Dans la station alpine suisse de Kandersteg, les autorités surveillent de près l’état d’un sommet montagneux qui domine ses pittoresques maisons et hôtels, après qu’un effondrement glaciaire et un gigantesque éboulement ont enseveli un village voisin il y a quelques semaines.

La destruction, fin mai, de Blatten, un village d’environ 300 habitants situé dans la vallée de Lötschental, a mis en évidence les inquiétudes liées à la fonte du pergélisol alors que les températures continuent de grimper sur les massifs alpins.

Blatten avait été évacué avant qu’un pan du glacier ne se détache, déclenchant une dangereuse cascade de glace, de terre et de roches vers le village, un scénario auquel Kandersteg se prépare également.

« Bien sûr, ce qui s’est passé à Blatten nous a profondément bouleversés », confie René Maeder, maire de Kandersteg. « Cela vous prend aux tripes. On reste sans voix devant de telles images de la violence de la nature. »

Néanmoins, Maeder se dit confiant quant à la capacité des barrages de Kandersteg et au suivi quotidien des risques pour éviter une catastrophe, des chercheurs surveillant la montagne à l’aide du GPS, du radar et de drones.

Depuis 2018, la menace de glissements de terrain s’est accrue à Kandersteg, lorsque des parapentistes ont remarqué que le Spitzer Stein, un sommet rocheux caractéristique surplombant un paysage alpin luxuriant, perdait de l’altitude et que des fragments s’en détachaient.

Cette découverte a fait du village un terrain d’expérimentation pour les technologies de surveillance, alors que certains experts estiment que le changement climatique aura un impact majeur sur les Alpes, le dégel du pergélisol fragilisant des structures rocheuses restées solidement gelées pendant des siècles.

L’activité sismique et l’instabilité géologique représentent également des risques pour les montagnes de la région.

PERGÉLISOL EN DÉGEL

Kandersteg illustre parfaitement une zone à l’instabilité structurelle historique, aggravée par de nombreux facteurs dont le pergélisol, explique Robert Kenner de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches à Davos.

« Ce qui était stable depuis environ 3 000 ans est désormais réactivé », observe-t-il.

Des capteurs surveillant les coordonnées GPS du Spitzer Stein ont révélé que la montagne pouvait bouger jusqu’à 70 centimètres par jour, selon Maeder.

En cas de mouvement rocheux majeur, les habitants devraient recevoir un avertissement au moins 48 heures à l’avance.

Blatten avait été évacué dix jours avant la catastrophe, qui a entraîné des pertes assurantielles estimées à 320 millions de francs suisses (400 millions de dollars), selon une première estimation de l’association suisse des assurances.

On compte environ 48 sommets alpins suisses de plus de 4 000 mètres d’altitude, et plusieurs centaines dépassant les 3 000 mètres.

En 2017, un glissement de terrain a coûté la vie à huit randonneurs dans le village méridional de Bondo, malgré des évacuations préalables. Depuis, la surveillance y a été renforcée.

« LA PARTIE ÉMERGÉE DE L’ICEBERG »

Kandersteg, qui compte environ 1 400 habitants, a investi plus de 11 millions de francs suisses (13,81 millions de dollars) dans la préparation aux catastrophes, notamment dans des barrages pour ralentir les inondations, indique le maire Maeder.

Les habitants, qui reçoivent régulièrement des informations sur les mouvements de la montagne par e-mail et WhatsApp, font confiance à la technologie.

« Nous dormons toujours bien », assure Patrick Jost, responsable de l’office du tourisme de Kandersteg, dont la maison est l’une des plus exposées à un éventuel effondrement du Spitzer Stein.

Il vit avec ses deux enfants dans la zone rouge, la partie du village la plus à risque, où toute nouvelle construction est interdite.

Malgré le choc provoqué par Blatten, la vie continue sans grand changement, y compris pour le tourisme, secteur vital selon les habitants.

Kandersteg effectuera l’an prochain son tout premier exercice d’évacuation général, annonce Maeder, qui souligne : « Blatten et Kandersteg, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. »

Des résidents comme Rudi Schorer, 77 ans, savent qu’ils devront agir vite en cas d’urgence, et ont donc préparé des papiers d’identité, des vêtements de rechange et quelques effets personnels.

« Tout est prêt dans une valise à la maison », explique Schorer. « C’est ce qu’on nous a conseillé de faire, et c’est ce que nous avons fait. »

(1 $ = 0,7996 franc suisse)