph» le général Sami Nurmi, chef de la stratégie des forces de défense finlandaises. Nous avons anticipé cette situation en rejoignant l’OTAN. Nos forces observent la situation de très près et se préparent en conséquence.» Washington tient un discours rassurant. La semaine dernière, Donald Trump a dit n’être «pas du tout inquiet», assurant que la Finlande et la Norvège seraient «en parfaite sécurité». Récemment, les troupes américaines et finlandaises ont mené un important exercice militaire arctique dans les forêts de la région.
Des rangées de tentes
Ces images satellites ont montré une activité importante – avec plus de 130 grandes tentes militaires dressées – sur la base de Kamenka, à moins de 65 kilomètres de la Finlande et à 225 kilomètres d’Helsinki. Le site, inutilisé avant 2022, devrait pouvoir accueillir 2000 soldats. Moscou développe aussi ses infrastructures militaires autour de la ville de Petrozavodsk, à 160 kilomètres des frontières finlandaise et norvégienne. Les analystes estiment que la localité pourrait servir de quartier général aux troupes russes du Nord-Ouest en cas de bras de fer avec l’OTAN.
Les photographies montrent également une intensification de l’activité sur des bases aériennes arctiques de l’ère soviétique, à Severomorsk-2 et Olenya, où des bombardiers stratégiques nucléaires Tu-22 et Tu-95 ont été déployés. Des hélicoptères ont également été repérés dans la ville arctique de Mourmansk, pour la première fois depuis deux décennies. Ce regain d’activité a également été observé sur une base située à environ 130 kilomètres de l’Estonie.
Certes, Moscou a dû reculer vers le nord des moyens militaires pour les mettre hors de portée des drones ukrainiens. Mais au-delà, les états-majors occidentaux craignent que la Russie n’étende son empreinte militaire toujours plus au nord. Avec des enjeux militaires mais aussi économiques, les ressources de la région arctique s’installant au cœur d’une nouvelle rivalité géopolitique. «L’Arctique est le théâtre important du futur, estime le général Nurmi, nous travaillons en étroite collaboration avec nos alliés de la région pour évaluer les plans de la Russie.»
L’année dernière, Moscou a rétabli le vaste «district militaire de Leningrad», afin de «parer aux menaces venant de Finlande et d’Estonie». En décembre 2023, Vladimir Poutine avait annoncé cette réforme en réponse à la décision de la Finlande de rejoindre l’OTAN. «Il n’y avait aucun problème là-bas, mais il y en aura maintenant, et nous allons créer le district militaire de Leningrad et y concentrer un certain nombre d’unités», avait-il dit. Les brigades qui y sont stationnées doivent ainsi tripler de taille pour devenir des divisions de plus de 10’000 hommes. La 138e brigade de fusiliers motorisés est ainsi déjà devenue la 69e division de fusiliers motorisés.
L’armée russe portée à 1,5 million d’hommes
Ce repositionnement russe n’a surpris personne. L’armée russe ne pouvait que réviser son organisation face à la «menace» croissante que représente l’OTAN au nord-ouest. La première phase de cette «expansion de l’Alliance», avec l’adhésion des pays baltes, avait déjà suscité l’ire de Moscou. Et la perspective d’une entrée de l’Ukraine dans le club otanien a été l’une des motivations de l’agression russe. De manière plus générale, le Kremlin s’emploie à relever sa garde. En septembre dernier, Poutine a ordonné à l’armée de porter ses effectifs à 1,5 million de soldats, contre 1 million avant l’invasion de l’Ukraine. La production d’armements s’intensifie aussi, avec un budget de la défense qui atteindra 6% du PIB cette année.
Contrainte de céder des territoires à l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, la Finlande avait depuis opté pour une politique de neutralité. Mais l’invasion de l’Ukraine l’a conduite à réviser sa posture stratégique et elle a rejoint l’Otan en 2023. Cette adhésion du pays à l’Alliance a eu pour effet de prolonger la frontière de l’OTAN avec la Russie de 1340 kilomètres et de modifier la situation stratégique en Europe du Nord.
Serein, le général Nurmi replace cette agitation dans le temps long. «Suivre l’évolution de la situation de l’autre côté de la frontière est notre quotidien depuis des siècles» rappelle-t-il. Les Finlandais ont une vieille expression qui invite au bon sens stratégique: «La Russie n’est jamais aussi forte qu’elle en a l’air et jamais aussi faible qu’elle en a l’air.»
Newsletter
«Dernières nouvelles»
Vous voulez rester au top de l’info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, directement dans votre boîte e-mail. Pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Se connecter
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
45 commentaires