Un nouvel épisode dans la relation conflictuelle entre les contenus générés par intelligence artificielle (IA) et la presse : une image représentant un évènement réel, reprise par de nombreux médias reconnus, qui s’avère finalement très certainement générée par IA.
Alors que la nouvelle d’une frappe israélienne sur la prison d’Evin, à Téhéran, jeudi 23 juin, était reprise par tous les médias à l’échelle mondiale, bon nombre d’entre eux se sont servis d’une courte vidéo montrant une explosion au niveau de la porte de la prison pour illustrer l’évènement. C’est le cas de médias français comme LCI, BFMTV, France 2 ou France 24. Ces dernières, qui ont énormément été partagées sur les réseaux sociaux, ont gagné en visibilité après avoir été partagées sur X par le ministre des Affaires étrangères israélien Gideon Sa’ar le jour même.
Une vidéo probablement générée à partir d’une photo bien réelle
Sur la vidéo, en noir et blanc et d’une durée de six secondes, on voit une imposante porte surmontée d’un panneau portant des écritures difficilement déchiffrables à cause de la mauvaise qualité de l’image. En haut à gauche, une inscription indique « CAMERA 07 », laissant penser que la séquence a été capturée par une caméra de surveillance. Au bout d’une seconde, une explosion se produit au niveau de la porte, envoyant valser de nombreux débris.
Les premiers doutes quant à la véracité de ces images ont notamment été portés par le journaliste israélien Tal Hagin, qui a rapidement remarqué que les images du début de la vidéo correspondent très fortement à une photo plus ancienne de l’entrée de la prison. Une recherche d’image inversée sur l’outil Tineye, qui permet de trier les résultats selon leur antériorité, révèle que cette photo a effectivement été utilisée à plusieurs reprises sur des sites iraniens, en 2024. On retrouve aussi sa trace sur X dès 2023.
Lorsque l’on supperpose les images de la vidéo et de la photo, la correspondance est frappante. - Captures d’écran
Une comparaison entre des deux images démontre que de nombreux éléments se superposent quasiment parfaitement, les deux images étant prises du même point de vue. D’autres éléments interrogent sur l’authenticité de la vidéo, comme le fait que la végétation soit étonnamment dépouillée de feuillage pour un mois de juin, mais surtout qu’elle ne bouge pas lorsque l’explosion souffle la porte de la prison. L’hypothèse privilégiée est donc celle d’une vidéo générée par IA à partir de la photo en question, bien réelle. La rédaction de TF1 a par ailleurs pu retrouver parmi les premières occurrences de la vidéo, sur Telegram. La personne supposée derrière la première publication de la vidéo, finira d’ailleurs par assurer qu’il en est à l’origine et que celle-ci « a été réalisée avec de l’intelligence artificielle », bien qu’il soit impossible d’avoir entièrement confiance en ses propos, invérifiables.
De nouveaux défis pour les médias
Après que les soupçons sur l’authenticité de la vidéo ont été consolidés par le travail de différents médias dont Libération, DW ou encore ABC News, plusieurs médias ont supprimé la séquence de leurs sites Internet. La rédaction de France TV est revenue sur cet épisode, détaillant les raisons pour lesquelles les images ont dans un premier temps été considérées comme fiables.
Le cas vidéo de la frappe sur la prison est d’autant plus pernicieux qu’il représente un évènement réel, à partir d’une image elle aussi bien réelle. Un travail de géolocalisation de la vidéo, étape essentielle de l’enquête visuelle, permet de constater qu’il s’agit effectivement de la porte sud de la prison de Téhéran. Ce cas de figure est encore relativement inhabituel pour les médias, la plupart du temps confrontés à des images de personnes ou d’évènements fictifs, comme 20 Minutes en vérifie par exemple régulièrement.