Cela est passé vite depuis les Jeux. Déjà l’après-Jeux, on était beaucoup dans les bilans. On a aussi joué le jeu avec les partenaires, parce que c’est vrai que dans la dernière ligne droite pour les Jeux, moi j’étais focus 100 % navigation, donc j’avais laissé un peu tout le reste du projet de côté. Ce fut aussi pas mal de partage avec les jeunes. Je suis allée sur les stages jeunes pour naviguer avec eux, c’était cool. L’après Jeux s’est vraiment arrêté en décembre. Après, ce fut pas mal de repos, du ski de fond, parce que j’adore ça, de la rando pour me vider la tête, tout en repartant sur une base physique. Mais les derniers mois, c’était vraiment un break.
Oui, d’autant plus que l’olympiade a été dense. Pour moi, le top départ de l’olympiade, ça a été la sortie du confinement. C’est là qu’on a basculé, on était encore un peu en RS : X, on pensait encore qu’on aurait fait deux compétitions en RS : X au printemps 2020, mais elles ont été finalement annulées. C’est là qu’on a su qu’on basculait 100 % en foil. Début juillet 2020, on a reçu notre matériel d’iQfoil et là, on est parti un peu en course contre-la-montre parce que tout était nouveau, il fallait faire des heures de navigation, découvrir le nouveau sport. Avec les JO en France, tu as envie de bien faire.
Je termine à la 7e place donc je suis un peu déçue sportivement parce que je suis quatrième à l’issue des qualifs. Sportivement, il y en avait vraiment deux qui étaient au-dessus du lot pendant la semaine. Moi, je me battais avec la troisième sur toute la semaine de qualif, et il y avait un gros gap à finir troisième ou quatrième parce qu’après ça te fait rentrer en demi ou dans le quart. Quand je loupe le cut pour la demi-finale, je me dis que ce n’est pas grave, je vais essayer de passer les quarts et c’est reparti. Finalement, ça ne passe pas sur un petit aléa tactique. Cela reste quand même une bonne course. Les deux dernières ont tenté un coup de poker et ça a marché.
On imagine que la frustration était immense ?
C’est frustrant, mais je ne sais pas comment j’aurais pu faire mieux. Oui, j’aurais pu être meilleure dans la semaine et assurer une médaille, mais les deux premières étaient meilleures et pourtant, je n’avais pas la sensation de me faire battre par une fille meilleure que moi : la championne olympique, c’est celle avec qui je me suis battue toute la semaine, elle était 3e. Elle a super bien navigué, elle a fait une super semaine. C’était vraiment à ma portée et ça s’échappe pour un rien. Après on savait qu’avec nos formats, ça allait se finir brutalement, dans un sens ou dans l’autre.
À ce moment-là, avez-vous pensé à tout arrêter ?
Non. Avant les Jeux, c’était sûr que j’allais continuer parce que j’avais l’impression de ne pas avoir fini l’histoire en foil, j’avais envie de continuer à apprendre. J’ai appris énormément avant les Jeux. J’étais dans une super dynamique, j’ai adoré les quatre-cinq derniers mois avec une super équipe, une émulation humaine incroyable. Je n’étais pas dans la démarche « les Jeux, c’est ma dernière navigation », je n’ai pas fait le tour du foil. Forcément, après les Jeux, il y a eu un peu de doute. Il y a eu des moments de moins bien pendant l’olympiade mais beaucoup de positif dans la préparation. Ensuite, il faut retrouver la motivation, se demander « comment je fais pour faire mieux ». Donc, il fallait faire un break.
Depuis les JO, avez-vous continué de naviguer en iQfoil ?
Non, je n’ai pas fait de vraies compétitions, juste une « coach regatta » à Quiberon mi-décembre. J’ai très peu navigué.
L‘envie n’était plus là ?
Pas du tout. J‘étais prête à aller faire le championnat d’Europe en octobre dernier, mais mon entourage m’a dit que ça ne servait à rien, que ce n’était pas forcément une bonne idée. J’étais encore dans le rythme, j’ai mis longtemps à décrocher après les Jeux. J’étais prête à y aller, j’avais envie de naviguer mais l’objectif, c’est d’être la plus forte possible dans trois ans. Et je ne suis pas sûre que c’est en voulant gagner des compétitions tout de suite que je vais y arriver.
Vous faites également l’impasse sur les championnats du monde, début juillet à Aarhus au Danemark ?
J’ai décidé très tôt de faire l’impasse sur l’Europe et le Mondial. Je n’aime pas faire un Mondial sans m’entraîner, je n’aime pas arriver en touriste sur une compétition, ce n’est pas ma philosophie. Pour faire la semaine de Palma ou d’Hyères, il fallait s’y remettre un ou deux mois avant parce qu’on n’y va pas en touriste. Cela voulait dire s’y remettre en février, en ayant fini les bilans des JO en décembre, ça ne laissait pas beaucoup de place au break.
Et qu’avez-vous fait pendant ce break ?
Des choses que je ne fais pas d’habitude au printemps, des trucs que je ne peux jamais faire. Des semaines de rando : avec mon frère, on est parti traverser la Corse, j’ai fait la fin de saison de ski de fond, quand la neige devient molle. J’ai aussi passé du temps avec la famille, avec les amis. Et quand Erwan Le Roux (ndlr : skipper du trimaran de 50 pieds Koesio) m’a appelé pour me proposer de venir naviguer, j’ai dit oui, j’étais dispo alors que normalement, en juin, quand on fait des saisons olympiques, on n’est pas disponible.
