Un nourrisson sur 250 meurt avant son premier anniversaire en France ; en Roumanie, le taux a triplé en un an. En 2024, au moins huit Etats membres de l’Union européenne ont enregistré une hausse du nombre de décès chez les enfants de moins d’un an, selon les dernières données publiées par les offices nationaux de statistiques. Une tendance qui alerte les autorités sanitaires.
4,1 % en France et 6,4 % en Roumanie
Le taux de mortalité infantile, qui mesure le nombre de décès d’enfants de moins d’un an pour 1 000 naissances vivantes, est un indicateur essentiel des conditions de vie. Alors que la moyenne européenne s’élevait à 3,3 % en 2024, certains pays la dépassent amplement. L’année passée, la Roumanie est brutalement passée de 2,1 % en 2023 à 6,4 % en 2024. Même constat en France où le taux grimpe à 4,1 % contre 2 l’année précédente, soit un décès sur 250 selon l’Insee. Le Portugal, lui, enregistre une hausse de 20 % sur un an.
A l’inverse, certains pays confirment une baisse. En Lettonie, le taux de mortalité infantile chute de 2,5 % à 1,5 % en un an. Même son de cloche en Slovénie, bien que pour ce pays, les chiffres ne soient, à ce stade, que des estimations.
Les statistiques révèlent également certaines vulnérabilités. Les garçons ont en moyenne 1,2 fois plus de risques de décéder avant leur 1 an que les filles. Quant aux naissances multiples, jumeaux ou triplés, elles présentent un risque de mortalité cinq fois supérieur à celui des naissances simples.
Des disparités subsistent aussi en fonction des zones géographiques. En ce qui concerne le territoire français, la mortalité infantile est plus élevée en Outre-Mer. De 2004 à 2022, le taux de mortalité infantile était deux fois plus haut en Outre-Mer qu’en France métropolitaine avec 8 % contre 3,5 %, selon l’Insee. La Guyane occupe la tête du classement avec un taux de 9,7 %. En comparaison, en France métropolitaine, tous les départements ont un taux de mortalité infantile inférieur ou égal à 5 %, et toutes les régions en ont un inférieur à 4 %.
2024, une année marquée par les fermetures de maternités
Si les causes sont incertaines, plusieurs facteurs contribuent à une situation de plus en plus fragile. Parmi eux, l’augmentation des grossesses multiples, le recul de l’âge moyen des mères au moment de l’accouchement, ainsi que de fortes inégalités d’accès aux soins selon les zones géographiques, selon Euronews. A cela s’ajoute une crise plus structurelle : dans plusieurs pays européens comme la France, l’Allemagne ou le Portugal, on observe en 2024 des pénuries importantes de personnel soignant ainsi que la fermeture temporaire ou définitive des maternités, mettant en péril la continuité et la qualité des soins. Au cours de l’été 2024, dix maternités ont dû fermer leurs portes ou restreindre fortement leur activité au Portugal. Des fermetures qui s’inscrivent dans le plan d’urgence sanitaire lancé par le gouvernement.
En France, la tendance n’est pas nouvelle mais s’aggrave : environ 15 % des petites maternités ont disparu au cours de la dernière décennie. Paradoxalement, alors que le nombre de médecins et d’infirmiers par habitant a augmenté au sein de l’Union européenne au cours des vingt dernières années, le secteur est aujourd’hui confronté à un vieillissement de sa main-d’œuvre et à un désintérêt croissant des jeunes générations pour les métiers de la santé. Et ce, en raison de conditions de travail éprouvantes et de rémunérations jugées insuffisantes.
Cette dégradation progressive des conditions de prise en charge a des répercussions directes sur la sécurité des soins. Le 21 mai 2024, la Haute Autorité de Santé (HAS) a sonné le tocsin en révélant que de nombreux “évènements indésirables graves” touchant les nourrissons pourraient être évités. Selon l’institution, près de 57 % de ces incidents seraient en effet évitables ou probablement évitables, puisqu’ils sont généralement liés à des erreurs dans la surveillance obstétricale (notamment une mauvaise interprétation du rythme cardiaque fœtal), à des dysfonctionnements dans l’organisation des soins, ou encore à des infections nosocomiales (contractées dans un établissement hospitalier).
En analysant les causes profondes de ces incidents, la HAS a mis en évidence des causes systémiques : des protocoles de soins incomplets ou mal appliqués, un manque de communication entre les membres de l’équipe soignante, ou un stress ressenti par les professionnels (généralement lié à une surcharge de travail). Même si l’ensemble des décès de nourrissons ne peut pas être évité, l’autorité appelle à redoubler d’efforts.