Haute couture: Elie Saab, Fang Couture et ArdAzAei

Souvent, les plus grands précurseurs de la couture – un concept très français – naissent à des milliers de kilomètres de la France. Trois de ces talents – Elie Saab, Fang Couture et ArdAzAei – ont offert des visions impressionnantes du renouveau du classicisme de la couture. Aucun d’entre eux n’est né en France.

Elie Saab haute couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

Elie Saab : La couture de la cour royale

“J’ai rêvé d’une cour royale”, a déclaré Elie Saab après avoir présenté l’une de ses collections les plus opulentes et les plus sculpturales à ce jour.

Installée au Pavillon Cambon, en face du siège de Chanel, les mannequins ont descendu l’escalier en fer forgé de la Belle Époque devant une salle comble pour le dernier défilé du couturier libanais.

Pour rester dans le thème royal, Elie a fait appel à trois princesses vétéranes pour ouvrir le défilé. La blonde néerlandaise Lara Stone, toujours changeante, s’est emmitouflée dans un shantung de soie anthracite et crème caramel, sculpté dans une robe époustouflante.

Elie Saab haute couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

La beauté russe Sasha Pivovarova a suivi dans une veste décolletée en velours noir, lacée dans le dos, associée à une culotte de crêpe et à une traîne en satin moiré. Isabeli Fontana a complété la trilogie dans une robe de velours aux courbes va-va-vroom, maintenue par des coutures de dentelle en diagonale.

Les cheveux ébouriffés, la gorge nouée d’un ruban noir, c’était l’ouverture la plus sexy d’Elie Saab depuis des lustres. Et il n’y a pas de mal à cela.

Elie Saab a ensuite fait tourner son célèbre atelier à plein régime avec de magnifiques robes faites de fleurs printanières magnifiées, ornées de perles, de strass et de cristaux.

Une technique consistant à nouer des plis de tissu sur le devant, utilisée sur les robes en satin duchesse, était l’œuvre d’un maître couturier travaillant sa magie. Sa robe pyramidale en plumes roses était d’une habileté stupéfiante, tout comme sa corseterie française réinventée et séduisante.

Elie Saab haute couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

Composée d’une fraîche palette de macarons nude, rose corail, bleu pâle et menthe, avec des touches de noir et d’or impériaux, cette collection ressemblait à une magnifique cour.

Pour celles et ceux qui souhaitent que leur couture allie beauté et excellence technique, Elie Saab et son atelier n’ont rien à envier aux autres. Il n’est pas étonnant qu’Elie Saab ait été ovationné. Alors que les mannequins se rassemblaient dans l’escalier, il s’est incliné avec la modestie qu’on lui connaît.

Fang Couture : Zhezhi chic à la Tour Eiffel

By Fang couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

L’Orient a dialogué avec l’Occident cette saison chez Fang Couture, un élégant label indépendant qui a organisé son premier défilé sur une terrasse face à la Tour Eiffel.

Créée par Fang Yang, née en Chine et diplômée de l’école de mode parisienne Esmod, Fang associe les grands tissus et silhouettes européens à d’astucieuses techniques chinoises.

L’idée maîtresse de la collection était d’utiliser le Zhezhi, l’art chinois du pliage du papier, un peu comme leur version de l’origami, qui allait des mouchoirs pliés en petites fleurs à des robes séduisantes faites de satin duchesse plié avec dextérité. Le résultat est une série très raffinée de robes en treillis plié, comme un fourreau rouge rubis orné de minuscules bourgeons de perles de jade.

By Fang couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

Fang a fondé la marque avec son compagnon Grégoire Caillol, et ensemble ils ont imaginé une marque avec un point de vue distinctif. En 2015, elle a ouvert la maison de couture By Fang.

Fang a également présenté des hauts en organza noir froncé et orné de cristaux, ou encore une paire de magnifiques robes bustier en mousseline de soie ornées de minuscules améthystes – en rouge ou dans un beige plus doux.

“Je voulais travailler la soie et d’autres tissus comme j’avais travaillé le papier. C’est un hommage à mon héritage et à l’idée que je me fais de l’élégance parisienne”, a expliqué Fang lors d’une avant-première.

Alors que le soleil descendait, Yang a mis en scène son défilé, la délicatesse raffinée des vêtements contrastant heureusement avec la puissance brute de la tour de l’autre côté de la Seine. L’Orient est plutôt à l’aise avec l’Occident, à l’image de cette collection.

ArdAzAei : Mer plissée, cuisine raffinée

ArdAzAei haute couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

Charles Darwin aurait adoré la dernière collection d’ArdAzAei, et le public a certainement fait de même.

Darwin pensait – à juste titre – que l’origine de la vie était la rencontre de la terre et de la mer. C’est pourquoi il a étudié les mollusques sur les rives de la mer du Nord, alors qu’il était étudiant à l’université d’Édimbourg. Comme le grand scientifique, le designer d’ArdAzAei, Bahareh Arkadani, s’est inspiré de la mer, et plus particulièrement de l’oursin, avec son improbable géométrie pentaradiale et son statut mythique de “talismans de protection”.

Intitulée The Folded Sea, la collection s’inspire de la forme idéale de l’oursin, dont les coquilles ornent les maisons du bord de mer, de Galway à Göteborg, de Nantes à Naples.

Le résultat est une collection hyper-originale de formes ondulantes, de formes nervurées et d’effets dramatiques inattendus. Suggérer la courbure d’un bivalve avec des blazers et des robes bustier en crêpe noir qui s’ouvrent. Le fini brillant des crustacés dans des combinaisons pantalons écrues. Ou encore en jouant visuellement sur une mer houleuse dans une superbe robe en lurex superposée, terminée par des découpes audacieuses. Tout était élégant et noble dans la lumière de midi du rez-de-chaussée aéré de la Fondation Cartier. ArdAzAei a eu l’honneur d’être la première maison de couture à exposer dans ce lieu depuis la récente restauration du centre d’art, dans le cadre d’une gestion avisée.

ArdAzAei haute couture automne-hiver 2025-26 – Courtesy

Bien que très soucieux de l’environnement, Arkadani n’a pas peur d’utiliser des tissus de pointe, comme la robe cocktail “blindée” avec des bretelles de protection à trois pouces des épaules, faites de soie, de coton et d’acier inoxydable.

Arkadani aurait besoin d’un peu d’auto-édition. Certains looks comportaient un peu trop de tourbillons, de dissections ou de volants. Mais il s’agit toujours d’une déclaration de mode particulière, utilisant le pouvoir du tissu et de l’imagerie de la mode pour suggérer un monde plus beau et plus compréhensif.

Mis en scène au ralenti et accompagné d’une bande sonore comprenant un charmant morceau industriel excentrique intitulé Metabolism de Baintermix, ce défilé était l’un de ceux que l’on ne voit jamais qu’à Paris.

Le tout accompagné d’un délicieux repas offert par le chef danois Claus Meyer, nouvelle star de la cuisine nordique. Coquilles Saint-Jacques sur caviar avec du caviar d’esturgeon blanc, le tout saupoudré de fenouil. Émulsion d’huîtres avec concombre et fleurs marinés, le tout arrosé d’un excellent vin biodynamique espagnol.

À bien y penser, Darwin aurait également approuvé la nourriture.