Après le Haut conseil pour le climat la semaine dernière, c’est maintenant au tour de la Commission européenne de se montrer sévère vis-à-vis de la politique environnementale de la France. Lundi, Bruxelles a en effet sorti la calculette en publiant son évaluation, pays membres par pays membres, de l’investissement fléché à l’atteinte des objectifs écologiques de l’Union européenne (UE).
La législation européenne en matière environnementale doit en effet être retranscrite dans les lois nationales d’une part, mais aussi se matérialiser dans un certain niveau de deniers publics fléchés à la qualité de l’air, de l’eau, la biodiversité, la gestion des déchets, etc.
La France mauvaise écolière
Malgré ses efforts, le score de la France est, selon Bruxelles insuffisant et fait d’elle le plus mauvais élève de l’UE en la matière. Sur les 63,8 milliards d’euros que le pays est censé investir pour la période 2021-2027, seuls 42,7 milliards d’euros ont été financés. Le déficit est donc de 21,1 milliards d’euros, l’équivalent de 0,8 % du PIB français. Une situation qui commande donc d’augmenter l’enveloppe de 50 % d’ici à deux ans.
Lorsque l’on fait un comparatif avec d’autres pays proches au niveau économique et géographique, on constate que l’Allemagne n’est pas loin, avec un creux de 20 milliards, tandis qu’il manque à l’Espagne 10,75 milliards. L’Italie accuse de son côté un déficit de 8,29 milliards d’euros. Le Portugal est plutôt bon élève, avec seulement 1,6 milliard d’euros à débloquer pour atteindre ses objectifs environnementaux.
Un retard important sur la pollution de l’air
Quel est le poste de dépense environnementale sur lequel Paris doit le plus monter en cadence, selon l’exécutif européen ? Avec 8 milliards d’euros de besoins supplémentaires, la prévention et la réduction de la pollution de l’air sont les chantiers prioritaires si la France veut être en accord avec la législation verte européenne.
Une recommandation à mettre en écho avec la suppression récente par les députés des zones à faible émission (ZFE), censées être un nouvel outil pour amputer les émissions polluantes des transports, premier secteur émetteur du pays. Bon point tout de même pour Paris, sur la prévention des accidents industriels, qui, selon le bras exécutif de l’UE, « s’améliorent ».
La protection de la biodiversité à la peine
« Malgré l’ambitieuse stratégie nationale pour la biodiversité à l’horizon 2030 », concède la Commission, les deniers fléchés à la protection de la biodiversité demeurent également insuffisants. Pour être au niveau, le montant doit être gonflé de 5,9 milliards d’euros par an. En cause, pointe le rapport, une trop forte « artificialisation des terres » et « des pratiques agricoles intensives », qui exercent « une pression sur les écosystèmes ». Liée à ce modèle agricole, la pollution aux pesticides est aussi montrée du doigt par l’évaluation de Bruxelles, de même que la « pollution aux nitrates de l’eau potable » tricolore.
Dans le résumé exécutif du rapport, la Commission n’hésite d’ailleurs pas à rappeler qu’elle va saisir la Cours de justice de l’UE (CJUE) pour un recours à ce sujet. Les évaluateurs de la Direction générale européenne de l’environnement, auteurs de ce travail, rappellent aussi qu’ils analyseront à partir de 2026 le taux de polluants dits « éternels », les fameux per- et polyfluoroalkylées (PFAS), dans l’eau potable de l’Hexagone.
Peut mieux faire pour la gestion des déchets
Enfin, la Commission estime que pour atteindre ses objectifs en matière d’économie circulaire, dont une grande partie dépend d’une gestion des déchets performante, la France doit investir 4,6 milliards d’euros supplémentaires par an, soit 0,17 % de son PIB. Pour rappel, le pays a adopté en 2020 la loi « antigaspillage » (Agec), pionnière en Europe.
Mais selon un rapport sénatorial paru le 25 juin, des insuffisances demeurent, notamment sur les déchets plastiques, recyclés à seulement 23 %. Ceci, alors que l’objectif fixé par l’UE est d’atteindre au minimum 50 %. L’Autriche et les Pays-Bas font figure de bons élèves avec 60 % de recyclage. Ce manquement sur le plastique oblige la France à payer environ 1,6 milliard d’euros de « taxe plastique européenne », ce qui fait d’elle la plus importante contributrice parmi les 27 pays membres.
Mauvaise séquence politique
Cette évaluation de la Commission vient ponctuer une mauvaise séquence politique du gouvernement en matière de climat. Jeudi dernier, le Haut conseil pour le climat (HCC) a déploré dans son rapport annuel le ralentissement de la décarbonation de la France en 2024, avec des émissions carbonées en recul de 1,8 %, après 6,7 % en 2023.
Tendance confirmée un jour plus tard par le Citepa, le centre d’étude mandaté par l’exécutif pour calculer les émissions de l’Hexagone : au premier trimestre de cette année, les émissions ont augmenté de 0,2 %, ce qui n’était pas arrivé depuis plusieurs années, et la prévision pour l’ensemble de l’année serait une baisse de seulement 0,8 %. Suite à cette publication, dans une interview accordée au Monde, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a même concédé : « Ces chiffres sont très mauvais, l’année 2025 ne sera pas bonne. »
En cause dans cette tendance glissante selon le HCC, « le cadre d’action publique » qui a pris « un retard important ». Derrière ces mots feutrés est pointée l’incertitude gouvernementale et budgétaire de la France, qui depuis un an, ralentit la fabrique des lois, notamment environnementales. Prioritaires, la troisième loi de « programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE3) et la troisième « stratégie nationale bas carbone » (SNBC3) n’ont ainsi toujours pas été publiées.