Sur 132 km de long, depuis le village de Redu en Belgique, où est situé un site de l’agence spatiale européenne (ESA), jusqu’à l’Université du Luxembourg, au Kirchberg, en passant par un centre de données de Belnet à Arlon, s’étend le premier réseau quantique transfrontalier. Une mise en pratique du projet EuroQCI, lancé en 2019, qui vise à créer une infrastructure de communication quantique sécurisée couvrant l’ensemble de l’UE.
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De fait, si les cyberattaques sont une menace constante – une se produit toutes les 39 secondes -, le défi de la cybersécurité va encore s’intensifier ces prochaines années. Car si les techniques de cryptage actuelles sont pour l’instant sûres, les progrès technologiques, en premier lieu les ordinateurs quantiques, rendront encore plus vulnérables les systèmes de sécurité actuels.
La distribution de clés quantiques (QKD), un domaine de recherche essentiel
Pour faire face à cette évolution, la recherche sur la distribution de clés quantiques (QKD) est un domaine essentiel. Cette méthode sécurisée utilise la mécanique quantique pour générer des clés de chiffrement en théorie inviolables.
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Au niveau du Luxembourg, les recherches en la matière sont menées par le SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust) de l’Université du Luxembourg, qui a lancé en 2022 LUQCIA (LUxembourg Quantum Communication Infrastructure lAb), dont l’objectif est d’établir une infrastructure nationale d’essai pour les communications quantiques et à faire progresser la recherche dans ce domaine.
Communication quantique entre Belval et Kirchberg
Depuis son lancement, l’équipe de recherche du SnT a d’abord mis en place son Quantum Key Lab, puis a réalisé une démonstration de QKD pendant un an, entre les campus de Kirchberg et de Belval de l’Université du Luxembourg. Mais le prochain objectif restait de parvenir à franchir les frontières nationales.
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Il ne fallait pas trop s’éloigner pour autant: «Chaque kilomètre de câble à fibre optique augmente le risque de perte des particules quantiques (appelées photons) qui transportent l’information de chiffrement», explique le SnT.
Une premier réseau transfrontalier actif entre Arlon et le Kirchberg
Le partenariat s’est donc lié avec BeQCI, la déclinaison en Belgique du projet EuroQCI, avec un nœud de connexion QKD situé dans un centre de données géré par Belnet à Arlon, à environ 45 kilomètres de l’Université.
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Et, depuis le 17 octobre 2024, le SnT et Belnet échangent avec succès des clés de chiffrement par le biais de cette connexion QKD. «Une avancée majeure», s’était alors réjoui le SnT, rappelant que «la QKD est une méthode de communication extrêmement sensible».
L’extension du réseau vers l’espace
Là encore, le projet ne s’arrêtait pas là. Le choix d’Arlon avait en effet un autre avantage: être à mi-distance entre l’Université du Luxembourg et un site de l’ESA, à Redu, en Belgique. Un site «idéal pour de futures expérimentations impliquant une intégration satellitaire», selon le SnT.
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Le projet EuroQCI est en effet composé d’un segment terrestre reposant sur des réseaux de communications en fibre reliant des sites stratégiques aux niveaux national et transfrontalier, mais aussi d’un segment spatial basé sur des satellites, indispensable «pour étendre la QKD sur de longues distances», explique le SnT.
Tester la communication quantique par satellite
Comme le rappelait en octobre dernier le SnT, la prochaine étape est donc de connecter le réseau QKD à l’espace, avec l’objectif de renforcer les communications en Europe grâce aux réseaux en fibre optique et aux liaisons satellitaires.
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Or un nouveau pas vient d’être franchi dans cette direction, avec l’extension de la liaison QKD jusqu’au site de l’ESA à Redu, sur une distance totale de 132 kilomètres. «À plus long terme, la connexion du site de l’ESA à Redu a pour objectif de tester la communication quantique par satellite, alors qu’elle passe actuellement par des connexions physiques par fibre optique», explique Belnet dans un communiqué publié jeudi 5 juin.
Vers un internet quantique
«Cette étape met en évidence la force de la collaboration entre pays voisins et nous rapproche d’un objectif commun: une Europe à l’épreuve des attaques quantiques et aux connexions sécurisées», s’est réjoui le coordinateur technique du QCI Lab à l’Université du Luxembourg, Jorge Luis Gonzalez Rios. «Il s’agit d’une étape essentielle pour garantir la robustesse et la polyvalence des futurs réseaux quantiques.»
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Une étape essentielle qui permettra à ce réseau de créer, à court terme, des applications QKD et d’autres solutions cryptographiques qui ne pourront pas être craquées par un ordinateur quantique. Mais l’ambition à plus long terme reste de développer un réseau de communication quantique à l’échelle européenne, qui pourra servir de base à un internet quantique, en permettant de connecter de manière extrêmement rapide et sûre des appareils de réseau quantique entre eux.