Hélène Noesmoen (à gauche) a apprécié de naviguer en Ocean Fifty avec l’équipage de Koesio d’Erwan Le Roux (à droite). (Photo Vincent Olivaud)Vous avez aussi participé à l’Ironman des Sables d’Olonne : pas très reposant ce genre de break…
J’ai fait l’Ironman des Sables d’Olonne dimanche dernier, je suis arrivée en toute fraîcheur à Concarneau (rires) : 3,8 km de natation, 180 km à vélo et un marathon derrière. Le tout en 12 h 23’. Moi, j’adore les efforts longs, je trouve qu’on apprend beaucoup sur soi-même, la gestion de son corps, de son effort. Ok, j’ai décidé de faire un break mais l’idée, c’est de ne pas revenir en friche de ce break. Quand je reviens de mon break, je me suis vidé la tête et je suis déjà prête physiquement à réattaquer une préparation olympique. Le challenge maintenant consiste à garder les bénéfices de tout cela.
Hélène Noesmoen a bouclé l’Ironman des Sables d’Olonne en 12 h 23’. (Photo collection privée Hélène Noesmoen)Quand faites-vous votre rentrée en iQfoil ?
Le 1er juillet. Je m’étais mis cette date dans la tête parce que c’est facile de se donner une date. Ces derniers mois, l’idée était de soigner les petites blessures physiques que j’avais, de refaire la caisse physique, de réorganiser le projet parce que ça prend beaucoup de temps. Quand on navigue, on n’a pas le temps de tout faire en même temps, de chercher des partenaires par exemple, pour après avoir la tête plus libre. C’est la case que je n’ai pas cochée. C’est hyper dur les financements.
Ça coûte combien une saison en iQfoil ?
Un kit complet d’iQfoil, c’est entre 10 000 et 12 000 euros, je n’ai pas les tarifs précis du moment, mais quand on change une voile, c’est 1 300 euros. Nous, on paye toutes nos voiles. Une saison complète, c’est entre 120 000 euros et 200 000 euros si tu dois payer un entraîneur. Le fait que je n’aille pas faire les championnats du monde cette année, même si j’avais fait les performances équipes de France, je ne vais pas avoir d’aide de la fédération.
Vous n‘êtes plus en équipe de France ?
Je suis officiellement dans la liste de l’équipe de France, mais vu que je ne respecte pas le programme imposé qui contient notamment le Mondial, je ne vais pas avoir d’aide au déplacement. Je vais m’entraîner au Pôle France à Brest et, fin juillet, je pars à Los Angeles repérer le plan d’eau des Jeux, j’y vais en financement propre. Ce n’est pas hyper facile mais ce sont des choix que j’assume. La fédé a ses politiques, moi j’ai mes choix.
La planchiste sablaise a décidé de remettre le cap sur les JO de Los Angeles 2028. (Photo Sailing Energy)Vous vous mettez volontairement en marge de la Fédération ?
Non, ce n’est pas l’idée, j’ai vraiment envie de travailler avec un collectif. Si je vais aux Jeux, ce sera avec l’équipe de France, donc l’idée, c’est de travailler ensemble. Pour l’instant, on ne se retrouve pas encore dans les mêmes programmations, j’essaie juste de mettre en avant ce qui me permettra d’être plus forte. Ce qui, en ce moment, ne colle pas forcément avec la vision de la performance de la Fédé. Après, on vise tous la même chose, les mêmes podiums sur les Europe, les Mondiaux, donc ça va vite se recoller. C’est juste qu’en ce moment, ce n’est pas tout à fait le cas. Mon idée de faire un break n’a pas été très bien écoutée ou comprise, donc j’ai décidé, de par mon expérience, de privilégier le fait de m’écouter et de me ressourcer, parce que je pense c’était comme ça que je serais plus forte. Après, l’avenir nous le dira.
Combien de filles en France peuvent potentiellement prétendre à aller aux JO 2028 en iQfoil ?
Je n‘aime pas répondre à cette question parce qu’il y a peut-être 10 ou 15 filles qui en rêvent et si je dis qu’on est 3 ou 4 à viser les Jeux, cela peut paraître irrespectueux pour les autres. Je sais qu’il va y avoir une belle bataille avec Lola Sorin qui était ma partenaire en entraînement des Jeux, on aimerait bien s’entraîner ensemble sur l’olympiade. Pour l’instant, on n’a pas réussi à créer un groupe d’entraînement commun, notamment par rapport au planning et aux programmations de la Fédé. J’espère qu’on va vite se retrouver. Il y a d’autres filles qui y croient, comme Manon Pianazza, Lucie Belbéoch, Marion Couturier. Tout le monde a le droit d’y croire. Le rêve des Jeux est pour tout le monde. Je pense qu’on y verra plus clair dans deux ans, on verra qui commence à être dans le match. On ne peut pas dire maintenant qui va y être. Après, c’est sûr qu’avec Lola, on était déjà proche en niveau. On a vécu de façon un peu similaire. J’espère qu’on va continuer de bonnes guerres jusqu’à la prochaine sélection.