Les pays de l’Otan ont scellé dimanche, à quelques jours de leur sommet de La Haye, un accord pour une hausse drastique de leurs dépenses de sécurité. L’Espagne a toutefois semé le doute, en assurant en être exemptée.

Face à la menace russe, et sous pression du président américain Donald Trump, les 32 pays de l’Otan s’apprêtaient à annoncer mardi et mercredi à La Haye un accord pour s’engager à consacrer au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur sécurité.

L’Espagne avait bien manifesté son opposition la semaine dernière, mais plusieurs diplomates de l’Alliance ont assuré dimanche qu’un compromis avait été trouvé ce weekend après d’intenses négociations. Ce compromis reprend l’objectif de 5%, sans aucune exemption, ont-ils encore souligné.

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Formulation en question

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a toutefois affirmé le contraire et semé le doute sur le résultat du sommet aux Pays-Bas. “L’Espagne vient de conclure un accord avec l’Otan […] qui nous permettra de respecter nos engagements envers l’alliance Atlantique […] sans avoir à augmenter nos dépenses de défense jusqu’à 5% du produit intérieur brut”, a-t-il déclaré dimanche.

Pour le gouvernement espagnol, la nouvelle formulation du texte, qui doit servir de base à un accord à La Haye, mentionne “les Alliés” quand la version précédente évoquait “tous les Alliés”. Ce “changement clef reflète notre position: tous les Alliés ne sont pas obligés aux 5%”, a-t-on assuré de source gouvernementale espagnole.

Pas d’exemption

Mais à Bruxelles, il n’est nullement question d’exemption, Madrid ayant juste obtenu que le délai pour parvenir à cet objectif de 5% soit porté de 2032 à 2035, selon plusieurs diplomates.

Le compromis arraché dimanche était censé dégager la voie en vue d’un accord à La Haye et représenter une victoire diplomatique pour Donald Trump. Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain n’a cessé de réclamer des alliés européens et du Canada qu’ils dépensent beaucoup plus, exigeant un niveau de 5% de leur PIB, faute de quoi il menaçait de ne plus les défendre.

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Le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte avait repris ce chiffre à son compte. Il l’avait toutefois scindé en deux avec 3,5% de PIB de dépenses militaires stricto sensu et 1,5% de dépenses de sécurité au sens large, comme la cybersécurité ou la mobilité militaire.

Cette dernière catégorie de dépenses est plus facilement atteignable dans la mesure où ce sont des dépenses déjà prévues ou envisagées par les Etats. En ce qui concerne les 3,5%, elles correspondent à l’indispensable augmentation des capacités militaires de l’Otan face à la menace russe, souligne l’Alliance.

“Contre-productif”

L’Espagne assure toutefois être capable de remplir ses objectifs en matière de capacités militaires avec seulement 2,1% de PIB. “Notre engagement est de fournir des capacités militaires, pas de respecter un pourcentage”, indique-t-on de source gouvernementale à Madrid.

Pas question néanmoins pour Washington d’accepter des exceptions. “Je pense que l’Espagne doit payer ce que tout le monde doit payer”, a affirmé vendredi Donald Trump.

Madrid avait fait connaître la veille son opposition à cette augmentation drastique, estimant qu’elle n’était pas justifiée. “Pour l’Espagne, s’engager à atteindre un objectif de 5% ne serait pas seulement déraisonnable, mais aussi contre-productif”, avait assuré Pedro Sanchez dans un courrier adressé à Mark Rutte.

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Investir à hauteur de 5% de PIB dans la sécurité reviendrait à demander à chaque Espagnol de payer quelque 3000 euros chaque année, assure-t-on à Madrid. “C’est incompatible avec notre vision du monde”, a-t-on expliqué de source gouvernementale.

L’Espagne consacrait 1,24% de son PIB à des dépenses militaires fin 2024, selon l’Otan. Elle s’est toutefois engagée à atteindre 2% cette année, conformément à un objectif fixé en 2014 par un précédent sommet de l’Otan.

ats/rad